
Pourquoi se retrouve t-on un jour au peloton d’élèves gradés ? Peu de légionnaires demande à y participer et c’est l’encadrement qui, connaissant bien les hommes, détecte des prédispositions chez un tel ou un tel. Il ne manque pas de le noter dans le livret de service du futur “ volontaire ”. Bien entendu le comportement et la manière de servir sont les clefs du choix opéré par le service du personnel à AUBAGNE lequel fait le nécessaire pour qu’un beau jour le commandant de compagnie vous convoque pour vous annoncer que vous venez de décrocher un séjour gratuit à la Compagnie d’ Instruction des Cadres et Spécialistes (CICS) du 1er RE située au lieu dit La MINOTERIE à CORTÉ (Corse)
Le légionnaire lorsqu’il a trouvé sa place au milieu de ses camarades de section ne demande qu’une chose : Y rester et que l’on y oublie! Pourquoi aller chercher des complications ? De plus, il a forcement entendu parler de ce fameux peloton d’élèves gradés avec toutes les légendes qui s’y attachent, notamment en matière de discipline et de contraintes physiques éprouvantes !
D’un autre côté la solde commence à se démarquer nettement de celle du légionnaire de 1ère ou 2ème classe. Possibilités pécuniaires qui permettent d’envisager quelques projets, pour ceux qui comptent n’effectuer qu’un contrat court (5ans).
Et puis il y a celui qu’un camarade déjà caporal et en instance de départ pour le peloton de sous officier arrive à convaincre de se porter volontaire en soulignant l’aspect, non négligeable, d’une solidarité active durant toute la durée de ce peloton.
Toutefois pour accéder au peloton il devra signer un nouveau contrat de 6 mois car pour des raisons un tantinet obscures, propres à la gestion administrative, on lui apprend qu’il ne lui reste pas assez de temps ! Il se demande après coup s’il ne s’est pas fait avoir, d’autant plus qu’il apprend que la durée de ce peloton est ramené à 2 mois (au lieu de quatre) pour le spécialiste du Génie qu’il est ! Bon 6 mois c’est pas la mer à boire, signons là !
Départ de MARSEILLE en direction de BASTIA par bateau. Puis trajet en GMC jusqu’à CORTÉ où les candidats arrivent en début de soirée à la Compagnie d’Instruction des Cadres et Spécialistes (CICS). Débarquement et appel devant la baraque FILLOD devant accueillir les nouveaux élèves gradés. Fin d’appel et me voilà tout seul avec mon paquetage. Le sous officier (vraisemblablement le sous officier de permanence) me demande ce que je fais ici (je ne lui dit pas que je viens de tomber de la lune car dans ce genre d’endroit l’humour on ne connaît pas !). Bref il me dit que, ne figurant pas sur sa liste, il ne me prend pas en compte et que je n’ai qu’à me dém…. pour trouver un lit pour la nuit, la question de ma présence ne devant se régler que le lendemain ! Reçu 5 sur 5 chef ! Un vague pressentiment me dit que je dois m’éloigner pour chercher un asile….de nuit
Je traverse la place d’armes et aperçois un légionnaire qui sort d’une baraque pour aller satisfaire un besoin naturel. Je l’interpelle et lui demande si dans la chambrée il y a un lit disponible. Réponse affirmative ! Il s’agit de la baraque des élèves gradés mécaniciens et de nombreux lits sont vides. Je pose mes sacs, fais mon lit avec les deux couvertures réglementaires et sort pour aller satisfaire un besoin. J’aperçois alors mes compagnons de voyage qui entament, avec leur paquetage (sacs à dos et marin), la primeur de ce que l’on appelle “la prise en mains” du peloton. Une marche qui les conduit à PK7 (poste kilométrique n°7 – dépôt de munition). Mise en jambes de 14 bornes avant d’aller faire dodo. Les listes incomplètes ont parfois du bon!
