L’ADJUDANT
L’adjudant est un mot qui dérive des termes latin ou italien adjuvare, aider ; ajuto, aide. Certains disent également qu’il est en provenance de l’espagnol ayudante (assistant). Dans quelques pays étrangers, on utilise ce terme pour signifier aide de camp.
En France, il est employé à compter de 1776, en remplacement de l’appellation garçon-major qui désignait la fonction du bas-officier le plus ancien de la troupe concernée. Mais avant cela, beaucoup de grades et de fonctions militaires, aujourd’hui disparus, furent formés sur le terme
« adjudant ». Une proportion non négligeable d’entre elles revêtait des fonctions d’officier de haut rang. Prenons, pour illustrer notre propos, la fonction d’adjudant commandant, créé par arrêté de l’an VIII (17 messidor) sous Napoléon BONAPARTE, et qui a remplacé dans l’état-major de l’armée, les adjudants généraux. Les adjudants commandants étaient employés, soit comme chefs d’état-major de division, soit comme sous-chefs d’état-major d’armée, ou de corps d’armée, soit en toute autre fonction analogue.
Adjudant Da RIF – compagnon de la libération – 13e DBLE
Le tableau ci-dessus donne un aperçu des différentes appellations qui ont pu exister. Nous avons dénombré ainsi trente-cinq[1] déclinaisons différentes rien que pour les troupes exclusivement françaises.
En 1776, c’est le plus haut gradé créé parmi les bas-officiers. Doté d’un cheval en temps de guerre, il va à pied en temps de paix. À l’origine, placé hors des compagnies, au niveau des bataillons et régiments, c’est un sous-officier d’état-major essentiellement chargé du service intérieur, de la logistique, des transmissions, de l’exécution des ordres imprévus. Son rôle principal est donc d’assister les officiers dans l’exécution de leurs tâches. À partir de 1887, on ajoute à l’adjudant de bataillon un adjudant par compagnie, ce qui banalise son rôle et multiplie les attributions pourtant déjà nombreuses (rassemblement de la troupe, numérisation des files, égalisation des pelotons, surveillance des cantines, instruction des caporaux, distribution des corvées…) qui lui sont imparties.
L’adjudant d’unité (compagnie, escadron ou batterie) est l’héritier direct de ce passé laborieux, même si aujourd’hui bon nombre d’adjudants tiennent des postes qualifiés et spécialisés.
C’est le premier grade de sous-officier supérieur. Depuis 2009[2], le rang d’adjudant est le troisième plus élevé de la hiérarchie des sous-officiers, après ceux d’adjudant-chef et de major.
Son insigne de grade est un galon coupé d’une soutache rouge, galon de couleur inverse à celle des boutons et de l’insigne d’arme. Pour différencier un adjudant d’un adjudant-chef, il faut également prendre en compte la couleur de l’écusson de l’arme associée ou bien celle des boutons d’uniforme. Si les deux sont de la même couleur, il s’agit d’un adjudant-chef, si les couleurs ne sont pas homogènes, il s’agit d’un adjudant.
Dans l’arme blindée et cavalerie, par tradition, sans que cela ait un caractère réglementaire, on appelle l’adjudant « Mon lieutenant ». On fait remonter cette coutume à la bataille d’Austerlitz, durant laquelle un peloton, conduit par un adjudant, seul cadre rescapé, se comporta brillamment
au cours d’une charge. NAPOLEON observant la scène aurait alors demandé : « Mais quel est donc ce lieutenant si vaillant ? » On lui répondit que ce n’était qu’un adjudant, il aurait alors répliqué : « Désormais, on les appellera lieutenants. » De cet épisode serait née la coutume, propre à la cavalerie puis à l’Arme Blindée-Cavalerie dans les régiments dont l’ancienneté remonte au moins à la bataille d’Austerlitz, de s’adresser à un adjudant – et par extension, à un adjudant-chef – en disant « Mon lieutenant ».
