Histoire : de 1872 à 1938, la Légion Etrangère à Sidi-Bel-Abbès (2).

 

1872 : Les bataillons du Régiment étranger occupent les postes suivants : Géryville, Sidi-Bel-Abbès, Saïda et Mascara où est installé l’état-major.

1877 : la voie de chemin de fer est inaugurée à Sidi-Bel-Abbès.

14 décembre 1884 : un décret dédouble la Légion Etrangère qui forme deux régiments.

1er janvier 1885 : le 2e Régiment Etranger est officiellement recréé à Saïda. Il absorbe les 3e & 4e bataillons.

1er janvier 1885 : le nouveau 1er Régiment étranger est né officiellement à Sidi-Bel-Abbès. Il absorbe les 1er et 2e bataillons. Le procès-verbal de sa constitution est signé par le général commandant la division d’Oran.

Chaque régiment est autonome. Il est constitué de quatre bataillons et d’une compagnie de dépôt qui assure l’administration, le recrutement et la formation des jeunes légionnaires. Cette compagnie compte plus de 1 000 légionnaires.

La musique déjà célèbre de la Légion étrangère est rattachée au 1er Régiment étranger.

Dès 1885, le 1er Régiment Etranger crée ses propres compagnies montées.

 

Construction du Musée de la Légion.

À partir de 1887, un vaste programme d’amélioration du quartier est lancé. Il comprend, entre autres, la construction d’une salle d’honneur. Cette dernière est inaugurée en 1892. Dans ce lieu consacré à la gloire de la Légion étrangère sont exposés tous les souvenirs et trophées qu’elle a engrangés depuis sa création. Elle accueille de nombreux Bel-Abbésiens ainsi que des hôtes prestigieux de la cité, comme les présidents Loubet en 1903 et Millerand en 1922. À l’occasion du centenaire de la Légion étrangère, la salle d’honneur est agrandie. Un temple des héros, à la mémoire de tous les légionnaires tués au combat, est réalisé dans le prolongement de la salle d’origine. Les murs de ces locaux sont revêtus de tables de marbre sur lesquelles sont gravés en lettres d’or les noms des officiers tués au combat ainsi que ceux des chefs de corps. 

 

En cette fin du XIXe siècle, la majorité de la population européenne est d’origine espagnole.

En décembre 1899, un jeune officier est affecté à Sidi-Bel-Abbès ; il s’agit du lieutenant Paul-Frédéric Rollet, future grande figure de la Légion étrangère.

A l’aube du XXe siècle, de nombreux reportages valorisent l’héroïsme des ‘’hommes sans nom’’ et la silhouette du ‘’Képi Blanc’’ en colonne dans sa tenue de campagne dite d’Afrique devient le symbole du héros militaire romantique. La conquête du Sud Oranais puis la pacification du Maroc vont largement contribuer à entretenir cette mythique représentation.

Le studio Geiser à Alger va produire un grand nombre de cartes postales qui immortalisent les moments importants de la vie de garnison du légionnaire. Une carte postale représente la garde au drapeau du 1er Etranger.

Début du 20e siècle. S’il est incontestable que Sidi-Bel-Abbès a marqué la vie du légionnaire, la Légion, dès le départ, a imprimé à la ville une marque profonde. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le passage du livre de Hubert Jacques, journaliste local du début du XXe siècle : « Ce qu’il convient de faire ressortir, c’est que la Légion est une entité, qu’elle a une âme et que cette âme contient toutes les vertus dont est faite la gloire du légionnaire. De cette entité, le légionnaire n’est qu’un élément. En revêtant la capote du légionnaire, l’homme s’évade d’un passé noir ou déprimant pour s’amalgamer avec l’âme même de la Légion, de cette Légion dont l’emblème est un drapeau qui a couvert de ses plis les plus hautes gloires et les plus beaux héroïsmes. Il n’y a pour lui que l’amour de l’action, du sacrifice et du travail dans lesquels se régénèrent toutes les races et toutes les confessions. Ce n’est donc pas l’âme du légionnaire qui a pu influer sur la ville, mais bien celle de la Légion toute entière. Et comme cette âme est à la fois glorieuse, entreprenante et artiste, la jeunesse a certainement pris à son contact le germe de ces qualités. »

  • A Sidi-Bel-Abbès, la cité du 1er Etranger, et à Saïda, la cité du 2e Etranger, tout s’oriente pour instruire et équiper les troupes qui partent au combat au Maroc.
  • Les deux Régiments Etrangers ont de quoi alimenter leurs six bataillons à quatre grosses compagnies, plus les compagnies montées. Ces compagnies sont de belles unités : en moyenne 5 officiers, une dizaine de sous-officiers, 200 caporaux et légionnaires.