Le lendemain matin je quitte mon asile de nuit et guette le rassemblement du nouveau peloton car je suis persuadé que le sous officier s’est planté ou qu’il n’avait pas tous les éléments en mains. J’aperçois un lieutenant, dont j’apprendrai un peu plus tard qu’il se nomme BRETON, qui s’active auprès de la baraque FILLOD du peloton et je me dirige vers lui. Présentation réglementaire. Il consulte sa liste de candidats et me dit que j’ai été ajouté en dernière minute et que je suis effectivement affecté à son peloton. Cet assaut d’amabilités terminé, mon chef m’enjoint de me trouver un lit et une armoire dans la baraque et de suivre les consignes des caporaux d’encadrement. L’intérieur de la chambrée ressemble à une ruche bourdonnante. Tous s’activent à ranger leur paquetage, à coudre les étiquettes (portant votre matricule) sur les isolateurs, couvertures et matelas. Mes camarades de fortune, levés bien avant moi ce matin là, ont déjà lavé la chambre à grande eau et certains commencent à tracer à la peinture blanche deux lignes parallèles séparant une allée centrale. Il est bien entendu fortement déconseillé de marcher dessus! Si toutefois par mégarde cela arrive il est bon d’avoir en sa possession un tube de « Képi Blanc », dont le contenu sert à l’origine à blanchir les chaussures de toile et pour les légionnaires les couvre képis !
L’armoire métallique contient le paquetage plié au carré. Pour ce qui concerne le matériel de « camping » en aluminium, il est disposé de manière spéciale et on nous averti qu’il doit être toujours « nickel », ce qui pour du matériel en aluminium est loin d’être facile. Comme j’avais pris un certain nombre de renseignements, avant de m’engager dans l’aventure, je dispose d’un double complet de tous les ustensiles (gamelle double, fourchette, cuillère et quart) ce qui m’évitera beaucoup de tracasseries ! Enfin comme à l’instruction à BONIFACIO, une « télévision » (appellation d’origine Légion contrôlée) trône sur le sommet de l’armoire ! Cette « télévision » est constituée d’un petit quadrilatère recouvert d’une serviette blanche sur laquelle reposent dans deux angles les épaulettes vertes et rouges sur lesquelles trône le képi blanc !La ceinture bleue entoure le quadrilatère dans sa largeur. Effet garanti ! Une penderie mitoyenne sépare chaque armoire.
Pour fabriquer le quadrilatère le matériau importe peu. J’arriverai à me procurer ce qu’il faut en furetant dans le quartier. D’autres plus malins trouveront le nécessaire dans le chantier d’extension du bâtiment de commandement de la compagnie. Ainsi les encadrements des futures fenêtres ne seront pas employés à ce dont ils étaient destinés. Bien entendu cela fera du pétard et le capitaine COLCOMB, commandant alors de la CICS (aujourd’hui général 2S) découvrira et sanctionnera les démerdards! Sans doute que le chef de peloton a morflé au passage puisque nous voilà partis pour PK 7 le soir même avec le sac à dos garni.
L’encadrement demeure au quartier de la MINOTERIE et le caporal de jour (élève caporal) emmène le groupe. Arrivés au dépôt de munition, sitôt les coordonnées et la signature du chef de poste apposée sur un papier retour à la chambrée. J’avoue que pendant mon peloton je ne me souviens pas une seule fois m’être endormi! Je sais ce que veut dire “tombé comme une masse”
Le sous-officier adjoint, un sergent chef, au français teinté d’un solide accent germanique, est chargé de la partie théorique. Suivre un cours d’armement alors que les exercices physiques vous ont lessivé tient d’une bonne performance. Être obligé en plus de décrypter le cours tient d’une performance exceptionnelle.
Souvent l’auditeur pique du nez ! Une baffe le tire brutalement de sa léthargie et pour finir de le réveiller il part faire le tour de la place d’armes au pas de gymnastique. Il revient un peu plus fatigué en ayant manqué une partie du cours. De toute façon cela n’a pas grande importance puisqu’il dormait ! C’est une sensation délicieuse de dormir pendant le cours. Vous plongez et brutalement vous vous réveillez ayant conscience de quelque chose. Votre absence n’a durée que quelques secondes mais vous avez l’impression d’avoir dormi une heure ! J’aurai énormément de chance et ne me ferai jamais…baffer !
Les déplacements à l’intérieur du quartier ne s’effectuent qu’au pas cadencé et bien entendu en chantant ou au pas de gymnastique. Toutefois une fois par semaine nous sommes de corvées de compagnie. C’est le seul moment de détente ou les gradés sont omniprésents.
Pour laver votre linge il y a la buanderie (mais pas de machine !) et il faut prendre sur son temps libre (en soirée avant l’extinction des feux, entre midi et le rassemblement de 13h30 ou le dimanche). Il faut demeurer à proximité du lieu de séchage afin de retrouver ses affaires (à la Légion il n’y a pas de voleurs mais des nécessiteux !).
Les repas sont avalés rapidement et c’est tout juste si nous avons le temps d’en “ griller une ”Le sport tient une place importante dans notre vie et le footing réglementaire s’effectue en rangers (grosses chaussures montante) et nous connaissons par cœur le parcours du combattant.
