Nous avons la tristesse de vous faire part du décès du chef de bataillon (er) Peter Kathan, survenu dans la nuit du 13 au 14 décembre 2019 à l’hôpital de Castelnaudary après plusieurs années de souffrances, les forces de cet homme exceptionnel l’ont abandonné. Il a rejoint son épouse Claude partie en 2017.
Officier ayant porté le Képi Blanc "TE", il a été un des artisans de la réussite de l’installation de l’école de la Légion, le RILE puis le 4ème RE à Castelnaudary.
Ses obsèques auront lieu en la collégiale « Saint-Michel » le jeudi 19 décembre 2019 à 10h00.
Lettre du Chef de bataillon Christian Morisot, organisateur de la réunion des Officiers anciens "Képis Blancs":
Mon Cher Peter,
Après cette terrible nouvelle qui annonce ta disparition, je ne souhaite pas, que les propos qui suivent, fassent office d'éloge funèbre, trop d’éléments me manquent tant ton existence a été celle d’un homme hyper-actif qui a vécu sa vie avec passion aux quatre coins du monde. C'est une simple réponse à qui me demanderait: "si je connaissais Peter Kathan:
« Il y a peu de gens qui attirent autant le regard. Il y a peu de gens passionnés capables d’exprimer les raisons de leur manière de croire, de vivre et de communiquer la flamme qui les brûle. Peter était de ceux qui forcent le respect des « grands » et l’estime des « petits ». Il affichait discrètement une influence morale sur tous ceux qui avaient l’honneur et le bonheur de le fréquenter. Il les imprégnait de cette précieuse naïveté de confiance, de cette délicieuse joie de vivre qui est l’attribut des hommes exceptionnels, rares.
Ancien officier ayant porté le « Képi Blanc », j’ai pris la responsabilité volontaire d’organiser chaque 17 janvier, jour de la « Saint-Antoine » la réunion des « TE ». Peter était pour nous un grand frère, j’ai fait en sa compagnie quelques bouts de routes sur le parcours de nos destins légionnaires au cœur même de cette Légion dont nous avions en commun l’amour et la religion.
La première fois que j’ai rencontré Peter, c’était en 1966 à Madagascar, il était sous-officier administratif à la CCAS, au camp « Méhouas » à Diégo Suarez. Jeune caporal, idiotement fougueux, je ne pouvais comprendre qu’un « colosse » de cet encablure puisse être à longueur de journée derrière un bureau. En fait, je n’avais pas compris la passion qui animait ce jeune sous-officier pour l’administration et la participation active au bon fonctionnement de la vie du régiment qu’il servait avec enthousiasme et rigueur. Il faisait du Chef du service administratif de l’époque le plus heureux des hommes qui se félicitait d’employer un tel élément au point de lui demander l’impossible, mot vulgaire qui n’était pas dans le vocabulaire de Peter.
Par la suite, je retrouve Peter à « Képi Blanc » où il était adjudant, patron du secrétariat administratif du journal; c’est là que j’ai compris de quelle efficacité il était capable. Ce très bon camarade, s’entendait particulièrement bien avec un de ses compatriotes autrichiens, l’adjudant Rudolf Burda.
Après plusieurs groupements de formations des Engagés volontaires, je suis affecté à Mururoa où je retrouve Peter à nouveau chef des services administratifs et président des lieutenants. Son amitié avec le Chef de corps le colonel Galtier, époux de la descendante de la reine Pomaré qui possédait une réelle influence sur d’importants établissements hôteliers des îles, nous a valu quelques mémorables « popotes – lieutenants »…
Mais c’est surtout lors de mon retour de Guyane que j’ai assisté à la consécration de cet homme exceptionnel qui s’épanouissait sous le poids des responsabilités. Peter était partout, faisant montre d’un savoir-faire incomparable au point de servir de référence à l’école des commissaires des armées de Montpellier. Peter était de ceux qui font la mythe Légion qui garde en secret la fabrication de tels hommes…
Peter à l'issue de son parcours légionnaire, pendant dix ans, de 1999 à 2009, a été l'infatigable président de l’AFDAIM, de 1999 à 2009 après avoir été membre du conseil d’administration puis trésorier de cette association familiale départementale pour l’Aide aux personnes handicapées mentales. Un vrai bourreau de travail qui a donné son cœur, son âme et son énergie pour cette cause. Peter Kathan ne ménageait pas ses efforts pour faire avancer la cause du handicap mental, n’hésitant pas à aller frapper jusqu’à la porte des ministères pour obtenir des subventions.
