Histoire : il y a cent ans, en mai-juin 1918, la Légion tient en échec l’offensive allemande sur:

la Montagne de Paris.

 Le 6 mai 1918, la Légion est enfin au repos dans la région de Versigny.

Le 27 mai 1918, le maréchal Ludendorff tente la dernière grande partie de poker à coups de masses humaines. User les réserves françaises puis acculer les Anglais à la mer ? Le maréchal Ludendorff croît cette manœuvre possible.

  • à 1 heure : 1150 batteries allemandes d’artillerie pilonnent le Chemin des Dames. Les divisions françaises qui tiennent le Chemin des Dames sont écrasées par le plus formidable déluge d’obus à ypérite. Ces divisions sont quasiment volatilisées. Ce violent bombardement neutralise l'artillerie française. Contrairement aux consignes du général Pétain, l'essentiel des défenseurs occupe les premières lignes et subit de lourdes pertes.
  • à 5 heures : les troupes allemandes montent à l’assaut des lignes françaises bouleversées.
  • à 8 heures : la progression de l’ennemi est générale sur le Chemin des Dames. Le front est désarticulé par cette attaque foudroyante.
  •  à 11 heures, les Allemands atteignent et submergent la crête du Chemin des Dames. L’attaque allemande débouche si bien que le Kaiser en personne apparaît alors au nord du plateau dit de Californie. De là, il voit, sur le ciel clair, progresser ses divisions victorieuses.
  • en soirée : le front est déstructuré de Reims jusqu’à Vailly-sur Aisne.

Les généraux Foch et Pétain valident un repli ordonné des troupes pour prévenir l’encerclement et une débâcle ouvrant les portes de Paris. Le général Duchêne, de la VIe armée, qui a maintenu le dogme du combat nécessaire en première ligne, constate le désastre.  Mais le front français présente des failles défensives.

Si la nuit du 27 au 28 mai est calme, la VIIe armée du général von Boehn, forte de 42 divisions stationnées entre Noyon et Berry-au-Bac, entreprend un mouvement avec ses six corps d’armée. L’ennemi parie sur son artillerie qui est poussée en avant pour garantir un appui feu lors des prochaines étapes de son avancée. Les Français s’efforcent d’organiser des lignes de défense à même de ralentir les troupes allemandes. De Leuilly à la Celle-sur- Aisne, mais aussi entre Courcelles et Magneux dans la banlieue de Fismes, les Français et les Anglais reconstituent la deuxième ligne qui, de Maizy, court vers Saint-Thierry aux portes de Reims. Cette volonté ne suffit pas à établir de vrais points défensifs.

Le 28 mai 1918, dès le lever du jour, l’offensive ennemie reprend de plus belle.

  • à 7 heures 30, Fismes est attaquée.

·      à 9 heures : les colonnes allemandes fondent depuis Margival et Vauxaillon.

  • à 10 heures, les défenseurs de Fismes sont pris à partie par les vagues d’assaut de deux divisions qui essaient de les encercler.
  • à 12 heures, en bousculant les défenses échelonnées sur l’Aisne, l’ennemi franchit la Vesle en plusieurs points et progresse irrésistiblement vers la Marne. Le général Pétain ne veut rien savoir et ordonne au général Duchêne de tenir cette ville-clé sur l’axe Reims-Soissons. Il est déjà trop tard. Les soldats allemands occupent les hauteurs de Ventelay. Cet échec confirme l’effondrement du centre de la VIe armée du général Duchêne. Même les combats héroïques conduits par les coloniaux à Jonchery-sur-Vesle ne font que ralentir la poussée inexorable de l’ennemi.

La division marocaine du général Daugan est transportée par camions vers Dommiers. Elle est constituée par la 1ère brigade du colonel Boucher, avec le 4e Régiment de Marche de Tirailleurs et le Régiment de marche de la Légion Etrangère, et la 2e brigade du colonel Schuhler, avec le 7e R.M.T et le 8e Régiment de Marche de Zouaves. La mission de la division marocaine est de bloquer son avance vers Villers-Cotterêts en prenant position sur la Montagne de Paris.

Du 29 mai au 3 juin 1918 : les combats sur la Montagne de Paris.

Le 29 mai 1918, malgré les efforts de résistance de Braine jusqu’aux entrées de Soissons, les Allemands entrent dans la ville ravagée par plusieurs incendies. La chute de la ville contraint les défenseurs alliés à se replier vers la forêt de Retz tandis que l’état-major s’emploie à résister dans la périphérie rémoise pour empêcher la conquête de la cité des Sacres.

. vers 10 heures : le général Micheler prend sous son autorité toutes les unités qui combattent face à Reims. La résistance franco-britannique sur le massif de Saint-Thierry s’avère efficace.

