AVANT-PROPOS:

La première Légion est composée de 7 bataillons :

                  -Les anciens gardes Suisses et du régiment Hohenlohe forment le 1er Bataillon.

                  -Les 2éme et 3éme sont composés de Suisses et d’Allemands.

                  -Le 4éme est espagnol.

                  -Le 5éme incorpore les Sardes et les Italiens.

                  -Le 6éme Belges et Hollandais.

                  -Et le 7éme est composé de Polonais.

NB : C’est en arrivant en Espagne que le colonel BERNELLE, voulant réorganiser la Légion, institua     l’AMALGAME, le mélange des nationalités dans les bataillons.

                                                                     

PREAMBULE:

Le roi FERDINAND VII meurt en 1833, ayant auparavant désigné comme successeur sa fille ISABELLE au détriment de l’infant CHARLES, frère de FERDINAND .Seulement âgée de 3 ans ISABELLE ll est proclamée reine d’Espagne sous la régence de MARIE-CHRISTINE, sa mère. CHARLES (Don CARLOS) qui n’accepte pas la décision et se sait soutenu par de nombreux partisans, se déclare également Roi d’Espagne sous le nom de CHARLES V. La guerre entre Carlistes et Isabellistes va durer jusqu’en 1840.

C’est à PARIS qu’a lieu le 28 janvier 1835 la signature par la FRANCE, la GRANDE-BRETAGNE, l’ESPAGNE et le PORTUGAL, la convention par laquelle la Légion étrangère , en activité dans les possessions françaises d’AFRIQUE , va passer au service de l’ESPAGNE , pour soutenir la reine MARIE-CHRISTINE , qu’une querelle de succession oppose à DON CARLOS.

                                                                      LA CAMPAGNE

La Légion étrangère est forte de 6 bataillons. Le 4éme bataillon, composé d’espagnols, a été démobilisé pour participer à la guerre civile .Le commandant KEBER et 11 officiers préfèrent quitter l’Armée plutôt que de combattre pour l’Espagne .123 officiers et 4021 sous-officiers passent au service d’ISABELLE ll .Ils font route vers l’Espagne à bord de 11 vaisseaux de guerre. Ne manquent que 900 hommes( ?) en provenance du dépôt de TOULON, et 256 légionnaires retenus pour diverses raisons et qui rejoindront plus tard.(SOIT UN TOTAL DE 4400-( ou 5300 ?).

Le colonel BERNELLE adjoint à cet effectif une compagnie de dépôt et d’ambulance, une compagnie de Génie et une batterie d’Artillerie forte de 6 pièces. Il met également sur pied un régiment de lanciers polonais.

L’effectif de la Légion va aller jusqu’ à compter 298 officiers et 6134 sous-officiers et légionnaires.

La Légion débarque à TARRAGONE, au matin du 19 aout, sous les ordres du colonel BERNELLE .Les 6 bataillons vont désormais opérer ensemble. Ils sont constitués en 48 compagnies. Cantonnée près de PAMPELUNE, la Légion prend part à diverses opérations vers PUENTE la REYNA, LARRAGA et OTEYZA .Les 16 et 17 janvier 1836 elle affronte les carlistes à ARLABAN, près de VITTORIA en NAVARRE .Les combats de la Légion se déroulent au Nord-est de l’Espagne, à la frontière française des Pyrénées.

Les légionnaires se comportent de façon admirable. Le général en chef, le général CORDOBA, donne la Légion en exemple à ses soldats .Il nomme le colonel BERNELLE grand-croix de San Ferdinand sur le champ de bataille. Le commandant HORAIN, les capitaines RENAUD et FEYER reçoivent la croix de chevaliers du même ordre.

Le 7 mars, la 5éme compagnie du 1er bataillon surprise par les carliste est dégagée par les voltigeurs du capitaine RENAUD .Le 18 mars un groupe de 20 légionnaires lutte à l’arme blanche à MONTE BOSCO contre 150 carlistes. Le 24 avril 1836 le 4éme bataillon est attaqué près de PAMPELUNE par 150 cavaliers et de l’infanterie carliste. La compagnie de voltigeurs engage avec la cavalerie un combat au corps à corps. 200 carlistes restent sur le champ de bataille. Le sergent BERCET, isolé, est surpris par les cavaliers ennemis et refuse de se rendre. Il recevra 27 blessures.

La Légion se bat ensuite à TERAPEGUI, le 26 avril, à ZUBIRI, le 26 aout 1836, où les légionnaires rejettent 16 bataillons carlistes vers les pics près de SAIGOS.

Fatigué, malade, controversé, le colonel BERNELLE, impuissant à faire accepter ses justes revendications par le gouvernement de la Reine, demande sa relève et rentre en France le 16 aout 1836.Le lieutenant-colonel LEBEAU lui succède un court instant, puis lasse la place au colonel CONRAD. Le 17 aout à LANZ, la Légion chasse les carlistes.

Le 20 mars 1837, la 6éme compagnie du capitaine HABISCH se défend à LARRAINZARA pendant 2 heures contre des forces 10 fois supérieures. Le lieutenant SOKARSKI et 7 légionnaires trouvent la mort. Le 26 avril 183, la Légion participe à la prise d’ARLABAN. Elle s’illustre également à ARRONITZ et à VILLATUERTA.

