Nous nous sommes rendus ce samedi 20 novembre 2021 dans l'après-midi à Bruniquel (82) avec Tonio Batista porte drapeau AAALE33 pour assister à la cérémonie de la mise en terre des cendres et à la bénédiction du Lieutenant Henry Lobel.
Affecté au 1er REP en 1958 juste après la mort du Colonel Jeanpierre. Il est affecté à la 2ème Cie avec à sa tête le Capitaine Ysquierdo. Il prendra la 2ème section dans laquelle il va obtenir des résultats à la hauteur de ses espérances.

Il va aussi marquer de son empreinte ses légionnaires-parachutistes et les amener à se dépasser sans faiblesse et sans concession. Dans l'éloge funèbre magnifique de son fils Marc (bien connu aussi à la Légion) il faut retenir 3 étapes clefs de sa vie. La première étant le choix qui va marquer sa vie entière. Le choix de l'honneur plutôt QUE de l'infâmie. Il ira porter le combat ailleurs avec l'OAS lorsque le 1er REP sera dissous. La deuxième sera celle de ce disque des chants du 1er REP et tous ses clichés de son Minox emporté en tout lieux qui finalement seront publiées. La troisième sera sa vie loin de la France même avec la loi d'amnistie de 1968 avec la famille qu'il va construire dans son nouveau pays l'Espagne. Dans l'homélie du prêtre, il y avait une référence que tous connaissent : « Rien n'est obtenu si rien n'est sacrifié », Henry Lobel a donné un sens à sa vie et il aura tout sacrifié. À Dieu Lieutenant Henry Lobel. Merci au Colonel Marc Lobel - Capitaine Joseph Estoup - Major Richard Charpentier - Sch (er) Robert Vincente - Lt-Colonel (e.r) Guenin - Ach (er) Dumont - les portes drapeaux du Tarn et Garonne et du Tarn - Le piquet d'honneur du 4ème Régiment Étranger.

Ci-après l'éloge funèbre de son fils le colonel Marc Lobel:

Eloge funèbre prononcé par le COL Marc LOBEL
A l’occasion des honneurs militaires rendus au
LNT(H) Henry LOBEL,
le 20 novembre 2021, au cimetière de Bruniquel

"Lieutenant Henry LOBEL, mon ancien, et surtout, mon cher papa,
Quel paradoxe que de me retrouver aujourd’hui ici, à Bruniquel, berceau familial des Lobel, à lire pour toi le premier éloge funèbre de ma vie. En effet, j’ai eu cette chance durant ma carrière, de ne jamais avoir eu à perdre l’un de mes subordonnés. Et pourtant me voici, devant ta famille et tes proches, mais surtout devant ces légionnaires et ce drapeau qui signifiaient tant pour toi, pour t’adresser cet ultime adieu.
Il y a quelques jours encore, lorsque nous nous sommes vus pour la dernière fois, nous bavardions au milieu de tes piles de livres, photos et documents de toute une vie, dans ce que tu appelais ton fromage, dont chaque jour tu grignotais un petit morceau ; tu me disais ton grand regret de n’avoir pas été capable de transmettre tes souvenirs, la mémoire d’une vie aussi riche que remplie. Remplie jusqu’au dernier jour des mémoires d’une carrière militaire écourtée, mais qui a pourtant imprégné tout ton être durant toute ta vie adulte …. Tu peux partir serein, la mémoire est là, et ne s’éteindra pas de sitôt !
Ta vie toute entière est un beau roman d’une autre époque. C’est à Dieppe, durant la guerre, que tu te frottes pour la première fois à la chose militaire lorsque tu récupères et caches avec ton frère la mitrailleuse d’un avion abattu lors du débarquement Canadien sur la côte normande. Puis ce sont les scouts, à Bruniquel, les frayeurs et la révolte face à l’occupant qui t’orienteront tout naturellement vers la carrière des armes. Aussi, alors que la guerre t’a fait dépasser l’âge limite du concours direct de St Cyr, tu veux t’engager comme deuxième classe pour partir te battre avec le Bataillon Monclar en Corée. Tes parents parviennent à t’en dissuader et tu finis par t’engager en 1952 à l’ENSOA de Strasbourg. Sorti major de promotion, tu y restes comme instructeur tout en préparant ton concours de St Cyr, que tu intègres, une fois encore comme major du deuxième bataillon de l’ESMIA, au sein de la promotion Franchet D’Esperèy, et dont certains camarades sont ici aujourdhui. Ton ardeur au travail et cette volonté, voire obstination, à atteindre tes objectifs et remplir ton devoir sont certainement un héritage de ton père, Joseph, arrivé de Roumanie qui a choisi de tout abandonner pour épouser Cécile, ici à Bruniquel. Il restera toujours pour toi un modèle de droiture et de force.