Avril 1906 : lorsque le drapeau du 1er régiment étranger reçoit la Légion d’honneur, Sidi-Bel-Abbès est en liesse. De nombreuses fêtes sont organisées en ville donnant à l’événement un éclat tout particulier.

Première guerre mondiale.

  • La vraie Légion de la Guerre 1914-1918 naît au camp de Mailly avec les éléments du 1er Etranger et du 2e Etranger (en principe pas d’Allemands, ni Autrichiens, ni Bulgares ; en fait, il y en avait quelques-uns, volontaires) ; venus d’Afrique, ces éléments incorporent, encadrent et instruisent les volontaires arrivés de plusieurs centres de recrutement en Province. Rude besogne, qui faillit mettre sur les dents les sous-officiers de Sidi-Bel-Abbès et de Saïda, pourtant spécialistes du dressage et de la poigne de fer.

18 octobre 1914 : avec les éléments du 5e bataillon du 1er R.E. qui ont quitté Sidi-Bel-Abbès le 25 août, le colonel Pein, désigné au commandement du 2e R.M. du 1er R.E., secondé par quatre chefs de bataillons expérimentés, forge un outil de combat digne de la Légion avec les volontaires étrangers. Les bataillons A et B sont constitués à Lyon et Avignon. Les bataillons C et D sont constitués à Bayonne et Avignon. Habillés, équipés, encadrés et instruits sommairement, les quatre bataillons sont regroupés au camp de Mailly et partent pour le front le 18 octobre afin de rejoindre la 5e Armée en Champagne.

1er mars 1915 : le bataillon Légion Orient est formé à Sidi-Bel-Abbès. Composé d’un état-major, de deux compagnies fournies par le 1er Etranger et deux fournies par le 2e Etranger, il est placé sous les ordres du chef de bataillon Geay.

  • Avec deux bataillons de Zouaves, il forme le 1er Régiment de Marche d’Afrique (1erM.A.) rattaché à la division de marche française.
  • Embarqué le 2 mars à Oran sur le paquebot Carthage, le bataillon part vers les Dardanelles avec escales à Malte, Moudras et Alexandrie pour un voyage de plusieurs semaines.

Destiné à l’origine aux unités de cavalerie de l’armée d’Afrique, le Petit Quartier, situé en face du quartier Viénot, a longtemps gardé son nom de quartier de la Remonte ou de Cavalerie. Les missions qui incombent au 1er régiment étranger après la Première Guerre mondiale : recrutement, immatriculation, instruction et administration de tous les légionnaires, transit des renforts partant ou rentrant des nombreux théâtres d’opérations, saturent les capacités d’accueil du quartier Viénot.

Entre les deux guerres.

De 1920 à 1943, le 1er Etranger est la plaque tournante des régiments étrangers.

  • Au retour d’un séjour au Maroc, au Tonkin ou au Levant, le légionnaire est affecté dans l’un des bataillons du 1er Etranger implantés en Algérie. Suivant les époques, les garnisons principales sont Saïda, Aïn-Sefra, Colomb-Béchar, Géryville et Tlemcen. Lors des randonnées dans le Sud, les mesures de sécurité ne sont jamais oubliées : les pillards du sud peuvent attaquer par surprise. En décembre 1928 à Aïn-Sefra et en 1929 à Djihani, deux embuscades meurtrières.
  • Le régiment est habitué à faire tous les métiers. Le légionnaire du 1er Etranger reste fantassin mais il sait tout faire.
  • Composé d’un état-major, d’une compagnie hors-rang, d’une musique et d’un bataillon d’instruction et de passage, de huit bataillons actifs en Algérie, au Maroc, au Tonkin et au Levant, sans oublier ses quatre compagnies spécialisées, le 1er Etranger dont l’effectif se compose de 8 à 10 000 hommes est surtout un régiment opérationnel mais aussi la plaque tournante des régiments étrangers.
  • Depuis 1920, le 1er Etranger est chargé du recrutement, de l’immatriculation, de l’instruction et de l’administration de tous les légionnaires. C’est de Sidi-Bel-Abbès que partent en principe tous les renforts. Les services spéciaux de la Légion, avec les petits dépôts d’Oran et de Marseille et le centre de recrutement de Toul sont rattachés au 1erE.
  • Entre les deux guerres, la Légion atteint une ampleur exceptionnelle : 33 000 hommes en 1932.
  • En 1931, l’inspection de la Légion étrangère est créée.
  • En 1933, est créé l’organisation du dépôt commun des régiments étrangers, le D.C.R.E.

