8 mai 2025, les rues sont désertées, chacun reste chez soi, il pleut !
Pourtant, il y aurait au moins deux bonnes raisons d’aller à la rencontre de ses voisins, mais que reste-t-il de la reconnaissance de la Nation pour ces libérateurs du 8 mai 1945 et pour ceux qui ont laissé leur vie et leur sépulture en Indochine au lendemain de la fin de la bataille de Dien Bien Phü ?
Emouvante prise de position avec cet article. L’Auteur me devance d’une bonne longueur, j’avais l’intention de parler de ce “Vietnam” qui n’était plus aujourd’hui, pour nos écoliers, qu’un lieu touristique lointain… De quoi s’interroger sur l’utilité de la mort de nos jeunes gens tombés au champ d’honneur pour une France sans mémoire ! Et par extension sur nos interventions actuelles...
Je me garde de parler aussi de cet autre 8 mai ; celui dont on ne veut pas se souvenir. Cela s’est passé à Sétif en Algérie le 8 mai 1945 dans ce département français où la France a réagi au massacre d’une partie de la population européenne par une répression sanglante.
Chacun puise dans l’histoire qui lui sert et ouvre une pensée qui lui semble chère. Néanmoins cela reste une affaire d’historiens qui savent transformer la réalité à leur convenance…
Commandant (e.r.) Christian Morisot
Jour de victoire et jour de défaite…
Tous les ans la République Française commémore la victoire française et alliée sur les divisions hitlériennes, sur la terreur industrialisée. Quoi de plus normal ? La fin d’une guerre c’est des milliers de vies épargnées. La fin de celle-ci c’est l’arrêt de l’horreur nazie qui promettait aux Allemands, des lendemains heureux. Ce 8 mai 45 voyait sortir notre pays, comme d’autres, des ténèbres ; il portait au grand jour de véritables héros de la nation française ; des patentés et des anonymes, et des vrais et des moins vrais, les résistants sortaient de l’ombre, ceux du début. Les autres, de la dernière heure, se mettaient en lumière. On se congratulait, on s’aimait, on s’embrassait, on rasait gratis, surtout les femmes, et on oubliait pour un temps les viols perpétrés par les amis – « si les ricains n’étaient pas là » …. Les opportunistes avaient éclos et montraient leurs plus beaux atours. La préfecture de police tressait sa fourragère aux couleurs de la Légion d’honneur… « …Paris libéré ». On ne dénonçait plus. Les wagons 40 hommes 8 chevaux en long étaient remisés au dépôt, vides. Le Vel d’Hiv était aux mouches… On donnait le Te Deum à Notre Dame. Le beurre n’était plus vendu aux boches, le marché noir reculait, quoique… Mais « Gabin » et « Bourvil » n’avaient plus à traverser Paris leurs valises bourrées de cochon. Ce 8 mai marquait le début d’une ère nouvelle : l’occupation de l’Allemagne, la libération des prisonniers qui passaient ainsi des camps de concentration à l’hôtel Lutetia - pas pour s’y installer bien entendu – il fallait épouiller et soigner le typhus en pyjama rayé, tenter de se reconstruire et reconstruire le pays grâce aux « mannes » du plan Marshall… bref… tout ce que l’on sait… ou non ! Mais un autre 8 mai, moins commémoré hélas, a fortement marqué l’armée française bien plus qu’il n’a interpellé nos frileux compatriotes qui ne sont pas à un abandon près ! Ah si les ricains avaient tenu leurs promesses… Le 7 mai 54, dans la métropolitaine indifférence quasi générale, le camp retranché de Dien Bien Phu tombait après 55 jours d’une défense héroïque, noyé sous les vagues fourmillantes de l’oncle Hô – encore une vipère que la France avait nourri en son sein, mais il y en aura d’autres, plus tard… – et du général Giap. Les hostilités prennent fin le 8. Commence alors la deuxième phase de cette résistance titanesque contre l’anéantissement total : la marche meurtrière vers les camps vietminh, où seuls les moins épuisés, moins dysentériques et parfois plus chanceux, arrivent. Les survivants entament la troisième phase, celle de la rééducation politique, de la torture, de la famine et de la mort sous le joug de la captivité et de la cruauté des petites fourmis noires. Boudarelle de sinistre mémoire, est de ceux qui se trouvent du côté du manche de la cognée. Il est de ceux qui crachaient sur nos camarades rapatriés sanitaires à leur arrivée à Marseille, après avoir vu leur matériel de guerre souvent saboté par les mêmes, dont certains, sept ou huit ans avant, étaient des résistants des vingt cinquièmes heures et qui avaient adhéré, sans hésitations de rosière, aux principes du pacte germano-soviétique. Nos malheureux camarades se battent pour quelques grains de riz pour ne pas sombrer dans l’éternelle nuit à laquelle ils étaient déjà promis.
Aujourd’hui, peu de gens commémorent ce deuxième 8 mai. A part quelques rescapés, au Mémorial des guerres d’Indochine de Fréjus. Qui fête et loue le courage de ces hommes ? Quasiment personne. Ce 8 mai-là n’accorde pas de férié, c’est dire…
Pour les plus jeunes képis blancs, l’Indochine c’est loin dans le temps et dans l’espace et ils croient, pour beaucoup, que ce fut un combat de parachutistes… beaucoup ignorent toutes les unités des autres régiments de Légion englouties par l’ogre jaune…
Les corps décomposés de tous ces soldats sont l'humus de la terre lointaine.
Alors ce 8 mai, bien qu’ayant l’esprit emporté par d’autres préoccupations propres aux jours de fête carillonnée, ayons une pensée pour nos camarades qui ont vécu ces terribles épreuves et dont peu se souviennent.
LCL (e.r.) Antoine Marquet