La division marocaine avec le Régiment de marche de la Légion étrangère arrive par camions à l'ouest de Soissons qui vient de tomber aux mains des Allemands. Elle est dirigée vers la région de Saconin-Breuil au sud de Soissons, à Missy-sous-Bois et Chaudun. Sa mission est d’interdire à l’ennemi le débouché de Soissons. Mais les Allemands sont à Vauxhain. Les Allemands prennent pied sur la Montagne de Paris. Les Allemands s’infiltrent par le vallon de la Crise. Ils tentent de dépasser la forêt de Villers-Cotterêts par le Sud.

Le 30 mai 1918, l’offensive allemande prend une nouvelle tournure avec une bataille essentielle entre l’Aisne et la Marne. Les Allemands vont atteindre la Marne, près de Château-Thierry. Aussitôt des renforts sont envoyés sur place.

L'attaque se déclenche au petit matin après un bref mais violent barrage d'artillerie. La division marocaine participe à la troisième bataille de l’Aisne sur la Montagne de Paris.

Nettement supérieurs en nombre, les Allemands réussissent à prendre pied dans les positions de la Légion. Obligés d'économiser leurs munitions, les légionnaires ont 47 tués, 219 blessés et 70 disparus en deux jours de combat. Ces pertes de 336 hommes viennent s'ajouter à celles du mois précédent qui n'ont pas été compensées (1 250 hommes).

 

Le 31 mai 1918, sur un front de 5 km, les légionnaires du Régiment de Marche de la Légion Étrangère, composé entre autres de volontaires arméniens, tiennent seuls, sans rempart, sans artillerie lourde, sans aviation, avec une artillerie de campagne très insuffisante, sous la pression d'une armée formidable, repoussant les attaques successives des assaillants. Plusieurs officiers et légionnaires sont fait prisonniers par les Allemands. Néanmoins, le Régiment de marche de la Légion étrangère réussit à maintenir ses positions et à bloquer l'avance allemande dans son secteur. Isolé sur la vaste croupe découverte de ‘’la Montagne de Paris’’, surplombant la ville et la vallée de l’Aisne, le R.M.L.E. fait face et résiste comme un bloc inébranlable. Les vagues se succèdent mais se brisent toutes contre le môle des mitrailleuses des légionnaires dont une noria humaine assure l’approvisionnement. Deux jours durant, les assauts successifs de trois régiments sont repoussés, sans perdre un pouce de terrain.

Au cours de la 3e bataille de l’Aisne, la Légion arrête l’offensive des Allemands. Malgré les puissants coups de boutoir de l’ennemi, elle se maintient sur ses positions. Les légionnaires savent que s’ils reculent, la route de Paris est ouverte. L’artillerie allemande bombarde ; les canons crachent furieusement avant les attaques, puis se taisent. Leur soudain silence fait connaître aux légionnaires qu’ils vont voir arriver sur eux les troupes d’assaut, les stossstruppen, des unités toujours solides. Ces combattants délite avancent entre les arbres de la forêt, ou sortent sans hâte d’une tranchée, ou surgissent d’un pli de terrain ; ils s’avancent en trottant, ou tout simplement en marchant, un peu penchés en avant, tenant leur fusil et leurs grenades. Les légionnaires aperçoivent, derrière les lignes des grenadiers allemands, des mitrailleurs portant leurs engins. Mais les mitrailleuses des légionnaires sont déjà postées et creusent de grands vides dans les lignes des grenadiers.

À partir du 1er juin, la division marocaine combat en retraite et se regroupe sur une nouvelle ligne de front dans la région de Vivières et Villers-Cotterêts. Mais les Allemands atteignent la Marne à Château-Thierry. La ligne de front atteint Dammard, Bussiaires, Etrepilly.

Jusqu’au 3 juin, la division marocaine tient dans ce secteur un front de 40 kilomètres. Pendant ces quatre jours du 31 mai au 3 juin, le front est maintenu, la division reculant pas à pas. Dans ses mémoires, le Maréchal Ludendorff a reconnu que la résistance pas à pas de la division marocaine a réellement gêné son majestueux mouvement, empêchant le débouché vers Paris, souhaité par son empereur.

Essoufflement des troupes allemandes.

Malgré le succès obtenu sur le Chemin des Dames et la progression entamée dans la région rémoise, le prince Rupprecht de Bavière, qui mesure le moral des troupes allemandes, presse le chancelier de chercher une solution négociée à la guerre. Les soldats allemands accumulent de la fatigue et ne semblent pas mesurer l’importance stratégique et tactique des gains obtenus. En outre, les ravitaillements en munitions deviennent irréguliers et les insuffisances de l’intendance sont relevées. Pour approcher du front, l’ennemi ne dispose que d’une ligne de chemin de fer à voie unique.

