Les obsèques de l'ancien colonel Gabriel Pellegrini ont eu lieu le jeudi 19 août à 10h à l’église Saint Martin, place de la République à Pessac. L’inhumation a eu lieu à 11h30 au cimetière du Plantey ‑ chemin du Plantey – 33170 Gradignan.
Eloge funèbre pour le Médecin en Chef (er) Gabriel Pellegrini:
« On ne quitte pas la Légion sans y avoir laissé un peu de soi ». Cette assertion ne se dément pas même aujourd’hui pour vous Médecin en Chef Gabriel Pellegrini, vous qui en avez laissé beaucoup.
Né en Algérie le 18 septembre 1926 à Aïn Boucif commune fortement enclavée ; perchée à 1280 m d’altitude située dans l'extrême nord des hautes plaines centrales algériennes à environ 154 km au sud d'Alger et dont vous nourrissiez un attachement sans borne.
Votre thèse passée à Alger en juillet 1951 après vos longues années d’études en médecine, vous êtes reçu docteur en médecine le 13 juillet 1951 et admis dans l’armée d’active comme sous-lieutenant médecin le lendemain.
Affecté au 3ème Bataillon du 5ème Régiment Etranger d’Infanterie célèbre Régiment du Tonkin « sans que ce soit votre volonté ou votre choix ». Vous allez vous faire adopter par les légionnaires qui savent reconnaître celui : « qui les connait, qui vit au milieu d’eux, les voir à l’œuvre et les aimer… ». Car c’est plus souvent dans le dénuement le plus total que l’on juge un homme. Qu’ils furent légionnaires, soldats amis ou ennemis vous les avez accompagnés admirablement.
Votre histoire c’est l’histoire des médecins de Légion. Vous qui fûtes tour à tour « toubib » et soldat. Celle d’une épopée auréolée de gloire mais aussi de mort. Celle du baroud, des actes héroïques, car « vivre et mourir était un temps donné votre quotidien ».
Comme médecin vous étiez le « courage au service du savoir » selon la formule du Duc d’Orléans le général de l’armée d’Afrique « soldat et savant ». Vous qui avez recueilli tant de dernier sourire de vos légionnaires, lorsque vous les aviez arraché à l’ennemi, sous la mitraille ou sous les déluges d’obus.
Vous débarquez sur la terre d’Indochine en 1952 et la tragédie de la RC4 deux ans plus tôt est encore bien présente dans les esprits. Hoa Binh vient d’être sauvé et le Général Salan redéploie ses unités grâce aux opérations autour du Delta du fleuve Rouge de Phu Doan à Nasan dont vous ferez partie.
Vos états de service de 1952 à 1954 durant votre séjour en Indochine au sein du 3/5ème REI sont éloquents.
- Vous obtenez votre première citation sur la croix des Théâtres Opérations Extérieures à l’ordre de la division. « Lieutenant-Médecin d’une rare conscience professionnelle qui n’a cessé de se signaler par son calme, son courage et son dévouement pendant les opérations menées dans le Delta du 20 septembre au 01 octobre 1953. A assuré d’une façon remarquable et sans souci de sa sécurité personnelle les soins et l’évacuation des blessés, en poussant rapidement en toutes circonstances auprès des unités engagées. S’est particulièrement distingué à Le Xa (Nord Vietnam) dans la nuit du 30 septembre au 01 octobre 1953, lors de l’action d’un commando rebelle où il s’est rendu sur place sous un feu précis et meurtrier pour porter secours aux blessés dont il a assuré personnellement l’évacuation dans des conditions extrêmement difficiles et pénibles ».
- Pendant l’hiver 53-54 vous accrochez une palme à votre croix des T.O.E pour les actions suivantes : « Médecin d’un Bataillon Opérationnel dévoué, courageux, qui s’est distingué dans les opérations menées dans la zone sud du Delta du fleuve Rouge, notamment le 23 décembre 1953 à Xon Chan Tho (Nord Vietnam) où, il donne ses soins aux blessés au cours des combats corps à corps. Le 26 janvier 1954, entrant dans Langan (Nord Vietnam) avec les éléments de tête, a donné les premiers soins et assuré l’évacuation des blessés. Le 08 février 1954 à Phan Thon, a secouru ses blessés malgré un violent feu rebelle et le 17 février 1954 près de Huu Bi (Nord Vietnam), s’est déplacé sur une diguette en cours de déminage pour secourir un soldat vietnamien qui venait de sauter sur une mine ».
