Un légionnaire dévoré par un lion

             Extrait du journal « L’AKHBAR d’ALGER »-année 1861-

 

Sous ce titre « lutte avec une bête féroce », ce journal relate le fait suivant :

Le 1 juillet dernier, deux compagnies du deuxième bataillon du 2 Régiment Etranger, reçurent l’ordre de quitter Sidi-Bel-Abbès pour aller tenir garnison à Daya. Il y a deux gites d’étapes entre ces deux localités : la Ténira et l’oued Telagh. Dans la matinée du 2 juillet, le détachement quitte la Ténira vers quatre heures du matin et arrive vers sept heures à un cours d’eau appelé Traminet.

Là, le capitaine Abrial qui commandait le détachement, fit l’appel des hommes qui le composaient et constata l’absence du légionnaire Redon. Ce légionnaire avait été vu marchant à l’arrière du détachement. Aussitôt, deux caporaux furent envoyés en arrière, à la recherche du manquant. Mais ce fut peine perdue, après quelques kilomètres, ils ne le trouvèrent pas.

Comme ce légionnaire était un bon soldat, le capitaine pensa que, s’il s’était égaré, il reviendrait à Sidi-Bel-Abbès. Arrivé à Daya, il rendit compte de la disparition du légionnaire Redon. Plusieurs jours s’étaient écoulés sans nouvelles du légionnaire, quand le 13 juillet, douze hommes venus de Sidi-Bel-Abbès, arrivèrent à Daya, sous la conduite d’un caporal. Il rendit aussitôt compte au capitaine Abrial, que, à proximité de la Ténira, il s’étant écarté du chemin pour aller à la poursuite de lapins, il découvrit une chemise en lambeaux et ensanglantée. Et un peu plus loin, il trouva une ceinture de flanelle pleine de sang. Ce vêtement portait un numéro matricule qu’il releva avec soin. Quelques mètres plus loin, ce fut une cravate, puis contre une broussaille un fusil et des munitions.

Il s’avéra que ce numéro matricule était celui de Redon. Le lendemain, le capitaine Abrial et le lieutenant Menard de  Chauglonne se rendirent au lieu indiqué, accompagnés de quelques hommes. Ils trouvèrent effectivement, une chemise en lambeaux, un fragment de cravate, la veste entière de Redon, et une ceinture de flanelle.

Ensuite ce furent des découvertes macabres ! Une mâchoire inférieure brisée en trois morceaux et des fragments de crâne dénudés. Il y avait une mare de sang qui avait pénétré le sol. Le terrain labouré et gratté, indique qu’il y a eu une lutte suprême. L’inspection de son fusil témoigne d’une lutte désespérée. L’extrémité du canon est tachée de sang, ainsi que la crosse qu’il a dû utilisée comme assommoir.

Tous les indices qui ont été remarqués établissent la conviction qu’il a été attaqué par une bête féroce. Abandonnant son fusil, il a dû essayer de fuir. La bête l’aura rattrapé, renversé puis broyé le crane, abandonnant son cadavre aux chacals.

A l’endroit où ont été trouvés les restes macabres du légionnaire Redon, un petit ravin court parallèlement à la route. Ce ravin est bordé de broussailles épaisses, formant une haie. Redon y est descendu sans doute pour chercher de l’eau.

C’est alors qu’il a pu se trouver face à face avec un lion. Il a dû avoir l’imprudence de tirer sur le lion sans le tuer. Le lion devenu féroce a bondit sur lui. Il s’est certainement défendu avec la crosse, puis essayé de fuir dans les broussailles.

A l’époque où a eu lieu ce funeste évènement, un lion avait été aperçu par les villageois.

 

Major Hubert Midy, chargé de la mémoire/FSALE