En fait, avant même que ne soit connus la participation de la Légion étrangère, comprenant la Musique, un détachement du 1er RE accompagné de son drapeau ainsi que celui du 2ème REI, nous, les anciens, nous réfléchissions à nous renseigner sur ces combats et nous mettions un point d’honneur à participer, coûte que coûte à cette commémoration.

Rapidement, l’amicale de Paris a réuni la documentation qui lui manquait grâce à l’adjudant-chef Clément Ragot qui nous la fait parvenir d’Hyères et à monsieur Jean-Michel Lasaygues qui œuvre depuis de longues années à recenser les tombes où reposent des légionnaires tombés aux champs de bataille de par le monde. Nous parvenons en un temps record à rédiger 50 exemplaires présenté en numéro spécial comptant 28 pages de textes, photos, cartes et croquis agrémentée d’un poème d’Alan Seeger, poète américain engagé volontaire tué à la bataille de Belloy-en-Santerre.

Ainsi, Samedi 19 septembre, la veille de la commémoration, tous nous nous retrouvons dans un hôtel en périphérie de Châlons-en-Champagne où après une remise en condition, nous partons en tenue d’amicaliste pour une reconnaissance des itinéraires et des calculs des délais de route pour le lendemain.

Vers 18 heures, nous assistons au concert très apprécié de la Musique de la Légion dans la salle polyvalente de Suippes où l’hôte organisateur, l’Union Musicale de Suippes était particulièrement heureux de pouvoir jouer avec la Légion pour le plus grand plaisir de tous. Nous nous retrouvions à l’hôtel vers 23 heures00.

Le 20 septembre, bien avant l’heure, nous étions tous réunis au monument ossuaire de Navarin à Saint-Marie-à-Py en bordure des terrains de Suippes. A l’appel sont présents le général (2s) Rémy Gausserès, président de la FSALE, le général Jacob, président de l’association « vert et Rouge », le major Hubert Midy, madame Marie Larroumet, le colonel Benoït Guiffray président de l’Amicale des Anciens de la Légion Etrangère de Paris accompagné du général Antonin Gilbert, de monsieur Moinard, conseiller, trésorier et porteur du drapeau de la FSALE, ainsi que de nombreux membres de son amicale. Etaient présents le président de l’amicale de Haute-Marne Tien-you-Song, Alfred Chartier président de l’amicale de Valenciennes, le président de l’ACAMLE de la Marne, monsieur Eldebrando Pelloni, ancien de la 13°DBLE qui participa aux combats du Mont Cassin et de Radicofani et le colonel (er) Brissart, ancien du 2°REI en Algérie et du 3°REI à Madagascar, membre de l’association ASMAC-Navarin organisateur de cette commémoration.

Tous les anciens ont participé avec le plus grand intérêt et émotions aux cérémonies qui se sont succédées à Navarin, au monument ossuaire Henry Farnsworth à l’intérieur du camp de Suippes. Le déjeuner qui suivi ne nous permettait qu’un contact rapide avec nos jeunes en activité de service et c’est l’objet de cette lettre à un jeune légionnaire du 1er Régiment Etranger :

 

« Mon jeune Camarade,

 

Lors de la journée consacrée à la commémoration du centenaire des combats de Champagne, j’ai bien apprécié les quelques moments que nous avons passés ensemble, mais la brièveté de notre rencontre me laisse frustré de ne pas avoir eu le temps d’une conversation plus suivie ; je t’adresse donc cette lettre.

 

Pour continuer notre discussion entamée ce jour-là, je souhaiterais te dire que le mouvement des anciens combattants et des anciens légionnaires est incontestablement un mouvement de masse. Mais qui touche-t-il aujourd’hui dans la nation ? Venir se souvenir ici sur place en pleine campagne, en mémoire des légionnaires et soldats tombés il y a cent ans est pour nous, président fédéral en tête, un devoir.

 

Dans la France métropolitaine, il y a eu un peu moins de huit millions de soldats mobilisés (7 893 000). Près d’un million et demi n’ont pas survécu à la grande Guerre (1 457 340), les uns tués au feu ou morts dans les hôpitaux de la zone des armées, les autres dans les hôpitaux de l’intérieur.

 

Pour moi, la Grande Guerre fut vraiment la lutte de la liberté contre la domination et la brutalité. Elle fut aussi la lutte de la démocratie contre l’impérialisme, lutte des peuples qui sont capables de vivre pour des idées contre ceux qui ne vivaient que pour un souverain au pouvoir absolu. Il y a une morale des nations comme il y a une morale des hommes, la morale qui n’est pas seulement le respect de l’homme, mais le respect de la pensée et du cœur. Nos légionnaires qui reposent en ces lieux ont appris avant de mourir que la mort rend plus sages et meilleurs ceux qui l’approchent. Plus sages parce que le soldat en sa présence se sent nu et désarmé, il cherche à s’élever pour éviter l’abîme meilleurs, car en sa présence, il constate combien est stérile la haine qui sépare les hommes.

 

Vois-tu, mon jeune camarade, notre Fédération est un amalgame d’hommes très différents par la pensée, la condition sociale, les croyances et les idées ; ils ont été forgés dans le creuset de la Légion, comme toi, et se sont dotés d’un esprit nouveau. C’est cet esprit qui est la base de notre Fédération.

 

Nous, anciens légionnaires, nous conservons le droit d’aimer la Légion et de l’exprimer par notre adhésion aux associations qui la représentent. Nous le lui devons bien, pour tout ce que nous en avons reçu.

 

Certains de nos camarades anciens légionnaires restent en dehors de notre mouvement associatif, mais nous avançons avec foi, animés par la volonté de servir encore.

 

En communion de pensée avec vous, nos jeunes, nous nous faisions un devoir de ne pas oublier le sacrifice de ceux qui sont tombés.

 

J’ai le souvenir des propos d’un de mes vénérables anciens qui, comme je le fais aujourd’hui avec toi, m’expliquait qu’il racontait inlassablement l’horreur de la guerre et, cependant, l’évoquait parfois ou la racontait avec une sorte d’attendrissement. Il avait dû trop prendre sur lui-même.

 

Les anciens légionnaires présents à ces cérémonies du souvenir refusent de rayer de leur vie une expérience qu’ils n’ont pourtant pas cherchée, mais qui a compté pour eux et dont ils n’ont pas lieu de rougir. On dit que les morts ne sont réellement morts que lorsqu’ils sortent de la mémoire des vivants, nous ne les oublions pas et nous te passons le relais du souvenir.

 

Heureux de t’avoir rencontré et d’avoir fait en ta compagnie un bout de chemin sur la route de la camaraderie légionnaire.

Amitié légionnaire. »