L’adjudant est en général chef de section pour le domaine du combat, adjoint d’un chef de section officier ou en charge d’un poste de commandement spécialisé pour les autres domaines.
Appellation orale : Mon adjudant (dans les armes dites jaunes[3]) - Adjudant (personnel féminin)
Mon lieutenant (dans les armes dites blanches[4]) - Lieutenant (personnel féminin)
Abréviation : ADJ
Adjudant SAED 3e REI – oct 2021 © 3e REI facebook.com
L’ADJUDANT-CHEF
C’est une mesure à vocation sociale qui a déterminé la création de ce nouvel échelon dans la hiérarchie militaire et plus particulièrement celle des sous-officiers. Ainsi, le 30 mars 1912, une loi créée ce nouveau grade pour améliorer la situation d’un adjudant que l’on n’était pas certain de faire passer sous-lieutenant.
Les adjudants-chefs sont alors choisis parmi les adjudants de plus de dix ans d’ancienneté et de deux ans de grade, ayant les qualités pour se voir confier les attributions d’un lieutenant.
Certains postes leur sont interdits, comme ceux de secrétaire du colonel, vaguemestre, adjudant de bataillon, entre autres.
Après 1945, ces restrictions disparaissent ; le nombre d’adjudants- chefs s’accroît, mais repose désormais sur l’obtention de brevets et qualifications. Avant l’intégration des majors parmi les sous-officiers, le rang d’adjudant-chef était le grade sommital du corps des sous-officiers. Il peut être chef de service, adjoint d’un chef de section officier ou chef de section.
Tout comme les adjudants dans les armes dites blanches[5], par tradition et pour la même raison, l’appellation orale de ce grade est différente de celle des autres armes.
L’adjudant-chef porte un galon de couleur or ou argent (de la même couleur que le métal de son arme) traversé en son milieu par un liseré rouge.
Appellation orale : Mon adjudant-chef - Adjudant-chef (personnel féminin) - Mon lieutenant (dans les armes dites blanches) - Lieutenant (personnel féminin pour les armes dites blanches)
Abréviation : ADC – Adc
Le champion (colorisé pour les besoins de l’article)
Dessin humoristique de l’adjudant-chef Burda KB n°358 juin 1977 © Légion étrangère
LE MAJOR
Encore une fois, nous sommes devant un grade qui a eu de multiples existences en fonction des époques, se situant différemment dans la hiérarchie et c’est encore le cas de nos jours en fonction des pays.
C’est d’abord un terme général, dérivé du latin et francisé, dont les termes majorat et majorité sont dérivés. Il rend mal l’idée qu’il devait exprimer. En grammaire, le comparatif major
signifie plus grand, mais logiquement il s’est appliqué comme superlatif. Il a d’abord signifié le plus grand et c’est en ce sens que, dans les coutumes municipales et au temps des milices
communales, on a donné aux personnages qui y présidaient la qualification de maïeur, maire, major, mayeur. La féodalité, la Couronne, les premières armées régulières avaient eu des sergents de bataille. Quand elles prirent plus de consistance et de force et qu’apparurent les régiments et les garnisons, il fallut désigner dans les bandes et plus tard dans chaque régiment,
un officier employé comme chef de l’état-major, comme surveillant des détails et distributeur des ordres donnés aux sergents. Pour cette raison, il s’appelait le plus grand des
sergents ou le sergent-major. C’était un officier du rang de capitaine, cependant classé comme officier supérieur. On voit au milieu du XVIIe siècle que l’usage était d’appeler major l’officier
que les règlements continuaient à désigner sous le titre de sergent-major.
Il y avait plus d’un siècle qu’on avait perdu le souvenir de ces particularités, et que la seule dénomination de major était usitée, quand le département de la Guerre créa les sergents-majors dans le corps des bas-officiers. Ce sergent-major moderne n’avait rien de commun avec l’ancien. Les régiments de Jeune Garde[6] de BONAPARTE étaient commandés par des majors qui avaient rang et paye de colonel.
