Tapisserie: "la Dame à la Licorne": Chef d'oeuvre magique dessiné par le peintre Jean d'Ypres. Le tissage est soigné, voire virtuose, le lieu de sa production n'est pas connu. univers de passion et de désir dans une France où le moyen âge s'apprête à passer à la Renaissance.

En feuilletant la liste des nombreux musées parisiens, je me suis arrêté sur celui du Moyen âge.

Je sais être un peu excessif  quant à l’expression de mon enthousiasme surtout quand quelque chose me plait et c’est avec une certaine appréhension et mesure que je me suis rendu à ce musée très peu connu parmi ceux qui habitent les bâtiments magnifiques de notre capitale.

Ce que je cherche lors de mes visites dans Paris, c’est à découvrir toutes les facettes d’une ville magique aux possibilités culturelles exceptionnelles qui offrent à ceux qui savent en apprécier, un passe-temps des plus remarquables. C’est aussi la recherche d’une émotion qui ne saurait être infaillible. Le plaisir, l’indifférence que peuvent donner la contemplation d’une oeuvre d’art, c’est bien de culture qu’il s’agit, non de vivre en direct emporté par des affections primaires (effroit, détestation, terreur, enthousiasme, jubilation, jouissance) mais du plaisir élaboré où l’esprit intervient avec nuance et mélange d’impressions, C’est avant tout, le plaisir de l’oeil.

J’ai fais le choix de suivre un guide afin de gagner du temps et de ne pas passer à côté de ce qui est "invisible pour les yeux", expression retenue par le Petit prince de Saint-Exupéry. Ce professionnel connait parfaitement son sujet même si sa présentation est élaborée et imposée, il n’en reste pas moins vrai que le parcours est intéressant et parfaitement organisé.

Curieusement il commence son discours par un hors-sujet surprenant en nous expliquant qu’à son point de vue: “chez les connaisseurs et amateurs de l’art, il y a une sorte de sympathie, de chaleur dans l’approche qui ne doit rien à quelque parti-pris de clan ou de bigoterie religieuse. Ce qui marque ce musée du Moyen âge, c’est que la religion occidentale a parfois peint pour faire peur, avec des danses macabres et les jugements derniers. Il est arrivé alors que les prédicateurs et les peintres se comportent en maîtres de la peur. C’est à la fin du moyen âge l’ouverture d’une porte où il était grand temps de se mettre à l’école des maîtres de l’admiration et de l’émerveillement”. Curieux discours d’entrée ? mais bon…

Je lui explique que son discours m’interpelle par le fait qu’il n’avantage pas ce qui nous reste à voir et que ce propos serait surement mieux placé à la fin de la visite. Puisque nous sommes en présence d’une réflexion orientée, j’explique que l’enseignement doit tendre à une certaine “neutralité objective” par laquelle il est indispensable de mettre entre parenthèses ses émotions afin de faire voir des oeuvres pourcomprendre une période de notre Histoire et comprendre pourquoi le moyen âge est si mal connu.

L’homme accepte ma remarque et tout au long du parcours, j’ai la gène de ressentir qu’il ne s’adresse plus qu’à moi…

Pendant la visite, je rencontre de nombreuses oeuvres remarquables, de celles qui bousculent mon “émotion”, celle qui provient de la curiosité qui intrigue, relie, agace, excite, finissant, aussi par lasser, d'une lassitude ennuyeuse qui est  aussi une émotion. Des étincelles jaillissent. Ici, toutes les oeuvres sont originales, j’ai le souveir d'une visite au musée "Ganguin" à tahiti où il n’y avait aucunes oeuvres originales, que des photocopies, des diapositives, des copies, que de pauvres doubles. On prend conscience à la sortie d’une exposition, au moment d’acheter les cartes-postales, des oeuvres dont on voudrait garder le souvenir, que les originaux exposés sont encore gravés dans notre mémoire, dans leur fraîcheur, avec l’émotion quelle impose. Patatras ! Déception: ce ne sont pas du tout les mêmes couleurs et les dimensions de l’oeuvre ne sont pas toujours au rendez-vous.

 

 

 

Christ de Giovanni Pisano: attitude de résignation et d'abandon...

Nous sommes au fur et à mesure que se développe la visite bouleversés de nous retrouver au début de notre histoire de l’art, le moyen âge est une longue période de gestation, l’émotion est réelle, marquée par de nombreuses influences, les oeuvres accèdent à une quasi éternité. Les expressions de certains visages sculptés sont dérangeantes, trop réalistes, elles touchent en coup de coeur ma sensibilité.

Coffret en ivoire: Assaut du château d'Amour.

Je réfléchis sans contrôle: “que savons-nous des sentiments qui ont accompagné la naissance de ces oeuvres ?".

 

Je me sens incapable de ressentir l’effroi de Luther devant la représentation de " la Parousie du Christ" torse nu, même le "Guernica" de Picasso ne me touche pas au premier degré. Par contre, les désastres des guerres m’émeuvent beaucoup plus et je reconnais un malaise devant certains tableaux ou devant certaines scènes de crucifications.

A l’issue de la visite au moment où nous nous retrouvons dans une cour devant l’incontournable boutique; je résume dans ma tête ce que je viens de voir, c’est un savoir faire délicat, imposé qui mérite d'être organisé et perfectionné, je devrais m’entraîner et ne plus me laisser embarquer dans l'horrible conclusion qu'il m'est impossible de ne pas penser que je ne connais rien...

Le constat est sans appel, je suis un puit d’ignorance.

Des membres du groupe interviennent expliquant qu’ils aiment ce genre de musée en opposition à l’art contemporain qu’ils ont en horreur alors qu’ils n’ont pas fait le moindre travail consistant à s’informer réellement sur ces derniers. Je n’ose intervenir, il me reste la frustration d’avoir garder sur le bout de langue de leur dire: “Quand Jawlenski a fait sa série de visages, il souffrait d’arthrose, cela rend ses tableaux d’autant plus émouvants. Quelques années plus tard, ses oeuvres furent rangées par les nazis dans la catégorie “art dégénéré”.

Une belle visite s’achève, j’achête des cartes postales.

CM