10 juin 1942 : les Britanniques autorisent la sortie de la garnison, estimant que la mission a été remplie au-delà de tous les espoirs. De surcroît, dans la tornade qui a emporté l’armée britannique, Bir-Hakeim n’a plus de raison d’être. Partant de ce point de vue, le général Ritchie aurait bien livré la garnison à elle-même. Mais le général Auchinleck, en parfait gentleman, met en place un dispositif de recueil.

  • Le général Koenig communique ses ordres : ‘’La brigade sortira de vive force cette nuit de la position. Elle s’ouvrira un passage vers le sud-ouest, les armes à la main. Un faible détachement sera laissé pour tromper l’ennemi jusqu’à deux heures du matin. Point de première destination : B.P. 837 du carroyage britannique, marqué par trois lampes à feu rouge. Azimut magnétique 213° 30’. Deux cents camions attendent la garnison à 15 kilomètres de là’’. Le II/13e doit quitter le dispositif en tête à 23 heures.

  • Au crépuscule, le combat se calme. Seul un canon de 75 tire par intermittence ; puis le silence retombe sur la forteresse dans le désert.

  • Dans la nuit qui tombe, les hommes, prévenus assez tard, se préparent en hâte.

  • Le génie commence son travail de déminage. Mais, sous la terrible pression allemande, les pionniers ne peuvent ouvrir qu’un étroit couloir dans les marais de mines.

 

11 juin 1942 : à 0 heures 15, le 2e bataillon de la 13e D.B.L.E. s’engage dans la chicane. Deux armes automatiques ouvrent le feu sur la compagnie de tête, la 6e du capitaine Wagner, et les autres compagnies qui se trouvent encore dans le champ de mines. Ces premières rafales ennemies causent des ravages dans ces unités qui marchent en formation serrée.

  • Prises sous le feu ennemi, les unités se bousculent. La première surprise passée, les légionnaires foncent sur les mitrailleuses et en détruisent plusieurs malgré des pertes sévères.

  • Les véhicules s’engagent à leur tour ; mais la brèche trop étroite ne permet pas leur déploiement. Ils sont obligés de passer un par un, camion par camion. Quelques véhicules sautent et flambent.

  • Dans la nuit, la bataille redouble d’intensité. Les Allemands comprennent que leur proie leur échappe. Bientôt l’ennemi lance des fusées éclairantes qui répandent une lumière blafarde et clignotante. Le ciel s’illumine des mille stries multicolores des balles traçantes.

  • L’ennemi repère le long ruban noir des véhicules sur le sable ; son tir se concentre sur la colonne, devient compact, précis.

  • Repérant les positions ennemies, les légionnaires se ruent à l’assaut. Ce ne sont plus que vociférations et éclatements dans un creuset dantesque où l’on tue à bout portant.

  • Les capitaines Messmer et de Lamaze, les sous-officiers Eckstein et Ober cassent du char de toute la puissance de leurs canons 75. Plus loin, les capitaines de Sairigné et Arnault et l’infanterie sont prêts à bondir, à demi-courbés, l’arme à la main.

  • ‘’Les Allemands ne sont pas surpris, après tout le tintamarre ; ils tirent, chacun pour soi, pour se protéger de cette marée d’hommes et bientôt de véhicules qui déferlent de tous côtés sur eux et autour d’eux’’, se souvient Pierre Messmer.

  • Les brent-carriers ouvrent enfin le passage en chargeant les nids de mitrailleuses, allant jusqu’à les écraser sous leur poids.Le lieutenant Dewey, commandant les chenillettes du III/13e, charge lui-même à trois reprises des mitrailleuses Breda qui empêchent le passage du convoi des blessés. Il en détruit deux sous les chenilles de son engin mais il est tué par un canon de 50 sur lequel il fonçait, ainsi que tout son équipage sauf le conducteur, le légionnaire De Brick qui réussit tout de même à l’annihiler. Mais le sacrifice de cet officier a servi : il a creusé un vide dans le barrage ennemi. Déjà derrière lui fonce le capitaine de Lamaze avec d’autres chenillettes, pour élargir le passage de la colonne. Le capitaine de Lamaze trouve la mort à son tour pendant cette percée mémorable.

