PREAMBULE

La Légion arménienne , établie grâce à l’accord franco-arménien de 1916 , était une unité de la Légion étrangère dans l’Armée française .Constituée sous la direction du Mouvement national arménien , elle fut une unité armée en supplément des unités de volontaires arméniens et de la milice arménienne pendant la Première Guerre mondiale , qui s’est battue contre l’Empire ottoman.

Le nom initial de cette Légion était la Légion d’Orient .Elle a été rebaptisée Légion arménienne le 1er février 1919 .Les soldats de cette unité ont été nommés de façon informelle par les Arméniens «gamavor (le volontaire) ».

Cette dernière répondait aux besoins conjoncturels de la France d’affirmer sa présence au Levant, et notamment en Cilicie .Et elle constituerait le noyau de la future armée arménienne.

1) Principe de l’organisation –

Signée à Paris par le général ROQUES, ministre de la Guerre, et par le général LACAZE, ministre de la Marine, la décision officielle de la création de la Légion d’Orient date du 15 novembre 1916 .Le gouvernement français a décidé de prêter son concours aux populations arméniennes et syriennes désireuses de combattre contre les Turcs.

Selon cette décision initiale :

- La Légion d’Orient devait être stationnée à Chypre

- Des Arméniens et des Syriens de nationalité ottomane pouvaient être volontaires –

- La Légion serait encadrée par des officiers et des sous-officiers français –

- Le commandant d’infanterie Louis ROMIEU surveillerait l’établissement de la Légion –

- La Légion devait être déployée en Cilicie (Cukurova), sur la côte du Sud-Est de l’Asie Mineure (Turquie d’aujourd’hui) -

- Les volontaires devaient être réunis par les comités arméniens locaux et envoyés à Marseille et Bordeaux, pour la prise en compte administrative et la formation militaire.

2) Recrutement –

Le recrutement des légionnaires d’Orient aura lieu uniquement par engagements volontaires d’Arméniens, de Syriens ou d’Arabes. Ces engagements seront souscrits pour la durée de la guerre, et pour servir contre la Turquie.

Les volontaires désireux de contracter un engagement se présenteront :

- Résidents en France, à Paris, Bordeaux ou Marseille –

- venant d’Amérique, à Bordeaux et Marseille –

- en provenance d’Orient, au consulat de France à Port-Saïd, ou au bureau du commandement de la Légion à Chypre.

Les gradés ou soldats arméniens, syriens ou arabes, servant actuellement à la Légion étrangère, pourront être admis à la Légion d’Orient comme détachés de leur corps.

3) Organisation générale –

Le nombre de volontaires était équivalent à 6 bataillons , contenant chacun 800 volontaires , et avec 6 bataillons supplémentaires prévus .Des comités arméniens organisaient le processus de conscription pour recruter des volontaires en France et aux Etats-Unis .Composée à 95 % d’arméniens , la Légion a inclus des réfugiés arméniens ottomans , d’anciens prisonniers de guerre ,et des résidents permanents d’Egypte , d’Amérique et d’Europe .Ainsi que des rescapés du Génocide arménien , de la région de Musa Dagh , qui vivaient dans des camps de réfugiés à Port-Saïd en Egypte.( 4083 survivants trouvèrent y trouvèrent refuge ).

A partir de juin 1917, l’effectif était de 1400 hommes .A la fin de juillet 1917, les premiers contingents arméniens arriveront d’Amérique (1700). La Légion d’Orient comptait alors 7 compagnies, dont 6 arméniennes et 1 syrienne, de 250 hommes chacune. Un an plus tard, la Légion d’Orient comptait 3 bataillons arméniens, et un peloton servant 2 canons de 37m/m, soit 58 officiers, et 4360 soldats, dont 288 français.

Une fois sa formation et son instruction terminée, la Légion d’Orient pouvait entre en action au printemps 1918.

4) Campagnes de la Légion d’Orient –

Jusque-là , elle n’avait été utilisée que pour exécuter des incursions sur les côtes turques , pour détruire les voies de communication et pour assurer les garnisons des petites iles de Castellorizo et de Rouad .Le 1 mars 1917 , un peloton d’infanterie composé d’Arméniens fut envoyé à Castellorizo , petite ile située au sud de la Turquie .Le 7 janvier 1918 , la garnison syrienne de Rouad , ile située en face des côtes syriennes fut remplacée par une section arménienne .

En mai 1918, les 2 premiers bataillons furent transportés en Egypte, au camp de Ferry-Post, près d’Ismaïlia, tandis que le 3éme bataillon et les compagnies de dépôt sous les ordres du commandant CHESNET restèrent à Chypre.

Du 10 au 13 juillet, la Légion d’Orient rejoignit le détachement français à Medjel (Palestine), en arrière du front britannique .Le général ALLENBY, après des manœuvres combinées, décida l’entrée en ligne du Détachement Français de Palestine-Syrie (D.F.P.S.), fort de 5000 hommes, qui sera sous le commandement du colonel DE PIEPAPE.