Le 3 juin 1918, pour faciliter la noria de matériel, un bataillon allemand franchit la Marne vers Condé mais les Français et les Américains le repoussent.

Le général Foch décide dans le même temps d’engager sur le flanc de l’ennemi la Xe armée qu’on lui promet, soutenue de renforts anglais et américains.

A partir du 5 juin, la division marocaine occupe, après un mouvement important, le secteur d’Ambleny et de l’Aisne. La Légion Etrangère poursuit exactement le même travail que sur la Montagne de Paris, un peu plus à l’est, sur la ligne Ambleny-Longpont.

Le Régiment de Marche perd cependant plus de 400 légionnaires.

Le haut commandement allemand s’interroge sur la nécessité de poursuivre les assauts ; il est prêt à opter pour l’organisation défensive des terrains conquis en utilisant les prisonniers

Juin 1918. Bois Belleau : les Américains en première ligne

Georges Clemenceau ne veut pas évacuer Paris. Il résiste aux députés et obtient une large majorité lorsqu’il s’engage à tenir le front. Les Français, qui ont perdu le saillant défini par le triangle Reims, Château-Thierry, Soissons, ont un impératif besoin des Américains pour verrouiller la route de Paris. Pour éviter le pire, les 2e et 3e divisions américaines sont mises à disposition des Français et arrivent dans le périmètre castel au terme d’une marche forcée. La 2e est déployée au Nord-Ouest de Château-Thierry, dans le secteur de Lucy-le-Bocage pour barrer la route menant à la capitale. Les Allemands lancent plusieurs assauts qui sont repoussés par les Marines.

Le 4 juin, tous les effectifs sont au contact de l’ennemi dont la progression est stoppée.

Le Maréchal Ludendorff veut donner une leçon aux Américains, aussi s’engage-t-il dans une série d’attaques et de contre-attaques particulièrement meurtrières. Le sang-froid des hommes du général Pershing est impressionnant.

Le 6 juin, les Américains de la 2e division montent à l’assaut avec l’appui d’une division française sur leur gauche. La progression atteint sept cents mètres ! Dans l’après-midi, une nouvelle charge est lancée contre le bois Belleau. Elle permet à plusieurs groupes de fantassins de prendre pied dans le bois mais la progression en terrain découvert à l’est de la position entraîne de lourdes pertes.

Mais, pour les Marines, la consigne est ‘’ne pas céder un pouce de terrain.’’ Quand le commandement leur demande de se retirer, la réplique est immédiate : « Battre en retraite, mais nous venons juste d’arriver. » La situation est insensée et les Américains tiennent avant tout à s’accrocher au terrain et à démontrer à l’ennemi leur capacité de combat. Pas question de céder. Ce sacrifice permet de conquérir Bouresches.

Les Allemands, surpris par la détermination des bataillons US, tentent à cinq reprises de reprendre le petit village défiguré. Des combats d’une violence inouïe vont durer plusieurs jours dans le bois. L’infanterie de la 3e division US et les sapeurs de la 2e qui se transforment en fantassins ne cèdent pas un pouce de terrain.

Les 7 et 8 juin, dans la partie la plus au sud du bois Belleau, tous les efforts conduits sont vains. Le bois est alors abandonné à l’artillerie française.

Le 9 juin, l’artillerie pilonne sans interruption les positions allemandes.

Le 10 juin, les Américains reprennent les anciennes positions abandonnées mais ne peuvent toujours pas progresser.

Les Marines sont sur le chemin de la conquête

Le 11 juin, pour débloquer la situation, l’état-major allié décide une attaque générale sur le bois Belleau. Les troupes d’assaut américaines s’infiltrent alors dans la partie nord du bois et réussissent à prendre l’ennemi de flanc et par l’arrière.

La réaction allemande est vigoureuse et les combats au corps à corps se multiplient.

Malgré deux puissantes contre-attaques, les Américains occupent en soirée totalement la partie sud du bois et entretiennent quelques positions fragiles au nord.

Le 12 juin, la partie nord est ciblée et la bataille est féroce. Au milieu des obus qui explosent et des mitrailleuses tirant en rafales, les Américains tiennent bon. Les positions qu’ils maintiennent s’avèrent imprenables et sont essentielles pour préparer un puissant bombardement qui est déclenché le 25 juin.