Là encore, il existait un nombre de fonctions liées à ce terme ou ce statut de major assez important. Nous n’en répertorierons ainsi pas moins de vingt-huit au sein des troupes françaises, dont certainement la plus élevée était celle de major-général qui a toujours pris plus d’importance[7].
L’appellation major ou médecin-major, avec des déclinaisons de grade (major de première classe, de seconde classe, aide-major, sous-aide-major) désignait jusqu’en 1928 un médecin militaire.
Au XIXe siècle, un officier récemment promu comme commandant était habituellement appelé major tant qu’il n’avait pas le commandement effectif d’un bataillon.
Feu le Major MANAÏ © Légion étrangère
Aujourd’hui, le grade de major existe encore dans de nombreuses armées étrangères, mais contrairement à la France, c’est à chaque fois un officier supérieur.
En France, l’organisation actuelle des armées institue, aux premiers rangs de la hiérarchie militaire, une fonction – et non un grade – de major général pour l’ensemble des armées ou chacune de celles-ci[8].
Chez les sous-officiers, le grade de « major », héritier de l’ancien grade d’adjudant-major ou major-adjudant, a été créé en 1972 lors de la première loi sur le statut général des militaires[9], pour permettre à des militaires non-officiers d’occuper des postes d’officiers subalternes. Trois ans plus tard, par décret[10], a été créé le corps des majors, ce corps, intermédiaire entre le corps des officiers et celui des sous-officiers, ne comprenait en conséquence qu’un seul grade. Il a finalement été supprimé en 2009, et les majors ont été réintégrés au corps des sous-officiers en devenant le grade sommital de cette catégorie.
Depuis le décret no 2012-519 du 20 avril 2012, le grade de major n’existe plus chez les pompiers qui font partie de l’arme du Génie au sein de l’armée de Terre ; il a été remplacé par le grade de lieutenant de 2e classe.
Peinture d’Isabelle MAURY peintre aux armées représentant le PSO Légion
en l’occurrence le major JORAND parlant avec des anciens
© Isabelle MAURY
L’insigne est, pour l’armée de Terre, un galon avec un liseré rouge auquel a été adjoint une soutache. Pour les armes dites « à pied », le galon et la soutache sont dorés (reprenant ainsi
l’insigne d’adjudant-chef). Pour les armes dites « montées », héritières des troupes à cheval, ils sont argentés.
De manière anecdotique, le premier major de l’armée de Terre en France a été Raymond DELAVEAU et le plus jeune major de France fut son fils, Thierry DELAVEAU.
Les deux premiers majors sous-officiers de carrière à titre français de la Légion étrangère, après avoir passé leur concours au sein de centres d’examen régionaux et de leur école d’arme, sont nommés le 1er janvier 1976. Ces deux précurseurs furent Giovanbattista CAROSIA et André MAKARA.
L’année 1977 a permis encore de progresser dans l’amélioration de l’égalité de traitement entre les sous-officiers issus de différents statuts. Ainsi, par les décrets du 1er juillet, l’accès aux galons de major était autorisé aux sous-officiers servant à titre étranger dans les mêmes conditions que celles déjà offertes aux sous-officiers de carrière servant eux à titre français. Le commandement de la Légion étrangère d’alors (COM/GLE), avait dû battre le fer encore et encore face à une
bureaucratie d’une exemplaire rigidité. La fonction publique considérait en effet que les indices de solde attribués aux majors ne pouvaient être atteints par des contractuels. L’engagement de cinq ans que signera le major en accédant à son grade résoudra cette difficulté.
Ces majors étaient alors recrutés dans chaque arme ou service, par concours, avec un nombre maximal de présentation aux épreuves limité à trois, ou au choix s’ils avaient plus de 40 ans[11] et dans la limite de 30 % des nominations effectuées la même année. Les critères d’éligibilité étaient serrés et le nombre de places offertes dans les deux cas, très limité.