Après deux années passées sur les atolls du Pacifique et à PAPEETE sans aucun exercice d’ordre serré ni sport on peut sans peine imaginer le changement ! Les marches TAP (troupes aéroportées – courir et marcher alternativement) sont au programme. Arme et sac (bien rempli) casque lourd sur la tête nous effectuons nos 15 kilomètres régulièrement. Y a pas à dire la mise en jambe c’est super ! Nous sommes bien entendu chronométrés. Les paras du 2ème REP sont les meilleurs…au début de peloton. Puis le temps passant, la forme physique revenant pour moi et la fatigue s’installant pour d’autres, mes performances s’améliorent et celles des paras diminuent. Toutefois ils resteront toujours en tête. Chacun son boulot le mien étant de conduire des engins de travaux publics le leur de crapahuter!
La prise en main va durer un certain temps et tous les prétextes sont bons pour vous casser le moral et justifier quelques exercices physiques. Je me souviens d’une soirée particulièrement gratinée pour ce qui concerne le prétexte à nous empêcher de nous mettre au lit. L’adjoint passe la revue de chambre. Cela ne va pas. Il repassera dans une heure. Nous refaisons les poussières peaufinons le carré des paquetages, des lits, des « télévisions. Nouvelle inspection. Coup de gueule, menaces et rebelote. La fatigue accumulée pendant la journée aidant nous voilà allonger tout habillés sur nos lits. Les deux caporaux sont dans leurs carrées et roupillent ferme ! Une heure plus tard le chef nous trouve impeccablement alignés au ras de la ligne blanche. Il est près d’une heure du matin et il consent à nous dire pourquoi la revue n’est pas acceptable. Figurerez vous que quelques vêtements suspendus dans une penderie sont tournés dans le mauvais sens. Tous doivent être orientés dans la même direction comme des musulmans priant vers la Mecque !
J’ai gardé un excellent souvenir de cela car depuis je pends toujours mes vêtements dans le même sens ! Les revues de chambre sont un peu une hantise car nous avons entendu parler de certains fantaisies comme celle consistant à déménager la chambrée (lits et armoires et paquetages) et à remonter celle-ci en dans un champ en plein air de l’autre côté de la place d’arme après avoir franchi le TAVIGNANO (torrent qui traverse CORTÉ). Une légende ? Pas sûr !
Sans conteste le plus malheureux est bien l’élève caporal de jour qui galope partout doit encadrer ses camarades et faire l’état d’armes le soir pendant que les autres ronflent (enfin quand cela arrive de manière normale). Cet état est un vrai casse tête car il faut le présenter sans ratures avec des traits bien droits sinon c’est une foule d’emmerdements qui se profile à l’horizon. En observant mes camarades de jour j’ai bien saisi le tout et je me fais le plus discret possible. Si discret que j’échapperai à la fonction journalière au grand dam du lieutenant !
Il aura tout de même son heure de gloire car n’arrivant pas à me coincer sur les questions de service pour m’envoyer à PK7, il me sort le grand jeu. Nous sommes au champ de tir. Je viens de lâcher mon chargeur de 49/56 sur ma cible. Le lieutenant m’appelle et me demande de lui présenter mon arme. Je fais cela de manière réglementaire. Il examine la chambre du fusil et me déclare sans aucune trace d’humour que celle-ci est sale. Je lui signale que je viens de tirer, ce dont il n’a rien à faire puisqu’il me donne un ticket pour PK 7 pour le soir même (J’ouvre une parenthèse car je me souviens d’une revue d’armes passée en gants blancs par mon chef de section, au Groupement d’Instruction de la LE de BONIFACIO, avec le résultat couru d’avance pour ce qui concerne la pérennité de la blancheur des gants et la participation de la section à une marche de nuit.)