Le 25 juin, pendant quatorze heures, les canons alliés tirent sans cesse. L’assaut lancé à 17 heures est victorieux. Les troupes de la 2e division US assurent l’essentiel du travail, ce qui ouvre le chemin à la conquête du village de Vaux après un nouveau pilonnage infernal le 1er juillet. De son côté, la 3e division s’oppose aux Allemands qui depuis le 4 juin tiennent la rive nord-ouest de la Marne jusqu’à Essômes. Après de violents combats les 6 e 7 juin, la 3e division US conforte ses positions sur un front de huit kilomètres le long de la Marne et organise des raids sur la rive nord pour faire des prisonniers et collecter des renseignements.

Dans la nuit du 11 au 12 juin 1918, un puissant bombardement allemand s’abat sur les positions françaises qui sont situées entre l’Aisne et Longpont. L’ennemi emploie une fois de plus les gaz.

Le 12 juin à 4 heures, ce sont les fantassins de six divisions allemandes qui s’élancent pour briser la ligne de défense française. L’objectif est de faire céder le flanc occidental du saillant de Château-Thierry et de relancer la bataille au sud de l’Aisne. Les Allemands espèrent que sous la menace, les Français vont évacuer leurs positions qui courent de Vic-sur-Aisne jusqu’à l’Oise. Les combats sont effroyables.

La division marocaine doit se replier des ruines d’Ambleny avant que les tirailleurs ne les reprennent. Des groupes de soldats encerclés, tirailleurs et légionnaires, se battent jusqu’à l’épuisement de leurs munitions. Mais, bien que réduit à 1 200 combattants, le Régiment inflige un échec complet à l’ennemi, dans son secteur à l’ouest de Soissons. Le R.M.L.E. perd 23 tués, 127 blessés et 15 disparus.

Le 13 juin, l’attaque reprend au sud de Saint-Pierre-Aigle. Les Français pourtant en manque d’effectifs parviennent à déloger les chasseurs prussiens de la position et à réinstaller leur ligne.

Le 14 juin, la Légion Etrangère est dans le secteur d’Ambleny- Fosse-en-Haut.

L’offensive allemande a été bloquée par les Marines à Bois-Belleau et par les tirailleurs, les zouaves et les légionnaires de la division marocaine dans le secteur d’Ambleny.

 

Jean Balazuc P.P.P.P.

 

Sources principales.

La Légion, Grandeur et servitude – Historama – N° spécial de novembre 1967.

La Légion Etrangère – Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite de John Robert Young & Erwan Bergot – Editions Robert Laffont – 1984.

Le 3e Etranger de Philippe Cart-Tanneur & Tibor Szecsko – Editions du Fer à marquer – 1988.

Histoire de la Légion Etrangère de 1831 à nos jours du capitaine Pierre Montagnon – Pygmalion – 1999.

Histoire de la Légion Etrangère 1831-1981 de Georges Blond – Plon 1981.

Site du S.G.A. Mémoire des hommes.

Site du Mémorial de Puyloubier.

Site du MemorialGenWeb du R.M.L.E. Base 1914-1918.

Wikipédia.

Officiers du R.M.L.E.

Dauphin Paul Romain, né le 22.02.1882 à Artignosc dans le Var ; lieutenant au R.M.L.E. ; tué à l’ennemi le 12.06.1918 à Saint-Bandry, Ambleny, dans la région de Soissons.

Deleye Auguste Jean, né le 16.03.1887 à Roubaix dans le Nord ; lieutenant au R.M.L.E. ; tué à l’ennemi le 31.05.1918 à Saint-Bandry, Ambleny, dans la région de Soissons.

Germann René Louis, né le 31.07.1877 à Bray-sur-Seine en Seine-et-Marne ; chef de bataillon du R.M.L.E. ; tué à l’ennemi le 31.05.1918 à Breuil, Saconin le Breuil, dans la région de Soissons.

Verstraete Mare Eugène dit Teilynck, né le 25.06.1891 à Gand en Belgique ; capitaine au R.M.L.E. ; tué à l’ennemi le 30.05.1918 à Saconin-le-Breuil, dans la région de Soissons.

Sous-Officiers du R.M.L.E.

Koubek Rodolphe, né le 26.01.1885 à Krumbau en Bohême-Moravie ; sergent au R.M.L.E. ; tué à l’ennemi le 31.05.1918 à Saint-Bandry, Ambleny, dans la région de Soissons.

Macias Pierre, né le 24.03.1890 à Madrid en Espagne ; sergent au R.M.L.E. ; tué à l’ennemi le 01.06.1918 à Saconin-le-Breuil, dans la région de Soissons.

Schilt Georges, né le 10.04.1885 à Rivaz en Suisse ; naturalisé Français par décret du 1er juin 1917 ; sergent au R.M.L.E. ; tué à l’ennemi le 31.05.1918 à Vauxbuin, dans la région de Soissons.