« Enfin ! Voilà ce qu'ont sans doute dû se dire les proches de ces 549 militaires « morts pour la France » en opérations extérieures depuis 1963 lorsque l'inauguration du monument dans le parc André-Citroën a été officialisée pour ce 11 novembre 2019, en marge des cérémonies pour le 101ème anniversaire de l'Armistice de la Première Guerre mondiale. Il faut dire que cela faisait huit ans qu'ils attendaient l'inauguration de ce lieu d'hommage ». (Le Parisien du 11 novembre 2019).

Composé de deux éléments centraux, le monument représente 6 statues anonymes portant un cercueil invisible. Leurs uniformes symbolisent l'ensemble de la communauté militaire. Un mur porte le nom des militaires Morts pour la France en opérations extérieures depuis 1963. Signe de reconnaissance de la Nation, il offre ainsi un lieu de recueillement pour la communauté de défense, les familles et proches des militaires.

Il fait partie des quatre hauts lieux franciliens de la mémoire nationale du minist

Selon son créateur, la sculpture représente la cérémonie du « portage » par 6 militaires, lors de l’hommage rendu au défunt. « Je voulais créer une œuvre sensible, un hommage tourné vers ceux qui restent. Cette idée est très simple. Il n’y a pas de cercueil, car ils portent une absence. C’est elle qui unit les six porteurs ensemble. Ce vide les rend solidaire. »

C’est de façon fortuite, à l’occasion de la journée des blessés de juin 2020 au parc André Citroën, que j’ai eu l’opportunité de découvrir le monument OPEX dans son écrin de verdure ; cependant en le regardant attentivement un des soldats attira mon attention. La fréquentation assidue du fort de Nogent où stationne le Groupement de recrutement de la Légion étrangère (GRLE) me fit d’entrevoir le début d’une explication qui me fut confirmer par la suite par l’intéressé.

Cependant, c’est avec l’autorisation du Commandant en second de l’Unité que le caporal-chef T.B. livre cet interview sur cette mission particulière.

Rencontre donc avec l’un des six militaires qui a servi de modèle à l’un des six porteurs.

Bonjour caporal-chef, pourriez-vous vous présenter pour nos lecteurs :

Je suis le caporal-chef T.B. originaire du sud de l’Inde. J’ai 15 ans de service dont 10 au 2^ème Régiment Etranger de Génie où j’ai été affecté après mes 4 mois de formation initiale au 4^ème Régiment étranger ; Il y a 5 ans, j’ai été muté au GRLE où j’occupe actuellement la fonction de secrétaire « activités recrutement ».

Qui vous a informé que vous aviez été sélectionné ? :

C’est le chef de corps de l’époque, le lieutenant-colonel Y.D.* qui ne fit part d’avoir à me rendre sur le site de Balard (lieu d’implantation des différents états-majors des Armées) sans donner plus d’explications sur l’objectif de la mission.

En bon légionnaire je me suis donc rendu le jour convenu à Balard.

Comment s’est déroulée cette mission ? :

La mission s’est déroulée sur 2 jours les 6 et 13 juin 2018.

La première journée a permis de rencontrer les 5 autres militaires issus des autres Armes et Armées et de faire connaissance avec Stéphane Vigny. Il s’avéra être le sculpteur à qui avait été confié le soin d’ériger le monument OPEX. Il nous expliqua les raisons de notre présence et ce qu’il attendait de nous après avoir vérifié que chacun d’entre nous répondait à ces critères de sélection ; en ce que me concerne, Stéphane Vigny souhaitait un légionnaire portant le képi blanc et correspondant à mon profil. L’artiste nous dévoila ensuite quel serait notre rôle : servir de modèle à chacun des porteurs.

La seconde journée fut consacrée à de multiples séances de pose destinées à parvenir à un ensemble homogène. L’attitude souhaitée devant être la plus proche de celle que l’on aurait eu si on avait porté un cercueil ; pour ce faire une plaque de plexiglas remplaça le cercueil et permis de prendre la bonne position au niveau des mains et des épaules. Le visage devait refléter celui d’un soldat qui portait le cercueil d’un camarade mort au combat. La tenue portée étant celle imposée par le sculpteur.

Ensuite pendant deux heures en groupe et individuellement nous avons été scannés « sous toutes les coutures » notamment au niveau du visage, des mains et jusqu’aux plis du pantalon.

Quel est votre sentiment aujourd’hui ? :

Lors des séances de pose il était difficile de réaliser l’ampleur de l’œuvre avant sa réalisation.

J’ai reçu une lettre de remerciement mais je n’ai malheureusement pu assister à l’inauguration qui a eu lieu le 11 novembre 2019 pendant la pandémie. Aujourd’hui c’est une grande fierté d’avoir représenté la famille légionnaire de façon anonyme en honorant ses morts et d’avoir rempli la mission qui m’avait été confiée.

Merci caporal-chef.

PS je peux témoigner que le Caporal-chef témoigne d’une discrétion absolue sur cette mission « spéciale » qui l’honore et le rend encore plus digne du choix fait. L’anonymat, une seconde nature à la Légion.

• Contacté le lieutenant-colonel Y.D. a précisé : « De mémoire, l'EMAT a sollicité la Légion étrangère pour qu'elle présente un candidat. Voyant passer le message, j'ai contacté le colonel adjoint qui m'a fait comprendre que le temps manquait pour la prospection et m'a autorisé à présenter une candidature. Il y avait, me semble-t-il, un critère de taille auquel j'ai ajouté celui de la qualité des services. Le légionnaire retenu a participé à un casting à la DICOD et a été retenu. »

Amitiés légionnaires.

Vert & Rouge Info

Préparation de ce bulletin : Lieutenant-Colonel (RC) Bérengère Nail