Il peut paraître indécent, voire “malaisé” de s’inviter à ses propres funérailles, cette comédie est a priori effrayante, mais il n’y a rien de telle pour distinguer ce qui compte vraiment dans notre existence.
Quand arrivés en bout de course, nous jetons un coup d’œil au dessus de notre épaule pour contempler d’un œil morose le film de notre vie et la manière que nous l’avons gérée… Alors le constat est sans appel, nous aurions voulu nous adonner plus souvent à nos passions et consacrer moins de temps à nous tracasser pour des passages contrariants qui ne paraissent plus importants aujourd’hui…
Le résultat ne se fait jamais attendre, c’est un électrochoc qui sera un excellent conducteur guidé par l’aiguillon d’une symphonie qui suit un chemin nostalgique qui pouvait se dérouler tout autrement, mais sommes nous réellement maitre de notre destin ?
Ces funérailles voulues en forme de jeu de rôle, m’entraînent dans la ville de mon enfance dans un quartier que je connais très bien, où tous les talus et les recoins me sont familiers et ne changent pas d’un iota.
Ce coin du monde a un visage, une âme, une humeur vagabonde.
Quand j’arrive ici, plus que dans les ailleurs que j’ai fréquenté de par le monde, je me sens encore chez moi. Alors, j’enfile la peau du petit garçon que j’étais, je me précipite, à droite, à gauche, je m’arrête, je respire, rite incontournable et je m’en vais admirer la mer, rituel quasi religieux pour une mise en une ambiance rafraîchissante à souhait.
J’ai mes habitudes, mon banc gris, ancré face à la mer, celui sur lequel personne ne vient jamais s’asseoir. Cet endroit insignifiant est pour moi le centre du monde comme devait être la gare de Perpignan pour Salvador Dali. C’est ici que je peux me fondre en symbiose avec le paysage, c’est ici que je me sens seul face à l’immensité d’une des plus belles plages des eaux de la terre.
Des brassées de vent et de fines gouttelettes d’eau éclaboussent mon visage et nettoient ma tête des pensées les plus incrustées de ma mémoire vivante. J’ai toujours cru que Dieu, lui-même, devait se balader dans le coin.
Méditation oblige, décor grandiose aux couleurs marquées d’une gamme originale de gris qui se confond aux verts les plus insolents, accouplement harmonieux qui affiche un lavis opaque protégé d’un soleil qui paraitrait inopportun au pays des lumières sombres.
Endroit mythique où il m’est possible de mettre fin à un flot incessant d’idées, à ces ombres puantes qu’un assaut de jugements impose à l’image comme un trop plein de certitudes, capacité de perceptions soumises aux préjugés d’une civilisation égoïste qui offre un hébergement salutaire à une société marchande où tout est ruse et la loyauté combine.
J’applique une méthode inédite, celle de fixer mes pensées grâce à un cérémonial de marches et de contemplations, j’apprivoise l’air iodé, je mets un filtre à tout ce qui est préconçu, je m’offre le pouvoir de changer mon rapport avec le monde qui m’entoure, loin des artifices.
Je sais qu’un jour je m’arrêterais définitivement quelque part, n’importe où, ce jour là, je viendrais hanter cet endroit où je prendrais la forme d’un tourbillon de sable qui viendra s’écraser sur le visage d’un promeneur solitaire et lui mettre en tête qu’il est grand temps de prendre conscience de profiter de l’instant éphémère qui lui reste à vivre avant de faire le grand saut pour un ailleurs encore inconnu.
Commandant (er) Christian Morisot