A la sortie d’école tu fais le choix qui marquera irrémédiablement le reste de sa vie : tu rejoins l’élite de l’élite, le régiment de tes rêves : le 1er Régiment Etranger de Parachutistes, en Algérie. Il te faudra d’abord faire tes « humanités » Légion à la maison mère, Sidi bel Abbes, au 1er étranger comme chef de section à l’instruction. Une année très riche qui ne fera que te renforcer dans ton amour de la légion...et de l’Algérie.
Puis le moment tant attendu arrive : tu rejoins le 1er REP à Zéralda. Le Col Jeanpierre, figure du régiment vient de mourir en opération. Tu es affecté à la deuxième compagnie, aux ordres du Capitaine Ysquierdo, et prends le commandement de « Rouge 2 ». Seul officier chef de section au milieu de vieux briscards, tous décorés de la légion d’honneur, tu te bats comme un beau diable pour faire ton trou. A la tête de ta section, que tu ne ménages pas, tu mènes une course contre la montre dans les Djebels. Dans tes derniers instants, à Salou, tu nous confiais d’ailleurs que tu avais surement été très dur avec tes hommes…mais que c’était nécessaire. Tu es de tous les combats ; les bilans de ta section sont rapidement les meilleurs ; tu es cité à deux reprises… tu vis pleinement ton métier et traces ton sillon. Te voilà exactement là où tu voulais, objectif atteint, l’aboutissement d’un rêve de gosse. Passionné de photographie, tu documentes tout cela avec ton Minox toujours dans la poche, puis le retranscrits avec précision et sans fard dans de longues lettres à tes parents.
Mais l’heure des choix arrive et la vie du jeune Lieutenant Lobel, comme de nombreux camarades, va basculer pour toujours le 22 avril 1960 avec le Putsch d’Alger. Chacun doit faire un choix : toi qui étais le modèle de la discipline militaire, tu n’hésites pas une seconde. Le 1er REP s’empare de la capitale.… Mais au bout de quelques jours tout est fini. Le régiment rentre à Zeralda le cœur gros…mais la tête haute. A tes parents tu écris : « le sacrifice que je ferai en quittant le régiment est pratiquement le seul, mais il est énorme et il me remplit le cœur »
Après l’échec de cette « rébellion pour l’honneur », tu suivras tes camarades pour les arrêts de forteresse et le tribunal. C’est durant ces journées de camaraderie étroite que tu enregistreras, et feras éditer le fameux disque du 1REP pour soutenir les familles des officiers incarcérés. Tu prépareras aussi un album-souvenir du régiment, que tu publieras enfin … 50 ans plus tard.
Réaffecté en Algérie à l’issue du procès, tu prends le commandement du commando de chasse du 27 BCA où tu insuffles une dynamique nouvelle. Formidable expérience où tu confirmeras toutes tes qualités de chef de guerre, tout en t’émerveillant de ce que l’on peut obtenir des appelés du contingent. Tu y décroches ta troisième citation…mais l’évolution de la situation politique n’est plus tenable. Après un refus d’obéissance lors de la célébration du cessez le feu, tu rejoins la clandestinité pour poursuivre ton combat autrement.
Après quelques mois à Alger, c’est l’indépendance. Avec Nicolas Geli, ton chef de secteur OAS (pour qui tu garderas toujours une profonde amitié et admiration) et une bande de barbus à la mine patibulaire tu t’embarques sur un voilier, la cale remplie de matériel militaire, en direction l’Espagne. C’est lors de l’escale à Ibiza, que tu rencontres une belle institutrice suédoise, que tu épouseras un an plus tard, et avec qui vous aurez cinq enfants, dont les trois garçons t’ont suivi dans la voie des armes. Ils te donneront 13 petits-enfants et 4 arrière petits enfants, qui sont presque tous ici aujourd’hui.
