Etymologiquement, le mot lieutenant composé des mots " lieu " et " tenant " et visiblement dérivé du latin locum tenens c’est à dire " remplaçant "

A son origine, il a signifié, d'une manière générale, tenant lieu ou second dans la gestion d'un office. Il n'a pas d'autre sens dans le traité de Philippe de Clèves ; il n'était encore qu'un terme sans spécialité, et n'avait pas pris ce sens propre et absolu par lequel il donne l'idée d'un officier qui seconde le capitaine. C’est ainsi, qu’un commissaire des guerres[1], un chef d'escadre d'infanterie avaient un Lieutenant. Le vicaire d'un comte, un anspessade étaient Lieutenants, c'est-à-dire seconds ou prévôts. Montluc avait un Lieutenant qui était capitaine et qui commandait sous ses ordres deux compagnies.

Le sens a ensuite changé et notre langue a rendu technique le mot Lieutenant, qui autrefois serait passé pour incomplet si l'on n'eût dit : Lieutenant de qui ?

officier infanterie 1870

Lieutenant d’infanterie 1870 ©arméehistoire.fr

L'expression Lieutenant, appliquée dans le sens d'officier en second, abstraction faite du grade, répond à ce que les romains appelaient legatus. Le légat d'un consul romain était le Lieutenant d'un général, etc [2].

Au Moyen Âge, un prévôt, un bailli d'épée étaient le Lieutenant d'un banneret, d'un seigneur fieffé[3]. Le seigneur de Praissac en 1633, a méthodiquement détaillé toutes les variantes du lieutenant dans le dictionnaire de la conversation en en distinguant quatre-vingt-dix rien que pour les troupes exclusivement composées de français.

Nous n’en regarderons que quelques-unes permettant de se rendre-compte de leur diversité :

  • Lieutenant aux montres, ou lieutenant aux monstres.

Délégué ou de représentant qui était chargé jadis par le connétable ou par un maréchal de France de faire la revue des compagnies d'ordonnance[4], etc. Au quatorzième siècle on nomme ainsi, les officiers d'administration militaire. Il y avait vingt-deux de ces lieutenants[5]

Les commissaires des guerres, les inspecteurs aux revues, les officiers d'intendance ont successivement hérité des fonctions des lieutenants aux montres.

  • Lieutenant-colonel d'infanterie française de ligne.

sorte de lieutenant, c'est-à-dire d'officier supérieur, dont le titre, ici caractérisé avec précision, rappelle un grade autrefois mal déterminé et exercé, soit par de simples officiers, soit par des officiers généraux. Leurs emplois, leurs attributions dans l'armée française ont été fort différents suivant les époques, mais nous en reparleront plus en détail dans l’article qui lui sera consacré.

  • Lieutenant d’armement ou lieutenant de détails, ou officier d’armement

Sorte de lieutenant d’infanterie française de ligne considéré dans une fonction administrative spéciale. Le décret de 1808 (18 février) attachait le lieutenant d'armement a la compagnie de dépôt ; le règlement de 1806 (10 février) laissait sa nomination au choix du capitaine d’habillement ; il le chargeait, sous les ordres de ce capitaine, de décider à quel compte devaient être mises les réparations d'armes. Au besoin le Lieutenant d'armement a comme adjoints des sous-lieutenants d'armement. Le Lieutenant d'armement se faisait présenter par le maître armurier les armes réparées, s'assurait de la validité des réparations, constatait que les outils utilisés n’avaient pas altérés les marques d’identification, et visait ensuite le bon dressé à cet égard, etc.

  • Lieutenant de roi.

Lieutenant dont les fonctions étaient très importantes au début tout au moins, considéré comme connétable, général d’armée, gouverneur etc. Cet emploi a été supprimé en 1791 avant d’être rétabli.

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Le lieutenant Selchauhansen au 1er Etranger

Si nous regardons une fonction la plus proche de celle d’aujourd’hui, en l’occurrence celle du lieutenant d'infanterie française de ligne, ils apparurent pour la première fois dans les bandes[6] de Louis XII en tant que subordonnés immédiats du capitaine.  Par la suite leur rôle s’étoffa et on les retrouve dans les légions de François Ier. La bascule entre la fonction et le grade se fait en 1444. Dans le rôle de 1545 sur le ban et l’arrière-ban, ont établi clairement la hiérarchie et les lieutenants viennent en troisième position derrière le lieutenant-général et les capitaines. Leur solde par mois était de 50 tournois[7] (Par comparaison un sergent de bande en touchait 15, un homme d’armes 20 et un archer 10).

Licenciés puis rétablis à plusieurs reprises auparavant, en 1748, les lieutenants et l’emploi qu’ils exerçaient devint celui des capitaines en second mais cela fut de courte durée. Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle on ne trouve plus qu’un lieutenant par compagnie.

Tout d’abord officiers au choix du capitaine, sous Louis XIV cette nomination était une prérogative royale en puisant dans le vivier des enseignes, des sous-lieutenants et des sous-aides-majors.

En manœuvre et en ordre de bataille l’instruction de 1711 stipule que c’est un officier serre-file placé derrière le centre de la compagnie. En cas de séparation de la compagnie il prend le commandement de la deuxième section.