Combien d’actions a-t-il impulsées sous sa présidence ? Difficile de les lister toutes. Pour ne citer que quelques-unes d’entre elles, rappelons l’ouverture du foyer de vie de Castelnaudary, fort de 10 places et 4 d’accueil de jour ; celui de Narbonne, 25 et 17 places de jour ; ou encore un autre dans le Minervois avec 10 places plus 3 de jour. Il y a eu le doublement de capacité de la MAS de Pennautiers ou encore la rénovation des appartements protégés dans le Minervois; la création de 9 appartements à Narbonne-plage puis l’achat du site. A Narbonne encore, c’est sous sa présidence qu’a été créé le site pour enfants poly handicapés de Quatourze; l’achat du site des Accacias à Limoux. Il avait également renforcé le siège de l’Afdaim à Carcassonne, redynamisé l’opération brioches...
La maladie, atroce et trop longue mis mon ami dans une situation de naufrage, seul le réconfort d’une foi profonde et incorruptible l’aidait à affronter l’insupportable.
Son supplice s’est achevé, pour terminer mon propos, permettez-moi une anecdote offerte avec émotion par le capitaine en retraite Jean-Luc Bouffet qui rendait fréquemment visite au chevet de Peter: « dans la nuit de son décès, les petites sœurs qui le gardaient en chantant des mélodies religieuses dans la langue de son pays maternelle, ont fait venir sa fille dans la nuit. Au moment précis où celle-ci, dans une ultime prière, demandait à sa mère, décédée en 2017, de recevoir son Père; Peter s’est éteint avec confiance et soulagement pour un ailleurs dans une dimension qui nous est inconnue. »
Aujourd’hui, Peter, c'est avec beaucoup d’humilité et de peine que nous partageons avec ta famille leur douleur et leur deuil.
La communauté légionnaire vient de perdre un des siens, nous avons perdu un camarade, il n'y en avait pas de meilleur.
A Dieu Peter.
Christian Morisot
Obsèques
Eloge funèbre prononcée par le colonel (er) Antoine Ibanez:
Castelnaudary, jeudi 19 décembre 2019
Collégiale Saint-Michel
"Aujourd’hui à Castelnaudary, terre de Légion, la réalité dépasse la légende.
Un légionnaire s’en est allé, auréolé de tous ses bienfaits, ne laissant derrière lui que le souvenir exceptionnel d’un géant de cœur, humble et fraternel.
Sa personnalité généreuse et fidèle a sans cesse rayonné, transmettant sa joie de vivre et de partager.
La force de la foi chrétienne et une volonté farouche d'aller au bout de « la petite piste » l'ont accompagné et aidé dans l'épreuve douloureuse de la maladie.
« La vie plutôt que le courage a abandonné Peter KATHAN »
Il repose désormais en paix, mission accomplie.
Le destin du chef de bataillon Peter KATHAN dont nous honorons aujourd'hui solennellement le terme en cette collégiale Saint-Michel, saint patron des parachutistes, a débuté il y a plus de 80 ans.
C'est essentiellement la vie d'un homme et d'un légionnaire qui n'ont découvert le bon chemin et trouvé leur plein épanouissement que dans l'engagement total au service des autres.
En février 1959, Peter KATHAN décide de s'engager dans la Légion étrangère, une « promesse de l'extraordinaire » en quelque sorte pour ce jeune étudiant autrichien de 19 ans, insouciant et indécis.
Son histoire commune avec la Légion étrangère commence dans les fracas de la guerre d'Algérie.
Le 23 mars 1960, à 20 ans il sert comme radio dans le régiment opérationnel le plus prestigieux, le 1er Régiment étranger de parachutistes.
Malheureusement, ce régiment a mal vécu l'humiliation de la déchirure en Algérie française et paie sa participation au putsch d'Alger en étant dissout le 1er mai 1961.
La fin des opérations et le retour à l'instruction permettent à Peter KATHAN de gagner ses premiers galons.
En février 1963, à 24 ans, il est nommé sergent et troque ainsi le képi blanc pour celui, noir, des sous-officiers.
Le 30 avril 1965, à la fête de Camerone à Aubagne, il fait la connaissance de Claude, une belle jeune fille dont le père, Herbert JACOBI, un vétéran légionnaire des campagne du Rif et de Syrie, est le président de l'amicale des anciens légionnaires de Marseille.
En l'épousant, Peter choisit définitivement la Légion étrangère.
Le 1er mai 1967, il est affecté au 3ème Régiment Etranger d'Infanterie à Madagascar où il va faire un choix déterminant pour sa carrière professionnelle, celui de la spécialité de comptable.
En effet, ce qu'il préfère c'est organiser et améliorer l'ordinaire des autres.
Ce soucis de rendre plus agréables les conditions de vie de ceux qui l'entourent, ajouté à sa légendaire bonne humeur, lui vaut l'estime de tous, et plus particulièrement de ses subordonnés.
Ses chefs l'apprécient également et n'hésitent pas, en 1973, à le nommer sous-lieutenant dans le corps des officiers à titre étranger, statut exceptionnel à la Légion étrangère pour un ancien « képi blanc ».
Peter KATHAN est devenu une référence.
Issu du rang, il conjugue les qualités du légionnaire qu'il est resté et celles de l'officier qu'il est devenu.
