C’est au « pied levé » une nouvelle fois que nous avons répondu présent pour répondre au souhait d’un grand ancien. Certes, il avait oublié l’existence des Amicales, mais avant le grand départ, il s’est souvenu que "Légio Patria Nostra" n’est pas un vain mot. Il avait alors exprimé à sa famille de demander à la « Légion » de l’accompagner pour le dernier hommage ». "On ne refuse rien à des hommes comme vous !" La Com/FSALE, se mis en action, le patron du BALE explora ses archives et pris spontanément contact avec le lieutenant-colonel (er) Jean-Claude Pierron qui devait se rendre à la cérémonie au crématorium de Luynes près d'Aix en Provence.
Celle-ci ,se déroula le jeudi 28 novembre 2024 matin en présence de nombreux descendants et amis. L’ambiance familiale et des improvisations n’occultèrent pas l’émotion et c’est après l’entrée dans la salle de recueillement au son du " Boudin " que fût prononcé l’hommage qui suit.
Éloge funèbre du Caporal (er) José Pastor Mle 72 731, prononcé par le Lieutenant -Colonel (er) Jean-Claude Pierron au funérarium de Luynes 13 090 le 28 novembre 2024:
"Fidèle à notre code d’honneur qui précise que nous n’abandonnons ni nos blessés, ni nos morts je me permets aujourd’hui en qualité de représentant de la grande famille Légion tant d’active que des Amicales regroupées au sein de la Fédérations des Amicales d’Anciens de la Légion étrangère ( FSALE) de prendre la parole devant vous : famille et amis, pour vous dire que si nous ne pleurons pas par pudeur nos morts en revanche nous mettons un point d’honneur à les honorer. En effet, même si je n’ai pas connu personnellement José Pastor ses états de service méritent d’être soulignés. D’autant qu’il fait partie de cette cohorte de légionnaires anonymes qui ont par leur héroïsme écrit les plus belles pages de notre livre d’Or comme la bataille de Dien Bien Phu en Indochine.
C’est le 10 juillet 1952 à 21 ans que le jeune espagnol José Pastor, charpentier de marine, s’engage dans nos rangs à Sidi-Bel-Abbès. Après son instruction il sert au 1er Régiment étranger d’infanterie dont une des missions sous les ordres du célèbre Colonel Penicault est de former vite et bien des combattants confirmés entraînés à la guerre moderne possédant des réflexes sûrs et rapides nécessaires dans la guérilla pratiquée par notre ennemi de l’époque :le Vietminh. Le régiment vit à l’heure Indochinoise partageant les succès et les drames de ceux qui luttent là-bas et les volontaires sont nombreux à chaque demande pour remplacer ceux qui sont tombés. Il part donc pour l’Indochine et débarque à Saïgon fin novembre 1953 et il rejoint la 13° DBLE au moment où le Régiment s’installe dans la cuvette de Den Bien Phu. Alors qu’autour de celle-ci les Viets font de même, guettant leur proie bien que troublés en permanence par des escarmouches avec les éléments de reconnaissance du Camp retranché. Mais le 13 mars 54 vers 17 heures c’est l’attaque ! l’ennemi déclenche un formidable tir d’Artillerie notamment sur le point d’appui « Béatrice » tenue par la 3eme Compagnie. Celle de José. Les morts sont nombreux dont celui du Chef de Corps le Colonel Gaucher. Ensuite, après un assaut massif, une bataille épique s’engage qui se terminera le 7 mai 1954, dernier jour de la résistance, les défenseurs de Den Bien Phu submergés ayant succombé. Pour ces combats José sera cité à l’ordre de la Division : « s’est particulièrement distingué lors des combats de mars et avril 54. A assuré toutes les missions sans défaillance avec sang-froid et courage ». Puis, le lendemain du cessez le feu comme tous les survivants désormais prisonniers de guerre ce sera une douloureuse captivité précédée d’une marche de « la mort » dans la jungle vers les camps qui seront pour certains des lieux d’agonie.
Enfin le 22 août 1954, c’est à SAM SON près de la ville d’Haïphong, la libération pour José après plus de 3 mois de détention. Certainement épuisé et comme tous les libérés dans un état squelettique. Les rapports évoquant une vision de celle des retours des camps de concentration de la seconde guerre mondiale.
Rapatrié, il rejoindra pendant quelques temps la maison mère à Bel Abbes ou on le retrouvera chez les pionniers dans la spécialité de peintre en bâtiment. Il sera nommé Caporal le 1er mai 1956. C’est au Maroc en juillet 1957 qu’il quittera le service après son contrat de cinq ans bien rempli, avec honneur et fidélité.
Mon éloge est, je le regrette aussi laconique que sa citation décernée bien après les faits, car l’héroïsme étant quotidien il en devenait banal et on ne peut comprendre ce que fût le quotidien de ces combattants puis prisonniers du Vietminh qu’en lisant les nombreux ouvrages de cette guerre d’Indochine méconnue voire vilipendée ou la Légion comptera plus 10 00 morts sur les 72 000 qui débarquèrent au fur et à mesure des pertes dans ce Pays. Bilan le plus lourd pour la Légion au cours d'une guerre, que celui de la première guerre mondiale ou comble d’ingratitude, il est écrit qu’on décompta sur le pécule de l’arriéré de solde des prisonniers le nombre de prime de repas considérant qu’ils avaient été nourris gratuitement durant leur internement dans les camps.
Aussi, je considère comme un honneur de témoigner en ce jour la gratitude de notre Institution à José Pastor.
Merci José, je suis sûr que sur le seuil de sa maison, le bon vieux Saint-Pierre accompagné de Saint Antoine a dû donner l’ordre le jour de ton départ aux anges blonds et souriants : "En l’honneur du grand Légionnaire en cravate verte et Képi blanc demain tenue réglementaire pour vous : étole verte et nimbe blanc."