Les obsèques du Général (2S) Michel Kreher, ancien commandant de compagnie au 2ème REP et ancien chef de corps du 4ème RE, se sont déroulées vendredi 21 février dernier, à partir de 14h00, à Roullet-Saint-Estèphe, en Charente, où il résidait.

La cérémonie religieuse eut lieu dans la magnifique église romane Saint-Cybard, en présence d’une foule considérable qui dépassa la capacité d’accueil de l’édifice.

La famille du général bien sûr, son épouse, France, ses quatre enfants et leurs conjoints, ainsi que ses 19 petits enfants, lesquels ont animé et servi un très bel office, digne et emprunt d’une grande Espérance.

De nombreux amis du village les entouraient, mais aussi beaucoup de ses compagnons d’armes. Camarades de sa promotion « Centenaire de Camerone » de Saint-Cyr, frères d’armes de la Légion étrangère, du 2ème Régiment Etranger de Parachutistes en particulier, compagnons de l’Ecole supérieure de guerre, ou anciens du 4ème  Régiment Etranger.

 Ce dernier était représenté par une forte délégation, aux ordres d’un officier supérieur, avec clairon, porteurs et piquet d’Honneur.

Empêché, notre Président Fédéral, le Général (2S) Jean Maurin, m’avait demandé de le représenter. C’est à ce titre que j’ai prononcé en votre nom à tous l’éloge funèbre que je vous joins ici. J’étais accompagné des présidents des amicales de l’Aude, des Charentes et du Lot-et-Garonne, avec leurs drapeaux respectifs, et d’une importante délégation d’anciens.

A l’issue de la messe d’A-Dieu, les Honneurs militaires furent rendus au Général sur le parvis de l’église, après que les saint-cyriens présents eurent entonné le « Pékin de bahut », leur chant de tradition.

Enfin, le cercueil du Général fut accompagné jusqu’au corbillard aux accents du chant du 2ème REP interprété par tous les anciens présents.

 

Eloge funèbre par le général Henry Clément-Bollée, vice-président de la FSALE:

Mon Général,
C’est au nom du Général Youchtchenko, commandant la Légion   étrangère, au nom du Général Jean Maurin, Président de la Fédération  des Sociétés d’Anciens de la Légion étrangère, au nom de tous vos frères d’armes, présents ici nombreux, physiquement ou par la pensée, qu’à l’heure de votre départ pour le dernier bivouac, je viens vous dire A-Dieu.
Pour m’aider à préparer ce bien modeste hommage, j’ai sollicité quelques-uns de vos camarades de promo>on à Saint-Cyr, de vos anciens officiers-élèves en école d’application à Montpellier, de vos chers compagnons d’armes de la Légion étrangère bien sûr, du 2ème Régiment étranger de parachutistes en particulier ; quelques camarades de l’Ecole supérieure de guerre aussi ou certains de vos anciens subordonnés, au 4ème Régiment étranger ou à la Mission d’assistance militaire au Tchad.Tous leurs témoignages sont unanimes, qui soulignent votre caractère bien trempé, votre tempérament toujours optimiste et positif, votre ouverture d’esprit, votre fidélité en amitié, votre humour inoxydable et votre bonne humeur communicative. Ils attestent aussi, d’un même élan, de la haute et noble idée que vous vous faisiez de votre  vocation d’officier. Ces traits saillants de votre riche personnalité vous conféraient, nous disent-ils, une nature ô combien attachante et un charisme incontesté qui ont marqué profondément et durablement tous ceux qui ont eu la chance et le privilège de vous croiser sur le chemin de votre exemplaire parcours militaire. Vous étiez, Mon Général, et vous resterez, un modèle d’officier pour notre armée, mais aussi et surtout, une grande et belle figure de notre chère Légion étrangère.
Que l’on en juge ici:
Saint-cyrien de la promotion « Centenaire de Camerone », 1962-1964, promotion bien représentée parmi nous cet après-midi, vous manifestez d’emblée ce côté positif, enjoué et bon camarade qui vous collera à la peau jusqu’au bout. Il vous vaut d’être choisi comme « Fine-section » pour animer, à votre échelon, les activités de tradition si chères à notre école car si précieuses pour forger la cohésion d’une promotion.
Après une année d’application à l’Ecole d’Infanterie de Saint-Maixent, vous rejoignez le 170ème Régiment d’infanterie, à Epinal, ou vous servez trois ans comme lieutenant, chef de section.
Le 1er juillet 1968, le franchissement des portes du camp Raffalli, à Calvi, garnison du 2ème Régiment Etranger de Parachutistes, marque votre entrée à la Légion étrangère. Elle est et restera si chère à votre coeur que vous ne la quitterez quasiment plus. Vous y servirez dans tous les grades d’officier, subalterne comme supérieur.
Vos camarades, Lieutenants avec vous au 2ème REP à cette époque, se plaisent à se souvenir du « bout-en-train » que vous étiez, infatigable animateur de l’ambiance de leur « popote », jovial, au cœur rempli de gentillesse, mais aussi de votre allant, de votre rigueur et de votre détermination en service.