En 1973-1975, officier des détails, il participe à la création d'une nouvelle unité autonome, le Détachement de Légion étrangère des Comores.
« Un binôme hors du commun de passionnés d'intendance et de soutien de l'homme dans l'Armée de Terre se forme dans l'archipel des Parfums.
Le commissaire commandant Jacques JUANCHICH et le sous-lieutenant KATHAN font des miracles pour améliorer les conditions de vie du détachement et des familles.
Leur collaboration performante et généreuse durera des décennies, au bénéfice de la Légion étrangère. L'estime puis l'amitié entre le commissaire général de division (2s) JUANCHICH et le chef de bataillon KATHAN ont traversé le siècle ! »
Très rapidement, en 1977, il est de nouveau sollicité pour modifier l'organisation administrative du Groupement d'Instruction de la Légion Etrangère basé à Castelnaudary afin d'assurer sa transformation en régiment d'instruction.
L'institution reconnaît les mérites de Peter KATHAN à l'aune de ses résultats professionnels exceptionnels.
Le 30 juillet 1979 il est affecté au 5ème Régiment Mixte du Pacifique à Tahiti pour servir outre-mer. En fin de séjour, le 1er juillet 1980, il est nommé capitaine et rejoint le 4ème Régiment Etranger à Castelnaudary pour prendre le commandement de la Compagnie de Commandement et des Services.
Ses compétences en gestion administrative et comptable et ses qualités dans le commandement lui permettent de remplir la fonction de chef des services administratifs de régiments en métropole et outre-mer,
- à la 13ème Demi-Brigade de Légion Etrangère à Djibouti en 1982- 1984,
- au 4ème Régiment Etranger à Castelnaudary de 1984 à 1987,
- et pour
- Le jour anniversaire de Camerone, le 30 avril 1989, à Kourou, après avoir défilé en tête du 3ème Etranger, le chef de bataillon KATHAN fait ses adieux à la Légion étrangère.
Trente années de service s'achèvent au cours desquelles il s'est dévoué corps et âme à la mission la plus noble pour lui, le soutien des autres.
Son état de service en témoigne pour la postérité, « contrat rempli ».
La rubrique « décorations » est un condensé des différentes facettes de sa carrière militaire,
- officier de l'Ordre National du Mérite,
- médaille de bronze de la défense nationale avec agrafe infanterie
- médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre avec agrafe Algérie,
- croix du combattant volontaire avec barrette Afrique du Nord,
- médaille d'outre-mer
A ce moment-là de sa vie, « Monsieur Légionnaire » a décidé de poser son képi pour se consacrer à sa famille.
Monsieur Peter KATHAN a quarante ans et encore beaucoup d'énergie, de générosité et d'expérience à faire valoir.
Une nouvelle fois, il choisit l'action et plus particulièrement celle qui le conduira vers l'entreprise et les associations sociales et humanitaires.
Après trente ans passé dans un univers où la force est une vertu, « Pour l'amour d'Isabelle » sa fille, son « hirondelle », il a accepté de se consacrer à un monde où tout est faiblesse et vulnérabilité.
Cette phrase est tirée du livre « Des hommes irréguliers » du journaliste-écrivain Etienne de Montety impressionné par la puissance de l'engagement de Peter à la tête de l'Association Familiale Départementale pour l'Aide aux Infirmes Mentaux.
D'autres mieux que moi vous ont fait partager leur reconnaissance pour cette nouvelle bonne action de Peter.
De même il y a beaucoup à expliquer sur son engagement religieux et sa foi chrétienne. Les « petites sœurs de l'Agneau » qui l'ont accompagné et assisté jusqu'au bout sur la « petite piste » vous ont certainement convaincu de la force et de la sincérité de ses convictions.
Chef de bataillon KATHAN, Peter mon ami, tes frères d'armes, tes frères et soeurs de la paroisse et tous tes amis d'ici et d'ailleurs sont venus très nombreux pour soutenir dans l'épreuve Isabelle,Sandrine, Sébastien et ton petit-fils Alexis.
Pour conclure ton éloge funèbre que tu as souhaité que je prononce, je voudrais te rappeler l'histoire monumentale du tunnel de Foum Zabel au Maroc en 1927-1928, à mon sens, une belle allégorie de ta vie.
Quarante légionnaires ont creusé un tunnel dans une montagne de granit.
A l'entrée une plaque indiquait :
« La montagne nous barrait la route, l'ordre fut donné de passer quand même. La Légion l'exécuta. »
Et à la sortie, en conclusion, « l'énergie de leur muscles et une farouche volonté furent leurs seuls moyens »
Un des légionnaires commentera ainsi cet exploit hors du commun: l'homme peut tout faire.
Ce jour là, je n'ai pu m'empêcher de penser cela.
Quand l'homme est un légionnaire, naturellement.
Peter, tu comprends pourquoi j'ai pensé à toi, mo frère d'armes légionnaire qui a cessé de creuser."