Le 5 décembre dernier, l'Amicale de Puyloubier nous offrait un reportage voué à l'hommage national aux morts en Afrique du nord et au sergent Lionel Hart, enfant de la ville de Rousset où se passaient ces évènements souvenirs. Ce jeune homme devenu sergent par vaillance aux combats, s'était engagé à la Légion très jeune et décéda au Tonkin en 1885 à l'âge de 20 ans. A l'issue, un voeux était formulé, celui de voir une promotion de sous-officiers de l'école de la Légion porter le nom du sergent Lionel Hart.
Hier, nous avons présenté le dernier vétéran français compagnon de la libération et nous apprenons en même temps qu'un autre prestigieux compagnon, adjudant-chef à la 13ème DBLE était choisi comme parrain par le 3ème bataillon de la 345ème promotion de l'Ecole Nationale des sous-officiers. Conïncidence ? Nous ne pouvions ne pas profiter de l'occasion présentée pour ne pas alimenter votre mémoire du parcours exceptionnel d'un héros né un 30 avril, SVP:
A votre bonne lecture...
Charles Santini est né le 30 avril 1912 dans une famille d’agriculteurs, à Velone d’Orneto en Corse. Signe du destin qu’il ne découvrira que plus tard, le « 30 avril » est une journée hautement symbolique au sein de la Légion étrangère qui commémore, avec faste, l’héroïque bataille de Camerone au Mexique en 1863.
Dès l’âge de 18 ans, le 25 novembre 1930, il souscrit un contrat d’engagement de cinq ans pour servir dans les Troupes coloniales. C’est ainsi qu’il est affecté, à la même date, au 8° RTS (Régiment de Tirailleurs Sénégalais) qui tient garnison à Toulon et Marseille. Au cours de son instruction de base il se révèle un excellent soldat, volontaire, robuste et discipliné. De ce fait, il est choisi pour servir au prestigieux RICM (Régiment d’infanterie coloniale du Maroc) qu’il rejoint le 30 juin 1931 au Maroc. Arrivant en fin de contrat le 24 novembre 1935, il décide de ne pas rengager et se retire en Corse.
Deux ans plus tard, il est à Bordeaux où il se lasse rapidement de la vie civile. Avide d’actions, il s’engage sous identité italienne à la Légion étrangère. Le 9 décembre 1937, il signe un contrat de 5 ans, est dirigé sur Sidi Bel Abbés, où il y servira jusqu’à sa mutation au 3ème REI (Régiment étranger d’infanterie) le 25 janvier 1939. Rectifié d'état civil, redevenu français, il retrouve alors son ancienneté de service et se voit affecté au 6ème REI (Régiment étranger d’infanterie) le 14 novembre 1939. Cette unité, créée en octobre 1939, déployée au Moyen-Orient (Liban et Syrie) est fidèle au régime de Vichy. Opposée aux Forces Françaises Libres. en juin et juillet 1941, 6ème REI et 13ème DBLE (unité qui elle a choisi la France libre en juin 40) se font face en Syrie, dans les faubourgs de Damas. Combats fratricides syriens qui opposent alors des deux camps. Une brève fusillade fera toutefois deux victimes chez les képis blancs. On en reste là pour les deux unités. Au terme de cette tragique entreprise de Syrie où les Alliés sortent vainqueurs, il est proposé aux hommes du 6 de rejoindre la 13. C’est le choix que fera Charles Santini.
A partir de cet instant, la carrière militaire du jeune Santini va s’identifier à cette magnifique unité, déjà auréolée de gloire lors des campagnes de Narvik en 1940. Nommé caporal le 30 avril 1942, il prend part à la bataille de Bir-Hakeim. Du 26 mai au 11 juin 1942, la 13ème DBLE qui fait partie de la 1ère Brigade française libre, tient tête à l’Afrika Korps et à ses alliés italiens sur le front de Libye. Les français ne décrochent de la position de Bir-Hakeim qu’après avoir permis le repli des troupes britanniques. Lors de la percée de sortie, le caporal Santini, au coté de son chef de section, se distingue en faisant cinq prisonniers. Une citation à l’ordre de la division récompense le courageux gradé qui se voit nommé caporal-chef le 14 juillet 1942.
En octobre 1942 il est en Egypte, participe à la bataille d’El Alamein, puis à la difficile attaque du piton de l’Himeimat où tombe le chef de corps de la 13ème DBLE. Poursuivant son périple par Tobrouk, par Tripoli, par Benghazi, il arrive en Tunisie et prend part à la bataille de Takrouna en mai 1943. Le 20 mai, la 1ère Division Française Libre (1 ère DFL) et la 13ème DBLE dont il fait partie, défilent victorieusement à Tunis.