  • Le sergent-chef Susan Travers, qui sert dans les rangs des F.F.L. depuis Londres, conductrice de la camionnette P.C. du général Koenig, a peur mais elle fonce au milieu des tirs de canons et des rafales de mitrailleuses qui frappent la carrosserie ; trois véhicules voisins sautent sur des mines mais la camionnette, criblée de balles, a pris une bonne direction. Sur un terrain défoncé, la cavalcade folle des camions surchargés continue, franchissant les tranchées ennemies, broyant tout sur son passage.

  • Après les premières lignes ennemies, d’autres se révèlent deux kilomètres plus loin, mais moins denses et elles sont franchies plus facilement. Il en est de même pour la troisième.

  • Au loin, dans le brouillard, les hommes peuvent déjà distinguer les trois feux rouges qui marquent le point de ralliement. Là, des camions et des véhicules sanitaires embarquent en hâte les blessés et les hommes valides, puis filent plein sud vers un point de regroupement moins exposé. Derrière, l’ennemi tire toujours sur Bir-Hakeim.

  • Quand le soleil perce la brume matinale, l’ennemi, qui ne peut croire que l’évacuation soit totale, lance une ultime attaque, précédée d’un piqué de deux cents Stukas ; il ne reste plus dans la place forte que quelques isolés, quelques blessés, qui se sont perdus dans la nuit.

  • Les Forces Françaises libres, avec la 1ère Brigade française libre du général Marie Pierre Koenig, ancien officier de la Légion Etrangère, se replient de Bir-Hakeim après une héroïque résistance des 3 826 combattants pendant quinze jours devant les troupes allemandes du général Rommel. La Division subit de fortes pertes : elle a perdu 946 tués, blessés ou disparus. Mais elle a accompli sa mission : elle a arrêté l’Afrika Korps pendant quinze jours. Des centaines d’hommes errent dans le désert en proie à la fièvre, titubant d’épuisement, taraudés par la soif. Certains sont faits prisonniers par les Allemands ; parmi eux, le sergent Eckstein ; d’autres, dans le meilleur des cas, sont récupérés par les patrouilles du Long Range Desert Group.

  • Parmi les combattants, les légionnaires de la 13e D.B.L.E., aux ordres du lieutenant-colonel Amilakvari, seule unité de la Légion combattant avec les Français libres. Elle fait refleurir la Gloire sur nos drapeaux et son emblème est fait Compagnon de la Libération.

  • Fer de lance de la 1ère Brigade Française Libre pour cette sortie de force, la 13e D.B.L.E. subit de lourdes pertes ; mais avec ce haut fait d’armes qui est la preuve de la renaissance de la France combattante, elle peut s’appeler désormais la Phalange Magnifique.

  • Cette bataille a fait perdre au moins 10 jours au général Rommel, dix jours précieux qui permettent à la VIIIe Armée britannique de se replier et de s’organiser sur la ligne d’El Alamein.

  • Ce sera l'occasion pour Pierre Messmer, capitaine commandant de compagnie, d'écrire plus tard, un livre : La patrouille perdue.

 

Jean Balazuc P.P.P.

Sources principales.

La Légion, Grandeur et Servitude – Historama – N° spécial XI-1967.

La Charte – 2001. - France Horizon. - L’Ancre d’Or – 2003.

Legio Patria Nostra – Spectacle du Monde – Septembre 2012.

La Légion Etrangère – Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite – John Robert Young & Erwan Bergot – Editions Robert Laffont – 1984.

La Légion Etrangère. Foreign Legion 1939-1945 – Pierre Dufour – Editions Heimdal – 2000.

La 13e D.B.L.E. – Pierre Dufour – Editions du Fer à marquer – 1989.