Au cours de l’été 1918, le général ALLENBY, à la tête du Corps expéditionnaire, décida de reprendre l’offensive en Palestine. Le 31 aout 1918, le D.F.P.S. entra en action dans la région de Rafat, en Palestine.

L’offensive générale débuta le 19 septembre 1918, sur le front de l’Arara, position fortifiée et observatoire important .En face des troupes françaises se trouvaient 3 bataillons allemands, commandés par le colonel VON OPPEN. Un bataillon arménien, commandé par le Lieutenant-colonel ROMIEU, tenait le côté droit du dispositif français, tandis qu’un régiment de tirailleurs algériens, occupait le flanc gauche .Le centre était tenu par un détachement à pied du 4éme spahis, la compagnie syrienne et 4 sections de mitrailleuses. Le 2éme bataillon arménien se tenait en réserve.

Le 2éme bataillon de la Légion d’Orient emporta la croupe 26 après cinq heures de combat, malgré les tirs d’artillerie et de mitrailleuses allemandes .L’opération se poursuivit le lendemain, par la prise en moins d’une heure, du sommet de l’Arara, par le 1er bataillon.

Au total, le détachement français captura 212 prisonniers, dont 16 officiers .Pour leur baptême du feu, les légionnaires arméniens firent preuve de réelles qualités, attestées par les pertes subies : 22 morts, 83 blessés et 4 disparus.

La Légion d’Orient fut félicitée pour son comportement, dans un communiqué officiel, publié le 20 septembre 1918 : « L’agence diplomatique de France en Egypte est fière de pouvoir rendre un hommage aux Arméniens et aux Syriens, qui viennent de donner, dans les rangs de l’Armée française, la mesure de leur patriotisme et de leur valeur militaire. »

Le 20 septembre 1918, le colonel ROMIEU, lors des funérailles, rendit un vibrant hommage aux soldats et gradés tombés au champ d’honneur (extraits): « Au nom de tous les chefs, gradés et légionnaires, je salue nos morts Arméniens, tombés au combat d’hier. Dormez dans votre gloire ; vous avez ouvert la route de la Justice et du Droit, chassés de ces régions depuis des siècles .Nous saurons être dignes de vous, pour que cette réparation soit complète et durable .J’en fait le serment sur vos tombes, devant ce cimetière dont nous ferons un monument de gloire et que nous appellerons le Cimetière de L’ARARA, pour réunir dans ce nom le souvenir de nos morts. »

Les défaites subies en Palestine, obligèrent le gouvernement Turc à une demande d’armistice. Malgré l’opposition de la France, le gouvernement de Grande-Bretagne traita directement avec la Turquie. Passant outre les remontrances des Alliés, la Grande-Bretagne signa un armistice le 30 octobre à Moudros.

L’historiographie d’après-guerre de cette contrée distingue deux périodes : l’occupation franco-anglaise jusqu’en septembre 1919, puis l’administration française.

5) La Légion d’Orient devient Légion Arménienne.

Le 30 septembre 1918, le général HAMELIN fut désigné pour commander le D.F.P.S. ; il débarqua à Beyrouth le 30 octobre 1918 .Estimant que cette appellation ne convenait pas, il proposa à CLEMENCEAU de la modifier en Troupes Françaises du Levant (T.F.L.). A partir du 15 novembre, HAMELIN procéda à l’occupation de la Cilicie .Le 1er bataillon fut dirigé vers Alexandrette, les 2éme et 3éme bataillons vers Mersine .La Légion d’Orient avait aussi pour mission de contrôler dans son secteur le retrait de l’Armée Turque.

Le 1er bataillon stationna une compagnie à Deurt-Yöl, une à Toprak-Kalé et une à Islahié. Le 2éme bataillon laissa une compagnie à Adana, une autre à Missis, et une 3éme à Hamidié .Le 3éme bataillon détacha une compagnie à Tarse, une à Bozanti, et la dernière à Mersine. L’Etat-Major de la Légion d’Orient fut établi à Adana.

Le lieutenant-colonel ROMIEU cumula les fonctions de commandant de la Légion d’Orient, des troupes d’occupation de Cilicie et de chef de l’Administration.

Dès l’arrivée de la Légion d’Orient à Beyrouth, les demandes d’engagements affluèrent .Un 4éme bataillon fut créé et se rendit à Alexandrette.

Le 3 janvier 1919, le ministère des affaires étrangères françaises, fut saisi d’une demande arménienne de transformer la Légion d’Orient, en une Légion Arménienne et une Syrienne .Cette mesure entra en application à compter du 1er avril 1919 .Le lieutenant-colonel ROMIEU conserva le commandement de la Légion Arménienne. Elle comprenait 50 officiers et 3660 hommes, dont 288 français.

