Première intervention de la Légion étrangère sur le sol national.

                  Mort du commandant ARAGO.

                  Engagement dans la Légion du Prince 1er de Serbie, alias Alexandre KARA.

« La bataille était dans Orléans. Les canons ennemis bombardèrent bientôt les Aydes et le faubourg Bannier. De l’endroit où se rencontrent les routes de Paris et de Chartres, près de l’église « la chapelle-vieille », on voyait les fantassins ennemis qui se glissaient le long des arbres et dans les fossés. Un feu terrible éclata sur eux : La Légion étrangère était là !

Etrange histoire que celle de toutes les vies, que devant les murs dOrléans, la Légion étrangère venait donner à la FRANCE. Ces hommes intrépides étaient nés sur toutes les terres du monde. Beaucoup parlaient à peine la langue du pays pour lequel ils répandaient leur sang. Gens de cœur et d’aventures, exilés ou désœuvrés, tous étaient soldats avec passion ou par métier. Autrichiens, Suisses, Belges, Valaques, Espagnols, Italiens, enfants de toutes les nations, se battaient comme des Français pour la glorieuse FRANCE.

Les Polonais étaient nombreux dans le 5éme bataillon : sur les huit compagnies, ils avaient cinq officiers. Un Hollandais, le comte LIMBURG-STIRUM, était venu d’Amérique pour se battre dans la Légion contre les Prussiens. Un prince serbe(1), KARADJORJEVIC, (PIERRE 1er de Serbie), y était sous-lieutenant. Un Chinois y servait : il avait gagné ses galons de sergent sur les champs de bataille. Quels qu’ils fussent, tous suivaient avec amour le drapeau de la FRANCE.

Le matin, le 5éme bataillon de la Légion étrangère était arrivé à Bourges. Il aurait pu arriver plus tôt, mais le commandant ARAGO n’avait reçu aucun ordre. De la gare d’Orléans, le bataillon vint camper sur le boulevard « Roche Platte ». Survint un officier d’état-major : « Partez, allez sur la route de Paris jusqu’à la rencontre de l’ennemi. »

Sur le point d’entrer dans le faubourg Bannier, les légionnaires croisèrent un général au coin du boulevard. L’un d’entre eux s’avance d’un pas vers lui : « Mon général, s’écrit-il, nous allons mourir pour la Patrie. Vive la FRANCE ! »

En remontant vers l’extrémité des Aydes, plusieurs compagnies se détachent du bataillon : la 1ére, commandée par le capitaine LATAPIE, se dirige vers les Aubrais. Une partie de la 3éme franchit un fossé sur la droite de la route ; le lieutenant BRASSEUR s’embusque avec elle derrière les haies et le moulin « Porteau ». De là, les légionnaires tirent sur les Bavarois qui s’approchaient. L’ennemi réplique par de violents tirs d’obus. Près de la « chapelle-neuve », les 3 officiers de la 2ème compagnie avaient été tués en même temps.

Le bataillon poursuivait sa marche en avant. Arrivé à la place de la « Bascule », carrefour des routes de Paris et Chartres, il s’était divisé pour occuper ces 2 routes. Ce fut-là, que toute la journée la lutte fut le plus meurtrière et allait durer jusqu’à la nuit.

Le commandant ARAGO n’avait point d’ordre. Pour lui et ses officiers, il ne s’agissait que de tenir là, d’arrêter l’ennemi et de se faire tuer. Debout, au milieu de la chaussée, il paraissait tranquille au milieu des balles et des boulets. Mais sur son pâle visage, on devinait l’amère tristesse qu’il éprouvait à voir, abandonnés devant l’ennemi, tous ces hommes dont beaucoup de cadavres couvraient la chaussée. On l’entendait crier : « Courage, mes amis. En avant ! » Ses légionnaires l’apercevait fier et bravant la mort.

Le feu était épouvantable. Les légionnaires armaient leur fusil, s’avançaient et tiraient. Beaucoup étaient couchés, d’autres à genoux, pas un ne tremblait. Un sergent, homme d’un sang-froid extraordinaire, et le meilleur tireur du régiment, posté derrière une lucarne, abattit 80 ennemis sur la route des Aydes. Un légionnaire, Belge de naissance, qui s’appelait Joseph FERONT (2), ne laissa pas un seul ennemi faire un pas de plus. Jusqu’à ce que blessé au pied, il fut mis à l’abri chez un habitant.

Au milieu de ce feu effroyable, les habitants des Aydes montraient une charité hardie. L’instituteur, des jeunes gens et même des femmes rampaient pour aller chercher les blessés.                                                   

Il était 3 heures. Aux Aydes, l’ennemi n’avançait pas. C’est vers ce moment que mourut le commandant ARAGO. Il se trouvait en face d’une maison qui porte le N° 423. Comme son clairon sonnait près d’un mur, ARAGO, voulant donner un ordre, lui cria : « Assez ! ». Au moment où il s’approchât du clairon, qui n’avait pas entendu, pour répéter l’ordre, une balle vint le frapper au cou : il tomba raide.

 

Ses légionnaires le ramassent et le portent en pleurant, chez le boucher BLAIN qui le reçoit sur son lit. Le commandant ARAGO est déjà inanimé. Tous ceux qui le virent au combat ont regretté en lui un héros, et la FRANCE dira qu’il a honoré le grand nom qu’il portait. »

 

Stèle érigée en 1930 dans le parc Pasteur à Orléans

 

Le 5éme bataillon comptait 1350 hommes. 600 furent tués ou blessés, et 250 faits prisonniers. Sur les 25 officiers, 5 furent tués ( commandant ARAGO et les sous-lieutenants De CRISTOFEU, FAYOL, KACZKOWSKI, KURNEWITCH, PACKOWSKI), 8 blessés et 6 prisonniers (capitaines BRASSEUR, De MORANCY, LATAPIE, les sous-lieutenants De PIERREFEU, PODTKOWINSKI). 6 ont pu rejoindre l’Armée.

Le commandant des troupes ennemies, le général Von der TANN dira : « Si les français s’étaient battus comme cela à Sedan, nous ne serions pas à Orléans. »

SOURCES : «  la bataille d’Orléans », d’Auguste BOUCHER-Edition 1871.

 

Pierre 1er de Serbie

 

SOURCES : «  la bataille d’Orléans », d’Auguste BOUCHER-Edition 1871.

NOTES :

  • PIERRE 1er de Serbie, (Petar Aleksandrovitch KARADJORJEVIC, son nom de naissance), est né le 29 juin 1844 à Belgrade, et mort le 16 aout 1921. Il fut roi de Serbie de 1903 à 1918, puis au terme de la première guerre mondiales, roi des Serbes, des Croates et des Slovènes. Petar KARADJORJEVIC fait ses études militaires à Saint-Cyr, à titre étranger, promotion « Puebla ». En 1870, ne supportant pas de voir la France battue par les Prussiens, il s’engage au 5éme bataillon de la Légion étrangère, avec le grade de sous-lieutenant, sous le pseudonyme de Pierre KARA.

Il se bat dans les rangs de l’Armée de la Loire. Il est blessé le 11 octobre pendant la bataille d’Orléans. Fait prisonnier, il s’évade en traversant la Loire et rejoint l’arrière-garde de l’Armée de CHANZY, et reprend sa place au combat.

  • FERONT Joseph, légionnaire d’origine belge, après les combats d’Orléans, combattit à Coulmiers, puis Quevilly où il fit 13 prisonniers. Le 4 décembre, blessé à Artenay, il est évacué vers Bourges. Puis s’est retiré à Lille.

                     

Major (er) Hubert MIDY en charge de la mémoire FSALE.