Connaissant les articles 1 et 2 du règlement (1 -le chef a toujours raison et 2-quand il a tord l’article 1 entre en vigueur)) je présente les armes et rejoins mes camarades dont quelques uns sont, comme moi, du voyage au dépôt de munition où il est formellement interdit de fumer et on peut aisément comprendre pourquoi ! Après le repas du soir je commence à préparer mon sac et j’intercepte une conversation entre les deux caporaux qui, à mon avis de manière intentionnelle, parlent assez fort pour être entendus : “ tu sais nous on était moins cons ! Deux polochons remplissent aussi bien le sac Bergam que le paquetage ! ” Aussi sec je vide le sac et je fourre à l’intérieur deux polochons. Mon sac à des rondeurs à faire pâlir d’envie le sculpteur BOTERO ! Arrive le moment du départ. Ouf Pas de vérification. Nous voilà partis. On entend distinctement des bruits de bouteilles dans un sac. Nous nous taperons une Kronenbourg durant le trajet histoire de garder le moral ! Juste avant de parvenir à PK 7 le lieutenant nous dépasse en voiture. Sa 2 chevaux est parfaitement identifiable. Je me dis que c’est cuit et que la vérification des sacs va s’opérer au poste du dépôt de munitions. Pour moi cela va être le tour de Corse en rampant. Tant pis il faut assumer ses choix ! En fait le lieutenant rentrait chez lui car depuis quelques jours son épouse est venue le rejoindre. Merci madame ! Retour sans encombre quelques heures plus tard au peloton où les chanceux dorment à poings fermés. Je m’écroule sur mon plumard !
Les élèves caporaux sont les premiers levés et les derniers couchés. Les journées sont donc longues et les nuits courtes ! Le matin j’aperçois mon camarade du peloton de sous officier qui sort de sa baraque alors que je suis levé depuis plus d’une heure et déjà en tenu de sport pour le footing attendant l’ouverture du réfectoire pour le petit déjeuner ! ! Nous n’aurons pas souvent l’opportunité de bavarder et je ne le reverrai plus à l’issue de mon peloton. Salut Henri !
Comme c’est la coutume, la CORSE brûle régulièrement. Nous sommes sollicités pour participer à la protection des villages menacés avec des moyens puérils comme des branches feuillues pour éviter les reprises de feux. Nous revenons super crasseux. Le lieutenant apercevra dans ses jumelles un type occupé à mettre le feu. Il regrettera de n’avoir pas eu un fusil à lunette à sa disposition ! En tout cas les corses sont sympathiques lorsque le danger menace puis celui-ci passé ils se rappellent qu’ils n’aiment pas la Légion.
Lorsque nous tirons notamment au fusil mitrailleur ou mitrailleuse légère (AA 52) on introduit un cartouche traçante toutes les cinq cartouches dans la bande afin de pouvoir régler son tir. Bien entendu le magnésium enflamme la végétation autour de la butte de tir et nous devons faire le nécessaire pour arrêter la propagation du feu d’où la présence d’un piquet d’incendie. Un coup de manivelle avec le téléphone de campagne et l’équipe abritée dans la tranchée de tir sort pour faire le nécessaire. Bien entendu le déplacement jusqu’au champ de tir s’effectue à pieds !
A quelques kilomètres du quartier nous trouvons notre terrain de manœuvre. Il y a une colline dont la pente doit être d’environ 40%. Nous voilà partis à la grimper et malgré le mois d’octobre la chaleur est présente. Nous sommes presque parvenus au sommet lorsque le sous-officier adjoint nous fait stopper pour nous montrer l’usage d’une grenade à fusil éclairante. La grenade monte et explose libérant la fusée au magnésium qui descend au bout de son parachute. Se tournant vers moi il m’enjoint de suivre sa trajectoire des yeux et surtout d’arriver avant qu’elle ne touche le sol. Me voilà dévalant la pente que j’ai eu tant de peine à gravir. J’arrive au pied de la colline quelques secondes après la fusée qui touchant le sol a enflammé l’herbe sèche. J’éteins les flammes avec mes pieds en dansant comme un fou furieux, puis je me retape l’ascension de la colline. Bon dernier, évidemment, m’échoit la charge de couvrir avec mon MAS 36/51(modifié lance grenade), la progression de la section.
Le sous-officier me donne la consigne suivante : ‘ouverture du feu à ton initiative’. Mes camarades progressent dans la plaine lorsqu’ils sont pris à partie par le plastron (groupe qui représente la partie adverse) qui les allume au pistolet mitrailleur. Je vise avec l’alidade et expédie ma grenade anti- personnel (d’exercice) vers le plastron. Après une belle trajectoire courbe elle atterrit au milieu de mon groupe ! Évidemment je ramasse un solide coup de pompe dans le train lorsque je rejoins. C’est pourtant pas sorcier mais encore aurait il fallut que l’on m’explique avec plus de patience le fonctionnement de la visée avec l’alidade et surtout le réglage de la distance par la bague mobile destinée à cet effet ! Bref la seule fois où je serai performant avec le lance grenade sera lors du combat anti- char. La grenade de 73mm tirée avec le fusil à la hanche arrivera dans le char mais moi, avec le recul du départ, je ferai un vol plané dans la tranchée ! Mais seul le résultat compte non !