Amilakvari Dimitri, né le 12.11.1906 à Gori en Géorgie ; prince, grand écuyer de la Couronner ; en 1917, la révolution bolchévique contraint les survivants de sa famille à l’exil ; saint-cyrien de la promotion du Rif 1924-1926, à titre étranger ; au 1er Etranger en 1926 ; lieutenant au 4e R.E.I. à Marrakech de 1929 à 1936 ; il se distingue lors des colonnes du Haut-Atlas ; nommé capitaine en janvier 1937, il est affecté au 1er Etranger ; capitaine, commandant la CA 2 de la 13e D.B.M.L.E. en Norvège en mai-juin 1940 ; de retour de Norvège, il choisit la France Libre ; capitaine, commandant la CAB 1 de la 14e D.B.M.L.E. en juillet 1940 ; puis commandant le 2e Bataillon de la 13e D.B.M.L.E. ; en juin 1941, il évite une confrontation directe avec le 6e R.E.I. en juillet 1941, après les combats en Syrie, lieutenant-colonel, chef de corps de la 13e D.B.L.E. ; héros des combats de Bir-Hakeim en mai-juin 1942 ; Compagnon de la Libération  le 10.08.1942 ; tué au combat le 24.10.1942 sur le djebel el-Himaimat, au sud d’El-Alamein, en Egypte. Une promotion de Saint-Cyr, 1954-1956, porte son nom.

 

Arnault, capitaine de la 13e D.B.L.E., à Bir-Hakeim en mai-juin 1942.

 

Auchinleck Claude, né le 21.06.1884; général commandant la 8e Armée britannique puis, de juillet 1941 à juillet 1942, commandant en chef des forces allies au Moyen-Orient; Maréchal en 1946; décédé le 23.03.1981.

 

Beaudenom de Lamaze Jacques, né le 12.03.1912 à Périgueux en Dordogne ; ancien de la campagne du Maroc ; lieutenant, responsable des transmissions de la 14e D.B.L.E. en 1940 ; capitaine, commandant une compagnie de la 13e D.B.L.E. dès sa création ; campagne d’Erythrée en 1941. Tué à Bir-Hakeim en Libye lors de la sortie de force le 11.06.1942.

 

De Brick, légionnaire, conducteur d’une chenillette du III/13e D.B.L.E. ; il réussit à annihiler le canon de 50qui empêche le passage du convoi des blessés à Bir-Hakeim, le 11.06.1942.

 

Brunet de Sairigné Gabriel, né le 09.02.1913 ; saint-cyrien de la promotion Roi Albert 1er, 1933-1935 ; affecté à la 13e D.B.M.L.E. avant son départ pour la Norvège ; il rejoint la France libre ; lieutenant de la compagnie de commandement de la 14e D.B.M.L.E. en juillet 1940 en Angleterre ; Capitaine, commandant la compagnie lourde du 1er Bataillon de la 13e D.B.L.E. en 1942, en Syrie ; Il reste ensuite à la 13e D.B.L.E. durant toute la durée de la guerre, de l'Afrique du Nord à l'Italie, puis en Provence. Chef d‘un bataillon de la 13e D.B.L.E. en 1943-1945. Il est un des acteurs majeurs de la libération d'Autun ; Compagnon de la Libération ; lieutenant-colonel, chef de corps de la 13e D.B.L.E. nommé le 21.08.1946. il est le plus jeune chef de corps de l’armée française. Dans un convoi tombé dans une embuscade sur la route de Dalat près de Lagnia Bien Hoa (Viêt Nam). Mort des suites de ses blessures à Saïgon en Indochine le 01.03.1948. Une promotion de Saint-Cyr l’a choisi pour parrain.

 

Devé Jean-Marie, alias Dewey, né le 04.02.1897 à Brest dans le Finistère. Lieutenant, commandant les chenillettes du 3e bataillon de la 13e D.B.L.E. Le 11.06.1942, il détruit deux mitrailleuses avant d’être tué par un canon de 50.

 

Koenig Pierre, né en 1898 à Caen ; officier du 4e R.E.I. ; commandant Mutin, chef du détachement composé de légionnaires et de miliciens du Cameroun lors de l’expédition du Gabon le 10.11.1940 ; général, commandant la 1ère Brigade Française libre en Egypte en 1941, héros de Bir-Hakeim en mai-juin 1942 ; nommé commandant de la D.I. des F.F.L. le 17 janvier 1943 : commandant la 1ère D.F.L. de mai à juillet 1943 ; nommé le 01.06.1944 commandant en chef des F.F.I. ; Compagnon de la Libération ; général de corps d’armée, inspecteur des forces terrestres, maritimes et aériennes de l’Afrique du Nord du 10.12.1949 à juin 1951, date où il est élu député ; ministre de la Défense Nationale du 23.02.1955 au 01.01.1956 ; Maréchal de France ; décédé en 1970 à Neuilly-sur-Seine.

