Messe célébrée le mercredi 15 février 2018 par le père Yannick Lallemand à la chapelle du quartier Viénot à Aubagne qui part en retraite de prières au crépuscule de sa vie sacerdotale. Son sermon était remarquable et ce n’est rien de dire qu’il chargeait d’émotions, les anciens légionnaires et les cadres d’actives présents.

A l’issue de la messe, une cérémonie présidée par le général Jean Maurin, précisait toute l’estime de la Légion étrangère pour un de ses plus fidèles aumôniers avec la distinction de légionnaire honoraire, juste reconnaissance pour 50 ans de sacerdoce dont 23 passés au service de la Légion étrangère.

Enfin, ultime épreuve pour notre "Padre", qui signait, avec beaucoup d'émotion, le livre d’or dans la salle d’honneur du musée.

 

 

Pour mémoire: Interview du père Lallemand  par CM.

CM : Comment vous est venu votre vocation d’Aumônier militaire ?

Père Lallemand : Ayant fait la guerre d’Algérie, j’ai vu les aumôniers militaires qui œuvraient magnifiquement dans des situations souvent difficiles au service du Seigneur. Etant moi-même, fils de militaire, l’armée est un milieu que je connais bien et c’est tout naturellement que la vocation militaire m’était venue d’être officier comme l’étaient plusieurs de mes frères. Quand j’ai pris la décision de devenir prêtre, je n’avais d’autre alternative que celle d’être au service d’autres militaires. C’est un milieu au service de Dieu et de la France que j’estime. J’ai ainsi baigné dans cette vie que nous devons donner à notre pays et dont nous recevons chaque jour les bienfaits sans que nous nous en apercevions. Mon père a donné toute sa vie au pays, à l’Armée et je l’ai toujours entendu dire : « Faire le sacrifice de sa vie est un honneur et aussi un service que chacun devrait rendre s’il le fallait » : mon frère aîné est mort en Algérie. Mon père qui à ce moment là était en Tunisie, a fait le déplacement pour déposer la Légion d’Honneur sur le cercueil de son fils .

Ayant aussi le désir de rester sportif, le fait d’être aumônier militaire c’était, pour moi, la possibilité de faire du sport, j’ai pratiqué beaucoup de cross, de skis, de montagne, de marches, de parachutisme, être prêtre aux Armées me permettait cette vie sportive.

 

CM : Parlez nous, mon Père, de votre aventure Tchadienne :

Père Lallemand : De 1986 à 1996, j’ai vécu 10 ans au Tchad mais je revenais chaque année pour ma mère qui était très âgée, malade et je me faisais un devoir de la revoir et de passer en sa compagnie 3 semaines à 1 mois, c’est moi même qui payais le voyage.

Alors pourquoi suis-je parti au Tchad ?

Il y a plusieurs raisons : quand j’ai décidé d’être prêtre, j’avais l’intention de devenir missionnaire mais je n’ai pu réaliser ce projet du fait que mon frère aîné venait d’être tué, je ne souhaitais pas m’exiler loin de ma famille à cause de mes Parents. La deuxième raison vient de ma participation pendant 6 mois à l’opération « Manta », opération qui avait pour mission le soutien de l’Armée française aux combattants tchadiens contre l’envahisseur libyen. J’ai rencontré très souvent des chrétiens tchadiens perdus dans le désert surtout des fonctionnaires : soldats, instituteurs et infirmiers venus du sud du pays qui n’avaient pas vu de prêtres depuis une dizaine d’années, ils avaient d’importants besoins spirituels. Une troisième raison est que j’ai bien compris que l’Esprit Saint était là ! qu’il m’appelait à venir au Tchad, à tout quitter et en particulier ma situation privilégiée d’aumônier parachutiste avec son gros salaire pour retrouver la vie d’un religieux, coexistant avec les tchadiens, vivant comme eux la pauvreté, la misère et le dénuement. Il y a peut-être une quatrième raison : celle d’avoir été témoin à Beyrouth de la mort de 72 parachutistes et de 4 marins. J’y ai trop subi une situation malsaine d’impuissance à voir ces jeunes gens mourir. J’étais bouleversé de devoir les accompagner dans leur dernier parcours terrestre. En fait, avec le recul du temps et celui de la réflexion, je souhaitais un peu de paix, mon choix était faussé, je retrouvais, malgré-moi un pays, encore et toujours, en état de guerre…

Le prêtre est un homme seul, il vit de solitude, de recherche de silence, éléments indispensables pour la place que tient la prière dans son quotidien, dans son face à face avec Dieu. Pour revenir à mon aventure tchadienne, il serait intéressant d’en parler et expliquer mon action sacerdotale à vivre la vie nomade de ces chrétiens Tchadiens.

CM: Merci mon Père !