En 1929, Georges Manue dans Têtes brûlées, écrit : ‘’L’architecture générale du quartier s’inscrit dans le style des casernes bâties à cette époque en métropole. « On ne peut rêver caserne qui soit plus caserne, qui dépasse celle-ci en correction, en rigidité, en convenu. Ces murs suent la discipline et la contrainte du règlement. Nous sommes à la Légion !’’

L’infrastructure indispensable à la vie courante se compose, essentiellement, de logements pour la troupe, d’une salle de service, d’un parc à fourrage, de lavoirs et d’une cuisine. Les réfectoires n’existent pas à l’époque. La troupe perçoit aux cuisines les repas qui sont pris dans les chambres. Dans le bâtiment de la manutention, situé de l’autre côté de la rue des Casernes bordant le côté est du quartier, on fabrique le pain. On y trouve également les magasins de vivres et d’habillement. Le quartier Viénot s’ouvre sur l’avenue de Tlemcen, qui prit le nom du général Rollet. Une large et haute grille, au milieu de laquelle s’ouvre un grand portail et sur la gauche un portillon, ferme le quartier.

Un grand terrain situé au nord de la ville bénéfice d’une infrastructure militaire moderne adaptée aux exigences de l’instruction : champs de tir pour armes légères et collectives, sites pour les lancers de grenades, parcours du combattant, piste d’instruction à la conduite automobile, bâtiments en dur et réfectoires. Toutes ces installations sont utilisées en permanence aussi bien par les engagés volontaires que par les pelotons d’élèves gradés. Au sud de la ville, près du champ de tir et de la soute à munitions, se trouve le terrain de Khamisis.

Une ferme dont le fonctionnement est assuré par des légionnaires est également installée sur la route entre Sidi-Bel-Abbès et Khamisis. Son activité permet de répondre partiellement, aux besoins en viande et produits maraîchers des ordinaires du Grand et du Petit Quartier.

 

1931 : le monument aux Morts de la Légion, dessiné par Mahut et sculpté Charles Pourquet, est érigé pour le centenaires de la Légion étrangère, au quartier Vienot, à Sidi-Bel-Abbès, par les légionnaires eux-mêmes ; ils tirent l’onyx des carrières de Sidi-Hamza, à 75 kilomètres de Sidi-Bel-Abbès et ils polissent sur place les blocs avant de les transporter. Le général Rollet a décidé, sans aucun secours financier de la République, de faire ériger le Monument aux Morts le plus prestigieux jamais réalisé. Ce monument, entièrement démonté en 1962, a été rebâti à Aubagne.

30 avril 1931 : le général Rollet préside à Sidi-Bel-Abbès la cérémonie du centenaire de la Légion Etrangère. Le monument de la Légion à ses morts est inauguré en grande pompe. Dessiné par Mahut et sculpté par Pourquet, le monument exprime le sacrifice des légionnaires tombés au combat ‘’partout où le devoir fait signe’’. Il sera entièrement démonté puis remonté dans la cour du quartier Viénot à Aubagne en 1962. Sur le globe terrestre, chaque territoire foulé par les légionnaires est recouvert d’une mince pellicule d’or. De nombreuses fêtes sont organisées à Sidi-Bel-Abbès donnant à l’événement un éclat tout particulier. Cependant, aucun événement n’égale la commémoration du centenaire de la Légion étrangère en 1931.

  • Soucieux de pérenniser son action auprès des anciens, le général Rollet réunit un congrès de 200 participants à cette occasion et créée l’U.S.A.L. qui préfigure ce que sera le monde associatif des anciens légionnaires actuels. Depuis 1960, c’est la Fédération des sociétés d’anciens de la Légion Etrangère qui est chargée de conserver le lien entre légionnaires.

La vie de garnison.

Un moment de repos est obtenu par les légionnaires qui peuvent se détendre devant des livres ou des journaux en dehors des jours de prêt. L’accès à la bibliothèque régimentaire peut se faire en tenue de travail.

Dans la vie de garnison, est en bonne place le mess des sous-officiers ; la tenue doit y être soignée et le comportement irréprochable.

