Le Nivellois, ancien légionnaire, sera bientôt promu au grade d’Officier de la Légion d’honneur. Un destin hors du commun.

 

Dans quelques jours, Jean Dens (80 ans) sera promu au grade d’Officier de la Légion d’honneur. Ce Bruxellois d’origine, installé à Nivelles depuis 1968, doit cette distinction à ses états de service au sein de la… Légion Étrangère. L’ancien soldat a fait partie de ce corps de l’armée de terre française pendant cinq ans, entre 1952 et 1957. Il est notamment le dernier en vie des 15 légionnaires de nationalité belge survivants de la bataille de Diên Biên Phu et des camps du Vietminh au Vietnam.

 

Comment un jeune Belge d’à peine 18 ans, comme vous en 1952, s’est-il retrouvé au sein de la Légion Étrangère?

 

À l’époque, je devais effectuer mon service militaire, dont la durée venait de passer de 18 à 24 mois. Ça ne m’intéressait pas du tout. Il existait toutefois la possibilité de signer un contrat d’un an de volontariat en Corée, qui équivalait aux 24 mois du service national. Comme je n’avais pas encore tout à fait 18 ans, j’avais besoin de la signature de mes parents. J’ai faussé le jeu et ils ont fini par s’en rendre compte. J’ai alors pris la direction de la France. Arrivé à Lille, j’ai sans doute vu une affiche de recrutement de la Légion. Je m’y suis engagé dans la foulée.

 

Votre vie a-t-elle rapidement pris une autre tournure?

 

Je me suis retrouvé en Algérie pour suivre deux formations de huit semaines chacune: infanterie-para et spécialiste radio-armement. Ensuite, j’ai pris la direction du Tonkin, l’Indochine Française, où j’ai intégré le 3e régiment étranger d’infanterie (REI). Là-bas, je serai partant pour toutes les missions de guerre pendant dix-huit mois: patrouilles, embuscades, déminages, opérations parachutées, etc.

 

Jusqu’au dénouement de Diên Biên Phu…

 

Le 1er janvier 1954, nous avons été détachés dans cette vallée, pour occuper la position «Isabelle». Le 13 mars, les Vietminh ont attaqué et le siège a débuté. Il a duré 57 jours. Sur notre position, nous étions 1 700 hommes. Quatre cents sont morts et plus de 500 furent gravement blessés. Jusqu’à l’arrêt des combats, le 7 mai. Le soir même, nous avons tenté une percée à travers les barbelés et la rivière Nam Youm, avec 200 valides. Sans succès. Seuls trois hommes ont pu passer. Pour ma part, j’ai reçu une balle dans la cheville et trois impacts d’obus dans le dos.

 

Que s’est-il passé ensuite?

 

Fait prisonnier, j’ai dû rejoindre un camp à pieds, près de la frontière chinoise, avec 600 autres hommes. Un mois plus tard, nous n’étions plus que 200. Cet endroit était un vrai mouroir. Par après, nous avons pris la direction d’un autre camp, distant de 750 km. On a effectué une marche de 19 jours, pieds nus. Avec, pour toute nourriture, une boule de riz. Plus tard, en août 1954, nous serons échangés contre des prisonniers vietminh. Lors de ma libération, je ne pesais plus que 47 kg…

 

Que représente à vos yeux ce grade d’Officier de la Légion d’Honneur?

 

C’est une reconnaissance importante. Car j’ai failli y laisser la peau. De notre bataillon, seuls 26 sont rentrés. Sur 450 hommes.

 

Quinze mois dans l'armée belge

 

Après un séjour à l’hôpital d’Hanoï et plusieurs mois de convalescence, Jean Dens réintègre la Légion. Par après, il participe à la libération du canal de Suez et à la guerre d’Algérie. Septembre 1957, le soldat de 1re classe est libéré de ses obligations et revient au pays… où il réintègre l’armée. « J’ai fait mon service national. Forcément, mon parcours a suscité un quiproquo. Finalement, j’ai été bombardé sous-officier instructeur “ armement et infanterie ” en Allemagne, pour quinze mois. Avec autorisation de porter mes décorations françaises sur la tenue belge. »


De retour à la vie civile, Jean Dens a été administrateur de société. Il préside par ailleurs la Fraternelle des Anciens de la Légion Étrangère en Belgique, est vice-président d’associations d’anciens combattants français en Belgique et membre de la section Belgique de la Légion d’Honneur.

 

Vite dit

 

Schœndœrffer


Lors de son engagement en Indochine, Jean Dens a côtoyé le réalisateur et documentariste Pierre Schœndœrffer. « Au moment de nous rencontrer, nous avons passé une nuit ensemble pour protéger un blindé coincé dans une rizière. Par la suite, nous nous sommes retrouvés à Diên Biên Phu. » Les deux hommes se sont revus plusieurs fois après la guerre, entre autres lors de la sortie du film « Diên Biên Phu », signé du cinéaste français.

 

Bigeard


Au cours du siège, le Nivellois a également fait la connaissance du commandant Marcel Bigeard, une figure incontournable de l’histoire militaire française. « Il était blessé au pied, je l’ai aidé à rejoindre la position centrale, auprès du Colonel Lalande. Après la guerre, nous sommes restés en contact jusqu’à une semaine avant son décès. »

 

Opéré sans anesthésie


Blessé par trois éclats d’obus dans le dos, le légionnaire belge a dû se soumettre à une opération de fortune. « Le chirurgien m’a enlevé les éclats en versant de l’alcool dans les plaies, car il n’y avait pas d’anesthésique, et sans recoudre les blessures. »
Déjà un grade de Chevalier Jean Dens est déjà détenteur du grade de Chevalier de la Légion d’Honneur depuis dix ans. Il sera promu au grade d’Officier très prochainement. La date et le lieu de la remise officielle ne sont pas encore déterminés.

 

SOURCE  : L'AVENIR