Engagé en opération au Tchad en 1969 et 1970, avec la Compagnie d’appui et d’éclairage du 2ème Régiment Etranger de Parachutistes, votre chef de corps du moment, le Colonel Jeannou Lacaze, sait apprécier votre compétence, votre clairvoyance et votre efficacité. Elles se retrouvent dans le texte de la citation à l’ordre de la Division qui vous est décernée pour vos actions de combat en octobre et novembre 1970. L’on peut y lire : « Brillant officier, courageux au feu et fin manoeuvrier, à citer en exemple à ses jeunes camarades ».
A l’issue de votre cours d’Etat-major, vous prenez le commandement de cette même Compagnie d’appui et d’éclairage le 29 juillet 1972. La belle photographie qui figure dans le livret de votre messe d’enterrement, où vous défilez à la tête de votre compagnie, traduit fidèlement l’honneur que vous ressentez et la fierté qui est la vôtre ce jour-là.
Votre sens du contact humain, votre bienveillante fermeté à l’égard de « Monsieur Légionnaire » et votre autorité naturelle renforcent encore la cohésion et la capacité opérationnelle de cette unité.
Unanimement apprécié par vos pairs, par vos supérieurs, mais encore davantage par vos légionnaires, vous y tracez un sillon profond.
C’est donc fort logiquement qu’à l’issue de votre temps de commandement de capitaine vous êtes désigné pour encadrer, à Montpellier de 1974 à 1977, les promotions de sous-lieutenants sortants
des écoles de Coëtquidan. Votre charisme souriant, serein et confiant, allié à votre qualité d’officier de Légion, vous vaut parmi eux, qui ne rêvent que d’aventures exotiques, une aura considérable et une adhésion sans faille.
En 1977, vous êtes reçu au concours de l’Ecole supérieure de guerre où vous aimez évoquer avec quelques camarades, notamment des Troupes de marine, vos aventures tchadiennes.
Vous en sortez « breveté », comme l’on dit, et se succèdent alors vos affectations, en qualité de chef du Bureau opérations-instruction au 2ème  RE, qui devient rapidement 2ème  Régiment Etranger d’Infanterie, puis comme officier opérations de la 31ème  Brigade.
C’est avec celle-ci, aux ordres du Général Jean-Claude Coulon, qui nous a quittés récemment, que vous êtes engagé au Liban, au sein de la Force multinationale de sécurité de Beyrouth. Votre mission s’achève fin juin 1983, quelques semaines à peine avant le drame du « Drakkar ».
Le 23 juillet 1985, vous prenez le commandement du 4ème  Régiment Etranger, « l’école de la Légion étrangère », à Castelnaudary. Vous y donnez pendant deux années, inlassablement, obstinément, toute la mesure de vos talents de chef et de « bâtisseur », dans la plus pure tradition de la Légion étrangère. C’est un détachement de ce Régiment, si cher à votre coeur, qui, tout à l’heure, vous rendra les honneurs sur le parvis de cette église.
Talents de chef d’abord, exigeant, ferme mais très humain. En effet, pour faire passer cette exigence, vous affichez  beaucoup de bonhomie et offrez  un accès facile à vos subordonnés. Ceci ne vous exonère pas, cependant, des quelques accès sanguins que n’exclue pas, de temps en temps, votre tempérament d’ordinaire enjoué. Il m’est revenu qu’un jour, un sergent du Régiment, encadré par son commandant d’unité d’un côté, son Président des sous-officiers de l’autre, vous était présenté au
rapport pour être sanctionné. Le sergent, outrepassant la règle d’or qui veut qu’une fois la faute analysée, reconnue et la sanction prononcée, on l’exécute sans mot dire, commença à vouloir en rajouter, visiblement. Un énorme cendrier en verre, qui était à portée de main sur votre bureau, traversa alors la pièce à toute volée. Le sergent, réactif, esquissa le coup et s’en sort indemne. Il semblerait en revanche que le mur situé à l’arrière, conserva longtemps, en creux si je puis dire, les
sigmates profonds de ce petit emportement.