- Enfin, vous vous distinguez une fois encore en obtenant une étoile vermeil et une citation à l’ordre du corps d’armée : « Médecin d’un Bataillon dévoué, courageux. S’est distingué le 02 mars 1954 à An Liem (Nord Vietnam) où deux compagnies étant clouées au sol par un feu intense et meurtrier, il s’est porté le plus en avant possible et après plusieurs d’heures d’efforts, a réussi à évacuer à travers un terrain difficile, une cinquantaine de blessés. Au cours des opérations de mars à avril 1954 dans le Thuam Liem, le Binh Luc, et le Duy Ting (Nord Vietnam) à travers les villages et les zones minées, s’est dévoué constamment, prodiguant ses soins à de nombreux blessés sauvant la plupart d’entre eux par la promptitude de ses interventions. Le 16 avril 1954 à Thuong Ngan (Nord Vietnam) une compagnie étant stoppé à faible distance du village par un feu violent d’armes automatiques et de mortiers, une grande partie de son effectif hors de combat, s’est porté en première ligne pour donner ses soins aux blessés et procéder à leur évacuation. Comme Médecin Chef d’un sous groupement blindé, s’est à nouveau distingué au cours des combats de la R.I 39 de Bong Ly (Nord Vietnam) entre le 20 et le 27 juillet 1954 ».
Finalement votre plus grande fierté est bien celle d’avoir été fait Légionnaire de 1ère classe Honoraire le 4 janvier 1954 par le Lieutenant-Colonel Raberin Chef de Corps du 5ème REI et qui soulignait : « Médecin de Bataillon qui outre ses qualités professionnelles, a su, par son esprit et son inlassable dévouement se faire adopter par la troupe légionnaire, méritant ainsi de faire partie de la grande famille de la Légion étrangère ».
Qu’avez-vous appris de la vie et de la mort ? Certainement bien plus que nous tous ici réunis. De cette balle qui touche ce compagnon d’arme au cœur et qui vous a épargné ? De cet obus qui explose au milieu de vous tous et dont vous êtes le seul à vous relever ?... Peut-être avez-vous trouvé des éléments de réponses qui sont enfermés dans votre "nuage". Ce nuage que vous évoquez dans votre livre : Vivre et mourir au 3/5ème REI et qui vous accompagnera toujours. Votre fonction de médecin comme le soulignait Pierre Montagnon : « Les toubibs ont aussi payé leur tribut ! Leur job il est vrai, les conduit plus souvent à l’avant qu’à l’arrière, car c’est là que gisent les blessés ».
Malgré vos activités professionnelles, malgré la vie d’un médecin devenue installé dans la vie bordelaise. Vous deviendrez spécialiste O.R.L des Hôpitaux des armées. Vous excellerez dans vos fonctions de Chef de service ORL à l’hôpital Maillot à Alger et à l’hôpital Robert Picqué à Bordeaux. Malgré ce brillant parcours vous ne regrettez rien, mais vous y pensez toujours ! Vous pensez toujours à vos combats, à vos légionnaires, à la vie simple et dure menée sur le terrain, à la fraternité d’armes forgée devant le risque, au fil des combats, à la mort, et ce questionnement incessant de la vie et de la mort, celui légitime d’en être sorti Toute votre vie vous n’avez jamais oublié vos deux années passées au 3/5ème REI, ni les valeurs, ni ses engagements et ni vos frères d’armes. Vous y avez appris les valeurs de camaraderie et de solidarité.
Mon Colonel vous allez désormais retrouver les vôtres, ceux qui vous ont précédé. Les membres de votre famille, vos proches, vos légionnaires. Puissiez-vous aussi retrouver Messaoud celui qui vous a vu naître à Aïn-Boucif et que vous considériez comme un père. Puissiez-vous trouver la paix des Braves.
Á Dieu Mon Colonel !
DTK