Peintre, espion du Tsar, légionnaire au front, puis interprète et brancardier.
PREAMBULE :
Alexandre Zinaview, de son vrai nom Petrovitch Zolarenko, est né en Russie en 1889.au sein de la bourgeoisie cultivée de Moscou. Il effectue des études dans un excellent établissement de Moscou, où il étudie notamment le français et l’allemand. Il se fait déjà remarquer par son gout pour le dessin. Il est marqué par les scènes de violences pendant la révolution de 1905. C’est à cette époque qu’il bascule, attiré par les idées du parti social-démocrate ouvrier.
Il dessine des portraits de militants, des scènes de révolte, des uniformes et des armes de poing que l’on retrouve dans ses cahiers.
Ses sympathies vont aux marxistes et en 1908, il est arrêté pour « propagande » et incarcéré à la prison de Taganka. En échange de sa libération, l’Okhrana, la police politique tsariste, lui propose d’infiltrer les milieux révolutionnaires russes en exil à Paris.
Il prend le pseudonyme de Zinoview, et dès 1909, se fait une place dans la Bohême de Montparnasse. Son salaire de 500 francs lui offre un train de vie plus aisé que ses camarades.
LEGIONNAIRE et PEINTRE :
Curieusement, le 24 aout il s’engage dans la Légion étrangère pour la durée de la guerre. Zinoview décide en effet de combattre pour sa patrie d’adoption, la France. Il est incorporé au Bataillon C du 2éme Régiment de Marche du 2éme Régiment Etranger, à l’instruction au camp de Mailly (51). Puis le 21 octobre, le 2RM/2RE s’installe à Prunay et Verzy dans la Marne(51).
Le 18 octobre, il monte en première ligne à Craonnelle (02). Il y combat en tant que mitrailleur à la 3ème compagnie de mitrailleuses. Le 1 mars 1915, les autorités françaises imposent à tous les russes mobilisables de servir en France ou en Russie.
Le 27 juillet 1915, Zinoview opte pour servir à l’ambulance russe, la SSR N° 2. Il sera conducteur, interprète et brancardier. Il sera en 1ère ligne à Suippes en 1915. En 1916, Zinoview change de statut. L’ambulance russe à laquelle il est affecté, rejoint le service sanitaire du Corps expéditionnaire Russe en France (CERF). Il sera l’interprète du colonel russe Diakonof, qui commande le 2ème régiment de la 1ère brigade. Il est promu en quelques semaines au grade d’Adjudant.
La 1ère brigade russe participe aux combats d’Auberive en 1916 et Thil (offensive NIVELLE) en 1917. Zinoview symbolisera ses combats meurtriers par ses toiles et ses dessins, tout en étant en première ligne.
La nouvelle de l’abdication du Tsar Nicolas II le 15 mars 1917 ne parvient au Corps Expéditionnaire Russe que fin avril. Les soldats russes veulent rentrer chez eux, et se mutinent. La France décide de déporter le CERF au camp de la Courtine, dans la Creuse (23). La mutinerie est écrasée en septembre 1917.
En octobre, alors que le CERF vit ses dernières heures, le passé de Zinoview remonte à la surface. Il doit fuir et demande de resservir dans la Légion. Il ne retournera pas au front. Malade, il est hospitalisé à l’hôpital de Lyon. Il dessine alors beaucoup, et s’intègre dans la bonne société à Lyon. Ses œuvres exaltent le combat des légionnaires. Il est reconnu comme artiste, et, toujours légionnaire, réussit à se faire sélectionner avec une centaine d’autres légionnaires, pour une propagande en Amérique, en vue d’un « emprunt de la Liberté ». Ce n’est qu’un mois plus tard à Montréal, qu’il apprendra l’Armistice du 11 novembre. Ce n’est que le 7 février 1917, que le décret libérant les volontaires, permettra à Zinoview de revenir à la vie civile.
Zinoview a imposé à son passé d’espion et son expérience de la guerre, un silence jusqu’en 1977.
Aujourd’hui, ses œuvres pieusement conservées et étudiées, mettent en lumière le parcours singulier d’un russe, devenu légionnaire, sur le front de la Grande Guerre. Alexandre Zinoview illustre la guerre dans plusieurs œuvres, dont « soldat blessé en Champagne ».
Son œuvre peut être admirer au musée de la Grande Guerre de Meaux (77), et à l’historial de la Grande Guerre à Péronne (80).
Major (er) Hubert Midy, chargé de la mémoire FSALE