Radicofani : campagne d'Italie 13°DBLE.
Le 5 juin 1943 il est nommé sergent et se prépare, en Tripolitaine puis en Tunisie, à la campagne d’Italie. Le 20 avril 1944 il débarque à Naples et, toujours avec la 13ème DBLE au sein de la 1ère DFL, est engagé dans le Garigliano, traverse Rome, fonce sur la Toscane et arrive devant le sommet de Radicofani. Les combats sont rudes. Le 21 mai au soir, dans une contre-attaque sur un piton, le sergent Santini entraîne son groupe en avant, fonce mitraillette au poing et emporte la position au corps à corps. Une citation à l’ordre de l’armée récompense cet héroïque fait d’armes.
Nommé sergent-chef le 1er juillet 1944, il participe au débarquement de Provence à Toulon, en août 1944, puis remonte vers le Nord dans la vallée du Rhône, entre à Lyon le 3 septembre et libère Autun le 9. Dans le Doubs, lors des difficiles combats du plateau d’Ornans, à l’est de Dijon, il se distingue le 21 septembre en allant chercher sous le feu, son chef de section grièvement blessé, resté sur le terrain. Une citation à l’ordre de la brigade vient récompenser son courageux comportement.
Poursuivant son périple au sein de la 13ème DBLE, il se bat à Belfort, à Massevaux, à Rougemont-le-Château, puis en Alsace. Le 1er novembre 1944, à Illhausern (entre Colmar et Sélestat), il s’empare par surprise d’une importante position, et enraye la progression de l’ennemi en lui infligeant de lourdes pertes.
Un mois plus tard, le 3 décembre au Hohwald (localité située au nord-ouest de Sélestat), il entraîne sa section dans un assaut, force le barrage de deux mitrailleuses, et continue sa progression après avoir éliminé tout adversaire. Ces deux actions d’éclat sont sanctionnées par une belle citation à l’ordre de la division.
Le 25 novembre il arrive sur le Ballon d’Alsace où la 13ème DBLE chasse les allemands de leurs positions, puis participe à la réduction de la poche de Colmar du 20 janvier au 9 février 1945.
Après la Libération, quelques mois en Indochine et le retour à la vie civile en septembre 1946
Au début de mars 1945, la 1ère DFL avec en son sein la 13ème DBLE, quitte l’Alsace et est appelée à intervenir sur le front des Alpes qu’elle rejoint le 15 mars et passe à l’offensive le 2 avril. Le 14 avril, dans le massif de l’Authion (Alpes du sud), le sergent-chef Santini dirige ses hommes à l’attaque des casemates de la rivière Déa. Après les avoir prises, il monte, avec quelques hommes, sur le piton de la Gonelle sous un tir ajusté d’armes automatiques. C’est à ce moment là, qu’il est grièvement blessé à la jambe gauche par un éclat d’obus. La baraka dont il avait bénéficié pendant toute la guerre l’a abandonné.
Le 24 avril 1945, il se voit conférer la Médaille militaire avec une très élogieuse citation à l’ordre de l’armée qui résume son extraordinaire parcours d’homme de guerre :
« Sous-officier d'élite qui ne cesse de se distinguer à chaque combat par son courage et son allant remarquables. Engagé à la 13° DBLE le 24 juillet 1941, a participé à tous les combats depuis cette date. A gagné tous ses galons au feu. Cité à Bir Hacheim, en Italie, puis en France. Vient encore de se distinguer aux combats d'Illhausen (Alsace) du 23 au 26 janvier 1945 par son courage et son dynamisme digne d'éloge » « Cette concession comporte l'attribution de la croix de guerre 1939-45 avec palme ». Signé Général de Gaulle.
La victoire finale étant acquise le 8 mai 1945, il est nommé adjudant le 14 juillet. La grande unité qu’était la glorieuse 1ère DFL est dissoute le 15 août. La 13ème DBLE quitte alors la France et arrive en Tunisie le 16 août 1945. Quatre mois plus tard, c’est sur ce territoire que l’adjudant Santini a l’agréable surprise d’apprendre qu’il est fait Compagnon de la Libération par le général de Gaulle, en vertu d’un décret en date du 17 décembre 1945. Ainsi, il rejoint le cercle très restreint des 96 héroïques officiers, sous-officiers et légionnaires de la 13ème DBLE, Compagnons de la Libération – bien souvent à titre posthume – dans cet ordre prestigieux qui n’en comptait que 1061.
Recueilli par CM