Talent de bâtisseur ensuite, opiniâtre et entreprenant. En effet, outre le perfectionnement de l’outil d’instruction et de formation des cadres et légionnaires qui vous est confié, vous poursuivez les travaux du futur casernement. Ainsi, quittant votre commandement fin juillet 1987, vous transmettez à votre successeur le 4ème RE au complet, ayant regroupé toutes les unités chargées de l'instruction des engagés volontaires et de la formation des cadres, comme des spécialistes, dont les régiments opérationnels ont besoin pour remplir leurs missions. Vous remémorant cette passation de commandement, vous écrivez plus tard que «Castelnaudary devient alors le point de passage obligé pour l'ensemble du personnel non-officiers servant au titre de la Légion étrangère. Une étape s’achève » , poursuivez-vous, « ce n'est qu'une étape car il reste à réaliser les tranches suivantes qui devront aboutir au quartier Danjou dans sa forme actuelle. »
Par la suite, tant à l’Etat-Major de la Force d’action rapide à Saint-Germain en Laye, qu’à la division « emploi » de l’Etat-major des armées, vous participez activement à la planification et à la conduite des opérations extérieures de la France, en Afrique plus précisément.
Votre expérience, votre compétence opérationnelle, votre connaissance du théâtre africain, votre sens de la diplomatie aussi, quand il le faut, conduisent bientôt l’Amiral Lanxade, alors chef d’Etat-Major des Armées, à vous placer, le 1er juillet 1992 et pour trois ans, au poste hautement sensible de Conseiller militaire spécial du Président Idriss Deby et de Chef de la Mission d’assistance militaire, au Tchad, une fois encore. Cette nouvelle et dernière affectation de votre carrière militaire vous fera dire plus tard que, si la Légion étrangère fut « votre famille », le Tchad, où, Colonel puis Général, vous aurez bouclé votre parcours comme « Proconsul », ce Tchad si passionnément aimé, fut votre « maîtresse ».
Vous y avez conduit la lourde et délicate mission de pacifier l’armée tchadienne, d’en réduire drastiquement les effectifs, et de la restructurer. Votre ultime satisfaction fut d’y recréer, à Moussoro, une Garde méhariste pour contrôler le nord du territoire tchadien.
Mais vous y avez aussi, et peut être surtout serais-je tenté de dire, planifié et conduit l’opéra>on « Memento ». Cette opération discrète, compliquée, sensible et parfaitement exécutée, consista à localiser, extraire et rapatrier les restes du Commandant Galopin, cet officier des Troupes de marine mort pour la France dans l’extrême nord du Tchad, on ne peut plus courageusement, le 4 août 1974.
Après quelques cérémonies plus ou moins officielles, à N’Djamena et à Paris, les proches de Pierre Galopin purent enfin, 20 ans après sa mort, l’inhumer dignement dans leur caveau familial d’Eygurande.
Avec un tel bilan, Mon Général, nul doute que Saint-Antoine, saint patron de la Légion étrangère,
comme Saint-Michel, celui des parachutistes, ne vous accueillent là-haut, avec bienveillance, au paradis des braves.
Car outre le beau soldat que vous étiez, vous avez témoigné tout au long de votre existence militaire, comme on l’a vu plus haut, des plus belles qualités humaines. Vous incarniez, sans démagogie ni fausse modestie, l’Honneur et la Fidélité, ces vertus cardinales de la Légion étrangère. Comme me l’a écrit récemment l’un de vos plus vieux et plus chers compagnons de route, « Michel Kreher était de la race des Seigneurs, de ceux dont on était fier d’être l’ami et que l’on n’oubliera jamais ».

Madame, vous ses chers enfants et vous toutes et tous, ses 19 petit-enfants si je ne me trompe pas, soyez certains de la très grande estime et de l’attachement profond que nous portons à votre époux, père et grand-père. Soyez persuadés que ces sentiments sont partagés par tous ses compagnons, ceux qui vous entourent en ce moment, et ceux, plus nombreux encore, qui se joignent à nous par leurs pieuses pensées.
Aujourd’hui, par ma voix, la Légion étrangère toute entière, celle d’active comme la Fédération de ses anciens, ses frères d’armes et ses innombrables amis, vous disent combien nous comprenons votre
douleur. Nous y prenons part, car elle est aussi la nôtre.
Acceptez donc nos bien pauvres condoléances, très attristées, comptez sur notre soutien, et sachez que nous n’oublierons pas le Général Michel Kreher."