 

Messmer Pierre, né le 20.03.1916 à Vincennes dans le Val de Marne ; il effectue son service militaire au 12e R.T.S. de 1937 à 1939 ; en juillet 1940, avec le lieutenant Simon, il détourne un cargo italien vers Gibraltar puis Liverpool ; il s’engage dans les F.F.L. ; lieutenant puis capitaine de la Légion Etrangère à la 13e D.B.L.E. en 1940-1943 ; avec sa section, le 10.11.1940, il entre dans Libreville ; il se distingue lors de la prise de Cheren en mars 1941 ; deux fois cité à l’ordre de l’armée ; un des héros de Bir-Hakeim, il gagne sa 3e palme ; il obtient sa 4e palme lors des combats de l’Himeimat en Lybie ; Compagnon de la Libération en mai 1941 ; commandant, il est parachuté au Tonkin en 1945 ; fait prisonnier par le Vietminh, il s’évade deux mois plus tard grâce à la présence fortuite d’une unité chinoise ; cette opération quelque peu chimérique lui vaut sa 6e citation et sa 5e palme ; administrateur colonial de 1946 à 1959 : gouverneur de Mauritanie en 1952, de Côte d’Ivoire de 1954 à 1956 ; en 1956, malgré son mandat, il insiste pour être rappelé ; lieutenant-colonel de réserve, il est volontaire pour une période en Algérie ; Haut-commissaire de la République du Cameroun de 1956 à 1958 ; Gouverneur général en A.E.F. puis en A.O.F. en 1958 et 1959 ; député puis sénateur gaulliste U.N.R. puis R.P.R. ; ministre des Armées du 05.02.1960 au 20.06.1969 ; il résiste au Président Charles De Gaulle et refuse de dissoudre la Légion Etrangère ; Premier ministre en 1972-1974. Député de la Moselle de 1979 à 1984. Chancelier de l’Ordre de la Libération, le 06.06.2006 ; Grand Croix de la Légion d’Honneur, Croix de guerre 1939-1945 avec six citations, Médaille de la Résistance ; décédé le 29.08.2007.

 

Ober, sous-officier à la compagnie lourde du 3e bataillon de la 13e D.B.L.E. ; lors de la sortie du camp retranché de Bir-Hakeim, le 11.06.1942, il casse du char avec son canon de 75.

 

Ritchie, général britannique, commandant la VIIIe Armée en Egypte en 1942. En juillet 1942, il est remplacé par le général Montgomery.

 

Rommel Erwin, né le 15.11.1891 à Heidenheim ; général allemand ; commandant une division de Panzers sur la Meuse pendant la campagne de France en 1940 : commandant l’Afrika Korps en 1941-1942. Il quitte l’Afrique en octobre 1942. Maréchal, commandant le groupe d’armées en France, Belgique et Pays-Bas en 1944 ; condamné au suicide le 14.10.1944 à Herrlingen.

 

Travers Susan, sergent-chef, conductrice de la camionnette P.C. du général Koenig à Bir-Hakeim ; elle réussit à sortir du camp retranché le 11.06.1942 en fonçant au milieu des tirs de mitrailleuses sur un bon layon au milieu du marais de mines ; cité, elle obtient la Croix de Guerre 1939-1945 ; en Tunisie, en Italie et en France, adjudant, elle suit la 13e D.B.L.E. dans ses entreprises guerrières ; adjudant-chef, elle est autorisée à s’engager dans la Légion. Elle est la seule femme de toute l’histoire de la Légion à être véritablement légionnaire.

 

Wagner, capitaine, commandant la 6e compagnie du 2e bataillon de la 13e D.B.L.E. ; lors de la sortie du camp retranché de Bir-Hakeim, le 11.06.1942, sa compagnie est en tête