 

1933 : pour mieux répondre à son rôle essentiel, le 1er R.E.I. se voit doté d’un dépôt commun des régiments étrangers, le D.C.R.E. car le centenaire de la Légion, joint aux effets de la crise économique mondiale, a provoqué un regain d’engagements. Une structure spécialement adaptée va ainsi permettre de mieux gérer ses activités diverses et centralisatrices. La création à Sidi-Bel-Abbès du D.C.R.E. afin de gérer les quelque 33 000 hommes qui, à cette époque, composent la Légion, oblige à trouver sur place de nouvelles infrastructures.

Ville de garnison, Sidi-Bel-Abbès devient la plaque tournante de toute la Légion étrangère. C’est à partir de cette époque que l’on peut parler de Sidi-Bel-Abbès comme de la « Maison Mère » de la Légion étrangère.

Progressivement, le 1er régiment étranger grignote sur le quartier de Cavalerie. Après la Seconde Guerre mondiale, ce quartier est divisé en plusieurs annexes qui sont les quartiers Prudon, Amilakvari, Yusuf et l’infirmerie vétérinaire. Situé en plein centre-ville, le cercle militaire de Sidi-Bel-Abbès figurait déjà sur les plans du capitaine Prudon. C’est donc un des plus anciens bâtiments militaires de la cité. Ouvert à tous les officiers de la garnison, le cercle est à la fois un lieu de restauration, d’hébergement et une salle de bal. C’est le point de contact du monde civil et militaire. Remanié à plusieurs reprises, le cercle des officiers abrite également une magnifique bibliothèque. Le lieutenant-colonel Forey, neveu du maréchal ayant commandé l’armée française au Mexique, ancien chef de corps du D.C.R.E. et doyen des officiers de la Légion à Sidi-Bel-Abbès, y a élu domicile jusqu’à son décès en 1946. Un kiosque avait été élevé dans les jardins du cercle militaire à l’angle du carrefour des Quatre-Horloges. Ce kiosque, qui servait à l’occasion de tribune officielle aux autorités lors des défilés, avait été vite baptisé de façon fort irrévérencieuse « la cage aux singes ».

1935 : la municipalité avait décidé de démolir les anciennes fortifications qui étouffaient l’agglomération. C’est à la Légion que cette tâche est confiée. Les matériaux ainsi récupérés servent à la construction d’une vaste salle de spectacles baptisée le Foyer du légionnaire. Il est situé entre l’ancienne porte de Tlemcen et le quartier Prudon.

1937 : la grande grille est remplacée par un portail en maçonnerie dans le style Art déco très en vogue à l’époque. De part et d’autre de l’entrée se trouvent le poste de garde et le service général.

1938 : le musée du souvenir est inauguré dans un des deux grands bâtiments bordant la place d’armes. Aménagé dans l’ancienne bibliothèque des sous-officiers, ce musée est divisé en trois espaces : la salle des citations, la salle des batailles anciennes et la salle des batailles modernes. 

 

Jean Balazuc P.P.P.P.

Sources principales.

Sidi-Bel-Abbès, capitale légionnaire de Jean Michon, chef du centre de documentation de la Légion Etrangère, édité en 2010 dans la revue ‘’Guerres mondiales et Conflits contemporains’’ chez les Presses Universitaires de France.

Photos prélevées sur les sites de la Citadelle Montlaur et de la Mekerra.

Autres sources.

Debout la Légion du commandant Charles Hora chez la Pensée moderne – 1971.

Je ne regrette rien du capitaine Pierre Sergent chez Fayard – 1972.

La Légion Etrangère 150e anniversaire – Historia - N° spécial 414 bis – 1993.

La Légion, Grandeur et Servitude – Historama – N° spécial 3 – 1967.

Mémoire et vérité des combattants d’A.F.N. du Cercle pour la défense des A.C. d’A.F.N. – Livre Blanc – 2000.

Histoire de l’Afrique du Nord du général Edmond Jouhaud – Editions des 2 Coqs – 1968.

La Légion Etrangère – Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite de John Robert Young et Erwan Bergot chez les Editions Robert Laffont – 1984.

Le 1er Etranger de Philippe Cart-Tanneur et Tibor Szecsko – Branding Iron Production – 1986.

La légende du 2e R.E.I. de Jean-Pierre Biot chez les Editions Lincoln – 1991.

La 13e D.B.L.E. de Tibor Szecsko chez les Editions du Fer à marquer – 1989.

Histoire de la Légion de 1831 à nos jours du capitaine Pierre Montagnon - Pygmalion – 1999.

Histoire de la Légion Etrangère de Georges Blond – Plon – 1981.

Français par le sang versé – Képi Blanc – E.C.P.A.D. – Editions du Coteau – 2011.