Trente sous-officiers affrontèrent ainsi les épreuves écrites en février 1978 et la moitié d’entre eux, l’oral des majors en mars. Cinq places étaient alors ouvertes. Le major Benjamin URIARTE du 1er Régiment étranger devint alors le premier major nommé à titre étranger à compter du 1er janvier 1976, bénéficiant alors d’un effet rétroactif inscrit dans le décret d’application.
Appellation orale : Major
Abréviation : MAJ – Maj
Major (e.r.) Jean-Michel HOUSSIN
Président de l'Amicale des Anciens de la Légion étrangère de Saône-et-Loire
[1] Archiviste, commandant, commandant chef d’état-major de division, d’administration, de cadre organisé, de campement, de corps, de division, de logement, de mulets, de palais, capitaine de place, lieutenant de place, de semaine au camp, d’hôpitaux, d’infanterie, en campagne, général chef de bataillon, général-colonel, général français, général lieutenant-colonel, lieutenant, major, capitaine d’habillement, major de garde royale, major de ligne, major de semaine, major de semaine en campagne, major de semaine en garnison, major d’infanterie, sous-officier, supérieur.
[2] En 2009, le corps des majors qui ne comportait qu’un grade a été supprimé et les majors ont intégrés le corps des sous-officiers.
[3] Armes à pied, dites « armes jaunes » : Transmissions, Génie, Gendarmerie mobile, Garde républicaine, ALAT, Artillerie, Infanterie, …
[4] Armes à cheval, dites « armes blanches » : arme Blindée et Cavalerie, Gendarmerie départementale, Matériel, Commissariat, Train, …
[5] Armes à cheval, dites « armes blanches » : arme blindée et Cavalerie, Gendarmerie départementale, Matériel, Commissariat, Train…
[6] En 1809, Napoléon créa des régiments de tirailleurs-grenadiers, tirailleurs-chasseurs, conscrits-grenadiers et conscrits chasseurs. Les uns étaient administrés par les Grenadiers à pied, les autres par les Chasseurs
à pied. Composés de conscrits et de volontaires ayant reçu de l’éducation, ils devaient renforcer la Garde. Tous ces corps furent bientôt connus sous l’appellation de Jeune Garde.
[7] Major à la suite, actuel, au camp, de bandes, de cavalerie, de corps, de gardes françaises, de place, de quartier général, de recrutement, de régiment, d’Infanterie, du Génie, en campagne, en pied, en route, général, général de la garde, général de l’artillerie, général des dragons, général des logis, général d’infanterie, chef de bataillon, capitaine, colonel, de brigade, en second, lieutenant-colonel.
[8] Major général des armées, major général de l’armée de Terre, major général de l’armée de l’Air, major général de la Marine, major général de la Gendarmerie nationale ; ceux-ci sont respectivement subordonnés au chef d’état-major des armées, au chef d’état-major de l’armée de Terre, au chef d’état-major de l’armée de l’Air, au chef d’état-major de la Marine et au directeur général de la Gendarmerie nationale.
[9] Jusqu’en 1972, il n’existait pas de statut général des militaires, mais des règles applicables soit aux officiers, soit aux sous-officiers, soit aux militaires du rang ou encore spécifiques à telle arme ou service. Un premier statut général des militaires a été établi par la loi no 72-662 du 13 juillet 1972. Ce texte a ensuite été remplacé par la loi no 2005-270 du 24 mars 2005 qui a rénové ce statut général des militaires. Le statut général des militaires est désormais codifié au livre Ier de la quatrième partie du code de la Défense.
[10] Décret no 75-1211 du 22-12-1975 – portant statuts particuliers des corps de sous-officiers de carrière de l’armée de Terre.
[11] Au 1er janvier de l’année de leur nomination.