Entre temps, 1000 légionnaires, en fin de contrat seront libérés. Ils sont sans argent, sans vivres et mal vêtus. 800 d’entre eux passeront chez les carlistes, leurs ennemis d’hier.

Le 2 juin 1837, à BERBEJUAL, près de BARBASTRO, les colonnes carlistes tombent sur le flanc de l’armée de la Reine ;4 compagnies de Légion et un régiment de la Reine se trouvent isolés. Les hasards du combat vont opposer les légionnaires de la Légion contre leurs anciens frères d’armes.

Le Baron WILHELM VON RADHEN, officier allemand servant chez les carlistes, raconte cette scène incroyable : les légionnaires des 2 camps s’interpellent car ils se connaissent, s’appellent par leurs noms ou leurs surnoms, puis se tuent froidement.

La Légion étrangère va subir de lourdes pertes. Le colonel CONRAD trouve la mort à la tête de ses troupes. Le capitaine BAZAINE soustrait le corps à l’ennemi, puis prend le commandement des débris de la Légion. Le colonel CONRAD est le 1er Chef de Corps tué au combat.

Les légionnaires, du moins l’infanterie, ne sont plus en mesure de reprendre le combat. Les survivants sont acheminés sur la ville de JACA, dans la province d’ARAGON, puis cantonnés dans PAMPELUNE, sans vivres et sans solde. La Légion attend son licenciement. En revanche, la batterie d’artillerie de la légion, commandée par le lieutenant-colonel ROUSSET, continue de combattre contre les carlistes. Les artilleurs de la Légion prendront part à la bataille de PENACERRADA et seront cités à l’ordre de l’Armée .La solde impayé, les vivres et les vêtements faisant défaut, la Légion n’est plus que l’ombre d’elle-même. Le 8 décembre 1838, la Reine décrète la dissolution de la Légion.

 

LA MORT AU COMBAT DU COLONEL CONRAD,( 1er Chef de Corps de la Légion tué au combat)

Lettre du capitaine BAZAINE, chef d’état-major du brigadier CONRAD,(à titre espagnol), au lieutenant-général comte HARISPE :

 

                 

                                                                                Colonel Conrad                                                                                                                                                                                   

« Nos troupes pliaient, le désordre commençait à se mettre dans nos rangs. Il pensa qu’en donnant l’exemple et en se dévouant,  il pourrait ramener les soldats. Il se porta bien en avant des tirailleurs, mit sa casquette au bout de sa canne et cria « en avant ».

Mais les hommes, saisis d’une terreur panique, n’entendirent pas sa voix. Ils continuèrent à fuir. Son corps manqua un instant de tomber aux mains de l’ennemi, mais grâce au courage d’un officier et de quatre braves sous-officiers et soldats de la Légion, je parvins à le mettre sur son cheval et à lui faire traverser le champ de bataille.

Cependant, comme nous étions tournés sur notre gauche, il me fallut une demi-heure pour mettre le corps de mon général hors de danger. Enfin, arrivé sur la route de Berbegal, je le fis mettre dans une voiture, lui donnai une escorte et son officier d’ordonnance, M. GUYON, qui dans cette affaire avait une contusion, et qui l’accompagna dans ce village.

Quant à moi, mes fonctions de chef d’état-major m’obligèrent de retourner immédiatement sur le champ de bataille afin de rallier la Légion qui se trouvait sans chef. Le seul officier supérieur qui restât encore sous les armes ayant été blessé à mort. Je parvins à en rallier une partie et je recommandai aux officiers de démentir la mort du général, et de dire aux hommes qu’il était seulement blessé légèrement, qu’il allait être pansé et qu’il allait revenir se mettre à leur tête .Qu’il serait désespéré si la Légion ne se conduisait pas bien jusqu’à la fin de la journée. Ces paroles suffirent pour ramener chacun à ses devoirs et la Légion suivit en ordre le mouvement rétrograde de l’Armée, qui rentra à 7 heures du soir à Berbegal. »

Notes :                                                                                                                                                                                                  - l’auteur de ce courrier, Achille-François BAZAINE est devenu plus tard Maréchal de France.

Le général CONRAD (à titre espagnol) est Officier de la Légion d’Honneur, Chevalier de l’Ordre Militaire de SAIN.

En 1918, à Strasbourg, une rue est baptisée à son nom.

                                                                       EPILOGUE :

                                                                                                                                                                                                                    Les 63 officiers et les 159 sous-officiers et hommes du rang survivants traverseront les PYRENEES et arriveront à PAU le 10 janvier 1839(sur 298 officiers et 6134 sous-officiers et légionnaires).

Ainsi se termine l’épopée de « l’ancienne Légion étrangère » pratiquement anéantie.

Moins de 6 moins après, le gouvernement de LOUIS-PHILIPPE créa la « seconde Légion étrangère ».

                  « On avait dit à la Légion qu’elle allait se battre, et sans demander pour qui, et ni où elle combattrait. Cette troupe qui par sa composition rappelait les grandes compagnies du Moyen-Age, alla s’engouffrer dans l’ingrate Espagne qui la dévora toute entière, ne rejetant à la France que des débris mutilés »

Ce commentaire du Duc D’ORLEANS illustre à lui seul cette campagne.

 

                 EXTRAITS DU LIVRE DE JEAN-PAUL AZAN « La Légion en Espagne de 1835 à 1839 »

 Le major (er) Hubert Midy en charge de la mémoire FSALE