Bien entendu notre baraque doit être toujours nickel. Aussi comme au bon vieux temps de l’instruction nous briquons le sol, refaisons régulièrement la ligne blanche ainsi que les poussières. Tout doit propre et au carré ! Normal après ce sera sans doute à nous de veiller à tout cela une fois rejoint, pour ce qui me concerne, ma nouvelle affectation avec mes galons de caporal !
Suite à un gros problème d’infection dans une main je suis gardé en observation durant quatre jours à l’infirmerie du quartier GROSSETTI de CORTÉ. J’ai déjà perdu une phalange de mon index droit à l’instruction à BONIFACIO dans des circonstances identiques (épine et mal blanc) aussi me suis-je fait porter pâle !
Mon voisin de lit est un disciplinaire affecté à la section d’épreuve du domaine St JEAN située à quelques kilomètres de la Minoterie. Cette section remplace les compagnies disciplinaires qui existaient en Indochine et en Algérie. La légion quand elle le peut, lave son linge sale en famille. Un type étonnant qui ne fuit pas ses responsabilités quand à sa présence au domaine St JEAN. Pour lui les types qui sont là bas ont tout fait pour y arriver et la plupart sont peu recommandables. Lui s’était essayé au pugilat avec son commandant de compagnie sans y être invité ! Déraisonnable! Surtout qu’il avait déjà quelques casseroles au derrière. Il en avait pris pour 6 mois et son temps arrivait à échéance. Nous partageâmes mon paquet de cigarettes. Il était décidé à ne pas remettre cela.
Faire tourner la colline lui avait apparemment apporté de longs moments de réflexion sur le chapitre de la discipline et du comportement. Vous voulez savoir ce que veut dire faire tourner la colline, Simple. On construit une colline avec de la terre et des gravats. La hauteur de celle-ci est d’environ 5 mètres. Je ne sais pas combien cela représente de mètres cubes de terre. Les disciplinaires la transportent d’un point à un autre avec des demi fûts de 100 litres. Les sapeurs font aussi cela mais avec un tracteur chargeur !
Au mois de décembre nous faisons le premier contrôle (et le dernier pour ce qui me concerne) des connaissances acquises. Je suis honorablement noté ! Arrive le moment du départ pour les spécialistes du peloton. Je passe devant le lieutenant qui s’aperçoit que je n’ai jamais été caporal de jour. Il me demande comment cela est possible ? Je lui avoue mon ignorance en matière de désignation et surtout je ne lui dis pas que je n’avais aucune raison valable d’aller ajouter d’autres problèmes à ceux que je devais surmonter chaque jour. Ma notation appelée aussi “cote d’amour” précisera que je suis incapable de diriger un groupe ! Sans doute mais lui était incapable de conduire et travailler avec un bulldozer, une pelle mécanique ou un tracteur chargeur ! Il n’est besoin que d’observer pour reproduire et surtout éviter ce que l’on juge superfétatoire !
Retour à la Compagnie Administrative des Personnels de la Légion (CAPLE) à AUBAGNE. Je passe devant l’adjudant de compagnie et lui demande si je peux partir en permission avec les jours restants de mon congé de campagne. Pas de problème me répond il mais avant tu monteras 24h de garde à VIENOT comme cela la prochaine fois tu éviteras de la ramener ! A mon retour de permission je passe le rapport du capitaine commandant la CAPLE. Il me félicite pour mon succès au peloton et il me tend mes galons de caporal en me précisant : “ Je te les prête ! Tu as eu du mal à les gagner et tu peux les perdre facilement ! Donc fais gaffe ! ”. Message reçu 5 sur 5 fort et clair ! Mon affectation ne me surprend pas. Je suis affecté à la Compagnie de Pionniers du 1er Étranger au sein du 61ème bataillon mixte Génie Légion à CANJUERS, un bled perdu au dessus de DRAGUIGNAN. C’est vrai que l’on voyage à la Légion !
Curieusement l’insigne de la compagnie de pionniers (CPLE) est demeuré fixé au dessus de la porte d’entrée du bâtiment de commandement jusqu’à mon départ en avril 1973 alors que depuis le 1er janvier 1971 la compagnie de Travaux Légion avait pris sa place.
Les deux mois passés à CORTÉ m’ont apporté un « pêche » d’enfer ! Certains de mes camarades qui étaient avec moi à la Compagnie d’Équipement du 5ème RMP auront un peu de mal à comprendre ce qui a pu produire ce changement. Le sport sans doute !
Jean Pierre ROBERT