"Mon général,

Rendre hommage à un homme et à un soldat d’exception tels que vous est un immense honneur. Vous, héros modeste et calme, chef courageux et clairvoyant au combat, serviteur fidèle de notre pays et de votre prochain, époux, père, grand-père et arrière-grand-père aimant et attentionné. Vous, tout simplement guidé chaque jour par l’humilité, la reine des vertus qui a façonné votre vie sur terre pour en livrer un témoignage exemplaire.

Vous n’avez pas 19 ans lorsque vous débutez votre carrière militaire en 1947 au Centre de perfectionnement de l’infanterie de l’Ecole militaire d’Autun pour y suivre votre formation initiale, à l’issue de laquelle vous rejoignez le 13ème Bataillon de chasseurs alpins, « sans peur et sans reproche ». Cette devise, qui fut celle de Bayard, vous forgera un destin de chevalier.

Admis en 1949 à l’Ecole spéciale militaire interarmes, Promotion Garigliano, vous rejoignez le 35ème Régiment d’Infanterie à Belfort, après votre formation de chef de section d’infanterie. Puis vous faites le choix de servir la Légion étrangère qui combat en Indochine. Jeune chef de section à la 2ème compagnie du 2ème Etranger en 1953 et 1954, vous êtes remarqué par votre cran remarquable au combat et votre sens de la manœuvre, à Phong-Hai, à Houbi-Hai et à Ban Cho, ce qui vous vaut l’attribution de la croix de guerre des théâtres d’opérations extérieurs avec étoile de vermeil marquant votre première citation, à l’ordre du corps d’armée.

Toujours au sein du 2ème Etranger, vous confirmez en Algérie vos qualités de chef et de soldat, en commandant au feu les légionnaires qui vous comprennent, vous reconnaissent, vous suivent et vous admirent, car vous les conduisez à la victoire.

7 citations, dont quatre à l’ordre de l’armée, vont orner votre croix de la valeur militaire :

- A Hassi el Mrir en décembre 1956, pour la mise hors de combat d’un groupe rebelle menaçant l’aile droite de votre compagnie ;

- Dans les Monts des Ksours en janvier 1958, pour la neutralisation d’un groupe rebelle, ce qui permet à deux unités amies de reprendre leur progression ;

- Dans la région d’Ain Skrouna en avril 1958, où vous êtes blessé par balle ;

- Dans la région de Stitten, en août 1959, où tout jeune capitaine et chevalier de la Légion d’honneur à titre exceptionnel, vous capturez une bande rebelle ;

- Dans le djebel Bechar en novembre 1959, où héliporté avec votre compagnie et sans attendre l’arrivée des renforts vous réduisez un commando rebelle fanatique et très équipé. Vous réitérez cet exploit quelques mois plus tard dans le djebel Chemarikh, puis au djebel Mzi où pendant treize heures vous mettez hors de combat un ennemi trois fois supérieur en nombre.

- Enfin, en décembre 1960, à Beni Smir, le dernier Camerone de la Légion moderne. Héliporté en début d’après-midi avec une trentaine de légionnaires au milieu du dispositif rebelle, et l’héliportage devant être suspendu du fait de la densité du feu adverse, vous vous accrochez au terrain et repoussez pendant plusieurs heures les assauts répétés de l’adversaire largement supérieur en nombre. Après une lutte acharnée, vous rendant maître de la DZ vous permettez la reprise des héliportages, et dans un terrain chaotique, vous commandez la réduction, au corps à corps de l’ennemi, lui infligeant de très lourdes pertes.

Votre sens tactique et votre bravoure son légendaires au 2ème Etranger, où vous êtes reconnu comme un officier de Légion de très grande classe. Par votre calme, votre dynamisme, votre courage et votre sens redoutable de la manœuvre, vous faites de votre compagnie un remarquable outil de combat. Les légionnaires vous suivent, et leurs nombreux actes d’héroïsme et sacrifices exemplaires forcent l’admiration de toutes les unités engagées à vos côtés.

"Après la guerre d’Algérie, les affectations du temps de paix, toujours à la Légion étrangère, se succèdent : Aubagne, Colomb-Béchar, Strasbourg, Bonifacio. Vos chefs, vos pairs et vos légionnaires retrouvent en vous l’entraineur d’hommes, le véritable combattant et le chef exceptionnel, dans des fonctions pourtant diverses allant de l’instruction à la sécurité sans oublier la solidarité légionnaire. Ce destin de chevalier qui vous anime est reconnu par l’armée de terre qui vous envoie commander de 1972 à 1975 l’Ecole militaire interarmes pour former par votre exemple les jeunes élèves-officiers du recrutement semi-direct.

En 1975 vous partez en Guyane commander le 3ème Régiment étranger d’infanterie où il s’y est installé deux ans plus tôt, et par vos qualités humaines et de commandement, vous réussissez avec tact et ténacité l’ancrage du régiment dans son nouveau milieu.

A l’Inspection de l’infanterie, à l’Ecole d’application de l’infanterie que vous commandez en second, puis comme délégué militaire départemental du Var où vous quittez en 1985 le service des armes comme officier général, vous restez le même : un chef d’exception, élite de votre génération.

Héros modeste et trop souvent méconnu vous n'avez jamais recherché les honneurs. Mais la Légion, qui connait les siens, ne s'y est pas trompée en faisant de vous le Porteur de la main du Capitaine Danjou lors des cérémonies de Camerone en 2016. Et au crépuscule de votre vie, le Président de la République vous a tout récemment élevé à la dignité de Grand-croix de la Légion d’honneur dans la cour d’honneur des Invalides. Aujourd’hui, une section du 2ème Etranger et une section du 13ème BCA viennent à vous, pour votre adieu, pour vous rendre les honneurs.


Mon général, vous fûtes ce soldat d'exception et ce chef charismatique unanimement apprécié des légionnaires que vous avez commandés avec droiture et justice. Vous serez pour les générations futures un magnifique exemple de courage et de modestie, de volonté et d'abnégation.

Au nom de tous les anciens, en présence de votre famille que je salue et de tous vos proches ici réunis, en ma qualité de président de la Fédération des sociétés d’anciens de la Légion étrangère, permettez-moi de vous dire un immense merci et un chaleureux adieu.

Que Saint-Antoine vous accueille parmi ceux qui nous ont quittés au hasard d’un clair matin, et dont les visages vous ont accompagné lorsque vous remontiez solennellement et avec gravité la Voie sacrée menant au monument aux morts de la Légion étrangère !

Soyons et demeurons dignes de vous. Au-delà de l’adieu que nous vous adressons aujourd’hui, ce sera notre façon à nous tous de vous rendre l’hommage que vous méritez.

Général (2S) Jean MAURIN,

Président de la Fédération des Sociétés d’Anciens de la Légion Etrangère.