La Dame de Camerone : madame Sophie-Caroline Tuvache


J’ai parfaitement conscience avec ce titre de toucher au sacré, néanmoins, je partage un choc que j’ai reçu lors de l’exposition des 150 ans de la création de la médaille militaire à Saint-Etienne : « il y avait bien une femme de l’Armée française qui assista au célèbre combat des légionnaires à Camerone… ».
Un constat s’impose, parmi les 987 000 médailles militaires accordées et les 84 venues récompensées les mérites féminins il en est une qui recevait cette très honorable reconnaissance créée par Napoléon III : Madame Sophie-Caroline Tuvache, née Lucius en 1842, dont la magnifique citation suit : « Madame Tuvache, 134ème section de Troyes a reçu la médaille militaire en 1927 à l’âge de 84 ans. Ancienne cantinière, elle a participé à la campagne du Mexique. Elle était présente lors de la bataille de Camerone. »

Gouache de Daniel Lordey , collection CM


Un scoop est une information importante ou sensationnelle qu'un journaliste ou un organe de presse annonce en primeur ou en exclusivité, avant tout autre...

Pensez donc, il y avait une femme à Camerone ! De ce fait, Il était nécessaire de confirmer et d’affiner cette information intéressante…
Ainsi donc je découvre sur le site Gallica (celui de notre Bibliothèque Nationale Française), l’extrait du quotidien « le Journal » de 1927:
Madame Caroline Tuvache est sans contexte la doyenne des cantinière de France et c’est à l’orphelinat "Saint-Martin-ès-Aires" à Troyes où elle est concierge depuis seize ans que nous sommes allé la féliciter.
De petite taille, alerte malgrè ses 84 ans bien sonnés, la poitrine barrée de rubans qui rappellent son glorieux passé, elle nous a raconté quelques phases de sa vie mêlée à trois quarts de siècle de notre gloire nationale:


"- Je suis née, nous dit-elle, le 3 mai 1842 à Strasbourg, mon père était caporal-cordonnier au 7ème de ligne. Ma mère était cantinière au même régiment. A 4 ans, je quittai la grande cité alsacienne avec mes parents.
En 1859, nous étions à Paris à la caserne de Reuilly. Le 17 novembre de cette même année, j’épousai à 17 ans et demi, François Tuvache, musicien de 1ère classe au 7ème de ligne. C’est ainsi que je devins, à mon tour cantinière.
La campagne d’Italie était entreprise. Le 7ème de ligne partit. Nous restâmes à Rome pendant trois ans. Un douloureux évènement marque notre séjour dans cette ville : l’aïné de mes fils, âgé de 13 mois mourut.
Le pape Pie IX que l’armée française protégeait, nous accorda une audience et donna en 1861, sa bénédiction à mon second enfant. Malgrè cette sainte protection, le petit être mourut à notre retour en France, en 1862.
Peu après, notre régiment, qui comprenait des hommes éprouvés, habitués aux intempéries et aux privations de toutes sortes, fut envoyé au Mexique. Nous suivîmes le corps expéditionnaire que commandait le général de Lorencez.
J’étais à la bataille de Camerone où j’eus cette vision d’effroi que fut le massacre d’une compagnie entière de la Légion étangère. Sept hommes en effet, survécurent à la tourmente. Je me souviens aussi d’avoir assisté à l’assaut de Serra Borego, enlevé par soixante volontaires que commandait le sous-lieutenant Dietrich, devenu plus-tard général.
Puis nous rentrâmes en France…//…
En 1884, mon mari prit sa retraite et nous nous retirâmes à Saint Servan. Peu après nous vinmes à Troyes où ma mère habitait seule. Mon père était mort de maladie en 1869, au Mexique. Mon mari mourut en 1997, à l’âge de 75 ans. "
Une Dame était bien à Camerone le 30 avril 1863 ?

CM

 

 Et pourtant:

Comment ne pas émettre une certaine réserve comme nous l'explique avec beaucoup de pertinence mon ami Antoine:


  - Comment donc cette Dame qui a toujours servi au 7ème ligne était-elle à Camerone, était-elle réellement présente ou ce ne sont que les « rajouts » habituels des anciens combattants qui racontent leurs campagnes ?
  - Le 7ème de ligne participe à l’expédition du Mexique à la 1ère brigade commandée par le général Brincourt au sein de la 2ème division d’infanterie (général de Castagny), elle est stationnée dans l’état de Durango jusqu’au 13 novembre 1866. Passant par Queretaro le régiment rejoint Mexico (15 janvier – 5 février 1867). Il couvre l’arrière du retrait français et sera une des dernières unités embarquées (partie sur le Castiglione, partie sur le Souverain).
  - En 1869, il est en garnison à Paris, après la guerre de 1870 à Lyon puis à Cahors.

 


  - En analysant la carte du Mexique, nous constatons que l’Etat de Durango (le Mexique est une fédération) est très éloigné de Vera-Cruz qui est tout à fait au Sud du pays. Il est donc peut probable que cette cantinière du 7ème de ligne se soit trouvée à Camerone.

  

C’était trop beau, il y a un os comme on dit à Marseille…

Mais peut-être qu'elle faisait partie en tant que détachée de la colonne de secours commandée par le capitaine Saussier arrivée le 1er mai 1863 ?

A suivre !