En Espagne avec tes camarades, il faut recommencer à zéro ; rebâtir une nouvelle vie. Tu crées une petite entreprise spécialisée, on ne se refait pas, dans les démolitions et l’explosif. Tu y lutteras âprement pendant toute ta carrière civile. Ta vie est désormais en Espagne, ce pays qui t’a accueilli et que tu as appris à aimer dans sa rudesse mai aussi dans sa beauté et sa culture. Aussi, malgré l’amnistie de 1968, tu y demeureras jusqu’à ton dernier soupir.
Mais au fond du cœur, comme tes camarades, tu gardes une blessure profonde et un gout d’inachevé. Ce sera dans les associations d’anciens légionnaires, à l’AALP tout d’abord (où tu rendras d’éminents services comme reporter-photographe), puis comme président de l’AALE Catalogne, que tu poursuivras ton engagement, amoureux de ces anciens et heureux d’être au service des autres. Là encore tu t’acharneras sans cesse à maintenir la mémoire et à aider certains de ces hommes à retrouver leur dignité, ou tout simplement leurs droits. Plusieurs d’entre eux sont ici autour de toi aujourd’hui pour ce dernier hommage.
Dans cette deuxième vie, tu resteras un roc malgré les épreuves, dont la mort prématurée de ton épouse Brita. Homme d’honneur et d’action tu seras, en Espagne « el señor Lobel », un homme droit et éduqué, passionné par mille choses. Un homme rude aussi, solitaire, secret, mais d’une grande sensibilité, et qui ne laisse pas indifférent. Comme me le disait en apprenant ta mort l’un de tes plus chers camarades, ici présent, tu étais « un homme compliqué, mais tellement attachant… »
Et puis le temps est passé et a fait son travail ; cet été alors que tu avais fêté ton 90e anniversaire entouré de ta famille ici à Bruniquel, tu as commencé à fatiguer. Doucement. Sereinement. Lors de ton extrême onction, la semaine dernière, le prêtre a été impressionné par cette sérénité, et ce courage face à une mort qui arrive. Tu t’es éteint paisiblement, accompagné de tes enfants, dans ton lit, au milieu de tes souvenirs… et après avoir dit une dernière fois « Merci à la vie ».
« Vivre importe peu au regard de la façon de vivre » disait ton ancien chef le Commandant (er) de Saint Marc. Ta vie tu l’as menée tambour battant, pleinement, passionnément. Jusqu’au bout.
Nous garderons de toi un souvenir de droiture et de sens du devoir, de courage dans tous les combats, de don de soi pour une juste cause, de passion pour ce que tu entreprenais, d’amour de la vie mais aussi d’amour de ce qui a été…
Tout au long de ta route tu as semé des petits cailloux blancs de mémoire : ta mitrailleuse de 42 offerte au musée de Dieppe un demi-siècle plus tard, ton disque réédité pour l’anniversaire du Putsch et qui figurera dans la salle d’honneur du 2 REP à Calvi, tes milliers de photos, documents, plaquettes souvenir de l’AALP, tes lettres à tes parents, qui seront bientôt publiées et représentent un concentré d’histoire à hauteur d’homme ; un héritage inestimable pour les tiens... tout est là.
Pour reprendre les célèbres vers su du capitaine de Boreli an 1892 : « Dormez dans la grandeur de votre sacrifice, dormez, que nul regret ne vienne vous hanter, dormez dans cette paix large et libératrice ou ma pensée en deuil ira vous visiter »
Dormez donc en paix mon lieutenant, jeune et fier légionnaire parachutiste ayant tout donné ;
Dors en paix, mon cher ancien, rejoins la longe cohorte des hommes d’honneur que tu aimais tant.
Dors en paix cher papa, toi qui nous a fait devenir ce que nous sommes.
A Dieu, Lieutenant Henry LOBEL, A dieu Papa. Pars rejoindre ton épouse, tes chers parents et tes frères et sœurs, dans la paix et la noblesse du devoir accompli."