Pour ce qui est de leur pension de retraite en 1829[8], elle est fixée à 1 200 francs au maximum et 800 francs au minimum (un ouvrier de cette époque avait un salaire annuel moyen de 734 francs). Sa solde d’active s’élevait à 1 400 francs.

À la veille de la guerre de 1870, près des deux tiers des officiers sortent du rang. On est revenu à la situation du Premier Empire, mais la défaite de 1870 et l’avènement de la troisième République remettent au premier plan l’armée citoyenne. Quatre grandes lois sur le recrutement dans les armées jalonnent la période 1870-1914. Ce sont celles de 1872, 1889, 1905 et 1913. Elles modifient le recrutement des officiers qui devient de plus en plus démocratique. L’armée s’ouvre à tous.  L’élite des officiers se recrute au nom de l’égalité des concours nationaux qui mettent en avant le mérite et les connaissances.

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Lieutenant 69e RI – 1914 ©forumpages 14-18

Pour les soldats de métier, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, les conditions économiques ne sont pas très favorables. A partir de 1890, un barème de soldes est imposé, qui vient mettre un terme aux inégalités qui existaient jusqu’alors. Les jeunes officiers ont des origines sociales très diverses contrairement à ce que l’on voit dans les armées britanniques ou allemandes. Les différents régimes politiques en place en France depuis le début du XIXe siècle ont su ouvrir la condition d’officier à des catégories plus larges. De fait on trouve de nombreux élèves officiers admis à Saint-Cyr ou à Polytechnique comme « boursiers avec trousseau complet », ce qui correspond à une prise en charge par l’État de leur scolarité.

De nos jours, Lieutenant est un grade militaire d'officier subalterne.

En France, le grade de lieutenant correspond au deuxième grade des officiers subalternes, entre celui de sous-lieutenant et celui de capitaine. Son insigne est composé de deux galons. Dans la Marine nationale, il correspond au grade d'enseigne de vaisseau de 1re classe.

Habituellement chef de section ou de peloton on le retrouve également dans toutes les spécialités du corps militaire à différents niveaux de responsabilité.

lieutenant 1er Chasseur dAfrique 1870

Lieutenant au 1er chasseur d’Afrique – 1870 ©antan.unblog

Les grades ayant une filiation avec celui de lieutenant

Aspirant

L’aspirant à l’origine est un sous-officier qui aspire à entrer dans le corps des officiers. Il semble être apparu au XVIIIe siècle pour les candidats aux écoles d’artillerie. Officialisé en 1910 pour les élèves-officiers des écoles de sous-officiers ou ceux des grandes écoles ayant accompli leur première année, le grade est supprimé en 1919. Il est rétabli en 1934 pour les réservistes mais il s’agit d’un emploi dans le grade de sergent-chef puis un grade au-dessus de lui (1935) et enfin supérieur à l’adjudant-chef (1936).

En 1938, est créé le grade d’aspirant d’active qui est toujours un sous-officier supérieur. Enfin, en 1973, un texte indique qu’il est soumis aux dispositions applicables aux officiers.

Enseigne

Ce grade disparaît en 1762 au profit du sous-lieutenant.

Sous-lieutenant

Terme dont on ignore l’origine, dont l’appellation apparaît ou disparaît au fil des années, sans qu’on puisse préciser sa date de naissance ; il est mentionné dans une ordonnance royale sur les Gardes françaises en date du 26 janvier 1655. Il faut attendre 1671 pour qu’une ordonnance attache un sous-lieutenant comme chef de section dans chaque compagnie d’infanterie.

 

Major (er) Jean-Michel HOUSSIN

Sources :

[1] Dans les armées françaises, le terme de commissaire des guerres désignait, sous l'Ancien Régime, la période révolutionnaire et le Premier Empire, des militaires et des fonctionnaires chargés des tâches d'administration, de comptabilité, d'intendance et de logistique militaires. La création de cette fonction fut le fait de Jean le Bon, le 30 avril 1351.

[2] Le corniculaire était le lieutenant d'un tribun, l'ourague était le lieutenant du décurion. Dans la milice byzantine, le hupostratègue était le lieutenant du huperstrategue.

[3] Seigneur qui possédait un fief.

[4] Les compagnies d'ordonnance étaient les premières unités militaires permanentes (et donc professionnelles) à disposition du roi de France.

[5] Vingt pour les troupes royales, un pour les gens du connétable, un pour les gens du grand maitre des arbalétriers.

[6] En avril 1507 de nouvelles bandes françaises, formées par Louis XII, pendant le siège de Gènes, composent le fond des armées d'Italie jusqu'à la paix de 1559. Elles font partie, en France, des premières unités de fantassins permanentes et soldées, copiées sur le modèle des bandes suisses. Elles pouvaient se composer de plusieurs centaines d’hommes.

[7] Monnaie moyenâgeuse qui a connu plusieurs dénominations et valeur. Créée et utilisée à l’abbaye Saint-Martin de Tours elle s’étend dans le royaume en 1203 en remplacement de la livre parisis lors du rattachement de la Touraine à la couronne.

[8] Le 10 octobre 1829