L’occupation de la Cilicie fut entravée par les accrochages entre la population turque et les légionnaires arméniens .Les autorités turques attribuèrent la responsabilité des incidents aux seuls légionnaires arméniens .Le général HAMELIN se rendit dans la province d’Adana , du 20 au 23 décembre 1919 , pour tenter de rétablir l’ordre .La population civile turque , en possession des armes laissées par l’Armée turque pendant son retrait , se comportait en gendarmes et accusait la Légion arménienne de tous les méfaits .

Selon le capitaine GAUTHEROT, chef du 3éme Bureau, chargé des opérations militaires, les informations divulguées mettant en causes la Légion d’Orient, faisaient partie d’une campagne de désinformation .L’ indiscipline des légionnaires se bornait à des actes mineurs individuels .Il faut savoir aussi, que les Arméniens qui avaient été chassés de chez par les Turcs, espéraient récupérer leurs maisons et leurs biens.

L’évêque arménien de March écrivit : « les autorités administratives et militaires de la Cilicie, ne craignaient pas de sanctions , soutenues par le gouvernement turc …En résumé , j’ai presque la certitude que le général NEHAD PACHA organise l’armement des populations turques de Cilicie, et y reforme par tous les moyens , des forces militaires qui seront mobilisées au premier signal . »

La Cilicie était devenue une véritable poudrière prête à exploser à tout instant .Les accrochages se multiplièrent entre la population et les gendarmes turcs, d’un côté, et la population arménienne et les légionnaires arméniens, de l’autre. Incidents qui se soldèrent par des morts et des blessés de part et d’autre.

La dissolution de la Légion Arménienne n’était plus qu’une affaire de temps .Mais CLEMENCEAU souhaitait le maintien de la Légion arménienne comme noyau de la future Armée arménienne en raison de sa conduite honorable en novembre et décembre 1918.

Face aux nouveaux incidents, les généraux HAMELIN et ALLENBY, décidèrent d’éliminer les éléments indésirables et de refuser tout nouvel engagement .L’effectif de la Légion arménienne tomba de 4368 hommes en février 1919, à 2500 en avril, dont 1000 en instance de libération anticipée .Et les effectifs continuèrent à décroitre pour atteindre 1500 légionnaires en novembre 1919.

A son entrée en fonction à la tête de la Légion arménienne en avril 1920, le commandant BAUJARD préconisa le licenciement de la Légion arménienne qui n’était plus que l’ombre d’elle-même.

Sa dissolution fut ordonnée à compter du 1er septembre 1920 .Les cadres et légionnaires pouvaient contracter un nouvel engagement dans les rangs de la Légion étrangère.

 

LEGIONNAIRES ARMENIENS MORTS EN ORIENT

ABRAHAMIAN Movses – né à Chever Bey (Antioche) en 1895 – mort le 02-03-1918 à Chypre -CHUTLIAN Bedros – mort le 14-11-1918 – campagne d’Orient - DAVIDIAN Bedros – né en 1880 à Vakir-Dagh - mort le 11-11-1918 – campagne d’Orient - DER VAHRAMIAN Abraham – né en 1890 à Malatia – mort le 18-11-1918 –campagne d’Orient- GARABEDIAN Sérop – né en 1889 à Kessab (Cilicie) - mort le 26-10-1918 – campagne d’Orient - HAGOPIAN Ohannes – né en 1890 à Diarbekir - mort le 04-11-1918 à Beyrouth – KONDJOYAN Avedis – né en 1894 à Kharpet – mort le 01-11-1918 à Beyrouth - KONSOULIAN Hagop – né à Khebouseye(Antioche) – mort le 07-11-1918 –campagne d’Orient - MESROBIAN Garabed – né le 27-05-1895 à Kharpout – mort le 08-11-1918 –campagne d’Orient -NADJARIAN Ohannés – né le 27-10-1891 à Diarbekir – mort le 07-08-1918 –campagne d’Orient –REISIAN Manouk – né à Eghine – mort à Marache – Cilicie - SALOMIAN Movses – né en 1882 à Vakaus – (Antioche) – mort le 29-10-1918 – campagne d’Orient -SANDERIAN Haroutioun – né en 1895 à Malatia – mort le 24-10-1918 – campagne d’Orient - TCHOLAKIAN Arménak – né en 1887 à Yorgat Sivas- mort le 16-11-1918 – campagne d’Orient - TEKATLIAN H. Caporal-Smyrne , mort à Moudros des suites de ses blessures aux Dardanelles - TOKATLIAN Pierre - né le 25-01-1866 à Amassa – TSCHEKEMIAN Samuel – né le 25-10-1890 à Kharpout – mort le 11-12-1915 en Serbie - ZEITOUNIAN Choukri – né en Anatolie vers 1885 – mort le 21-11-1918 – campagne d’Orient -

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Sources : Wikipédia –Guevork GOTIKIAN -

Major (er) MIDY – FSALE -