Le 30 juillet 1835, la Légion salua une dernière fois le ciel d’Algérie et cette terre généreuse où elle avait laissé de bons compagnons morts au champ d’honneur. Les légionnaires en pantalon rouge allaient entrer dans la plus inexorable lutte féroce contre les Carlistes en Espagne.

Légionnaire Espagne 1

La Légion était cédée à l’Espagne !

Le 17 août 1835, colonel Bernel en tête, les légionnaires firent leur entrée dans Tarragone derrière ses tambours et clairons et s’incorporèrent dans les rangs de l’Armée royale espagnole.

Peu avant leur débarquement, il fallut remanier le régiment affaibli par une épidémie de choléra. Le colonel Bernel fut le premier à mêler les différentes nationalités qui composaient la Légion.

Curieusement, c’est peut-être en Espagne que la Légion donna tout ce que l’on doit attendre d’un soldat en résistance physique et morale. Le légionnaire était sans solde, mal nourri, son uniforme usé jusqu’à la corde, le képi troqué contre la « boïna », les pieds dans des espadrilles avachies.

La Légion se signale en Catalogne à Saint-Martin, pendant une dure campagne dans le Pays basque, contre les Navarrois, attaqués par 6 000 carlistes, 1 000 légionnaires résistèrent victorieusement à toutes les attaques.

Guernica en ruines 1837

Cependant, isolée et abandonnée par les forces royales, elle mâcha son amertume. Le colonel Bernel, devenu général, aussi écœuré que ses hommes résolut de faire de son régiment une petite armée capable de se protéger elle-même !

Ainsi à la Légion, chaque soldat vivait de peu de choses, son uniforme n’existait plus, décimée après le combat de Zubiru contre les navarrais, elle ne se renouvelait plus. Le général Brenel rentre en France et confie son régiment au colonel Conrad.

L’hiver est rude, les Légionnaires le supportent dans une misère inexprimable. On ne mange pas à sa faim. Malgré les tentatives des Carlistes pour les amener à prendre leur parti, les légionnaires, comme toujours, restèrent fidèles à la parole donnée !

Après de multiples combats, l’effectif de la Légion était réduit, le dernier combat fut celui du 2 juin 137 à Barrastre.  Les forces Carlistes furent attaquées à la baïonnette. Le colonel Conrad fut tué à la tête de ses hommes qui ne l’abandonnèrent pas et se replièrent en l’emportant avec eux.

Conrad

Mais comment donc la Légion cesse de faire partie de l’Armée française par ordonnance royale ?

Le 28 septembre 1833, le roi Ferdinand  VII meurt après avoir désigné sa fille, la nouvelle reine Isabelle d'Espagne âgée seulement de trois ans, comme son successeur, privant ainsi son frère Charles du trône. La reine Marie-Christine, son épouse, devient la régente du Royaume. Mais la noblesse soutient l'infant Charles, plus absolutiste. La France, le Portugal et le Royaume-Uni, signant en 1834 le traité de la Quadruple-Alliance, se rangent du côté d'Isabelle II. Il s'ensuit une guerre civile entre partisans de la jeune reine et Carlistes.

Isabelle II

L’ancien ministre de la guerre en 1835, le maréchal Soult avait une expérience des terribles combats de la guerre d’Espagne sous Napoléon et mit en garde de ne pas réveiller le « guêpier espagnol ».

Adolphe Thiers en tant que ministre de l’Intérieur, le 6 juin 1835, persuada le gouvernement français d’envoyer la Légion en Espagne. Le 28 juin, une convention cède la Légion à Madrid, le 30, par ordonnance royale. Une leçon est tirée par Abel Galand en 1842, quelques années après cette guerre d’Espagne : « Chaque fois qu’une force militaire se trouve malheureusement placée entre la politique, la diplomatie et le canon, elle doit être sacrifiée ».

En janvier 1839, se referme le livre de « l’ancienne Légion », une « nouvelle Légion » était née, fruit d’une ordonnance royale. Thiers démissionne suite au refus de Louis-Philippe de renforcer la Légion en Espagne ; la nouvelle Légion est envoyée à Alger dès 1839.

Louis Philippe

Ainsi se termine l’aventure espagnole, on vit dans les rues de Perpignan des soldats tannés par le soleil errer comme des corps sans âme, vêtus d’étranges loques, la gibecière en sautoir, la « boïna » posée de guingois sur la tête. Les légionnaires désemparés n’attendaient plus rien. Ils étaient moins de 500 survivants sur les 4 000 hommes embarqués à suivre la reine Isabelle II et la servir loyalement.

La ville de Pau accueilli par petits groupes de curieux personnages, ils arrivaient besace sur l’épaule marqués par la misère pour un nouvel engagement dans cette « nouvelle Légion ».

L’aventure légionnaire renaissait de ses cendres…

Commandant (e.r.) Christian Morisot