Il est une mode indémodable, celle qui peut être considérée comme moderne et éternelle à la fois : avoir des problèmes et se retrouver quelque peu blasé de sa propre existence, l’âge venant…

Pour accentuer encore ce mal-être, pollution parmi les pollutions, nous sommes envahis du bruit des autres, de leurs vociférations hystériques, des cris vulgaires en tout genre. C’est un horrible brouhaha. Même un musicien ne trouverait pas dans cette énorme cacophonie, la moindre note harmonieuse et sereine.

Cette forme de pollution était mon lot quotidien après mon service légionnaire. Rapidement, c’était devenu une obsession, il me fallait trouver une atmosphère sonore plus convenable. Il m’était indispensable de trouver une parade, même si je possédais « l’atout » du handicap professionnel de tout ancien militaire « qui se respecte » : se retrouver plongé dans le monde fermé des sourds chroniques, conséquence de séances de tir sans protection auriculaire.

Je m’étais isolé, retranché dans une bulle insonore, et lorsqu’il m’arrivait de mettre mon nez dehors, je m’affublais, enfin, mieux vaut tard que jamais, du casque anti-bruit.

Dans mes lectures de jeunesse, j’avais appris que la terre était ronde, que le monde qui m’entourait avait la dimension d’un tout petit atome dans un univers illimité, dans lequel je n’étais même pas une poussière. De quoi m’indisposer, assurément, par une sorte de vertige persistant. Ma dimension humaine me faisait peur, asphyxié par un trop plein de rien du tout : le temps libre. Je pris l’option de me laisser vivre, oisiveté soutenue par une “rente” d’ancien légionnaire, qu’alimentait régulièrement une dette dite publique me concernant. Enivré de désœuvrement, de paresse - cette ignoble mère de tous les vices - j’affectais prétentieusement d’aimer ce genre de vie, et d’être parfaitement heureux en compagnie de camarades de rencontre sur ma dernière route, que je  fréquentais au grand dam de mon organe hépatique, petite chose très fragile qui me faisait souffrir par crises aigües douloureuses, et m’alertait ainsi sur mon précaire état de santé, signe de vie raccourcie.

A l’amicale d’anciens légionnaires que je fréquente depuis peu, j’ai la chance de rencontrer des amis, anciens légionnaires comme moi. Certainement, lors de nos parcours réciproques, nous nous sommes croisés. J’ai plus, dans ma tête, la mémoire des visages que celle des noms. Grâce à eux, je laisse mon foie vivre tranquillement sa retraite, bien méritée. Je vis en   accord harmonieux avec mes nouveaux compagnons, et la partition qui se joue dans l’air du temps, est une mélodie fantastique, un véritable petit bonheur, alimenté par le partage et les échanges d’hommes de bonne volonté. C’est un tempo magique d’un enrichissement mutuel, partagé. Depuis, je me rends utile, je visite les malades dans les hôpitaux, c’est pour moi un sentiment indescriptible, surtout que je me suis pris d’amitié avec eux. Voilà donc ma nouvelle vie, je suis guéri du bruit des autres, ma vie reprend des couleurs, j’existe encore pour quelques uns d’entre eux, ceux qui ont besoin de mes visites régulières pour leur faire oublier leur misérable condition humaine. Mais en dehors de cet article écrit par un ami, je ne saurais exibitionnée et dire combien je suis généreux, peut-être que je suis tout simplement égoïste au point de me dire qu’un jour je serai payé de retour par… un ancien généreux qui a changer sa vie en visitant ceux qui ont en tant besoin d'exister encore pour quelqu'un.

Christian Morisot – Communication FSALE