Comment donc, sans liberté orienter ses pas et se demander crédule si une aventure vécue est vraiment achevée avant d’avoir été racontée ?

Carl Gustav Jung écrivait : « Je considère que c’est le devoir de tous ceux qui, solitaires, vont leur propre chemin de faire part de leur voyage. N’est-il point vrai de dire que le rituel de l’écriture est l’un des beaux moments d’une journée ? Rendez-vous du soir avec la page à remplir qui devient en besoin, la page vierge et le souci de devoir l’honorer oblige à mieux regarder le monde, à mieux s’imprégner de sa beauté, à mieux tendre l’oreille pour mieux formuler ses réflexions. Je pourrais, prétentieusement, faire mien le mot de Shakespare : « Il est de merveilles en ce monde que n’en peuvent contenir tous nos rêves. » J’ai en mémoire l’expression de mes camarades qui me rendaient visite et qui constataient notre remarquable volonté de participer à la construction du camp de Canjuers, ils disaient que j’étais un « Momo-Erectus », un homme debout qui aimait raconter ce qu’il a fait plutôt que ce qui l’a poussé à le faire…

J’ai bien voyagé à travers le monde au point de dire que le plus court chemin qui conduit à soi-même mène autour du monde.

Aujourd’hui, j’ai conservé intacte ma capacité d’émerveillement et la renforce chaque jour. « Lève-tôt », je suis dans la peau d’un jeune vieillard que le spectacle du monde continue à enchanter, c’est chaque jour une déclaration d’amour qui ne laisse pas de place à l’indifférence, ce cancer des âmes mortes. L’idée que le monde s’affadit avec le progrès est aujourd’hui remplacé par le dogme moderne : « le confort à n’importe quel prix ! ». Il est bon aussi de préciser et d’affirmer que la nostalgie est un penchant de paresseux, elle feuillette le passé en pleurnichant sur les âges d’or perdus. On ne peut pas être sans avoir été, jeune homme, j’étais attiré par l’aventure qui correspondait à un désir de sauter par-dessus les parapets de l’habitude pour rejoindre l’imprévu et densifier la valeur de ma vie, afin de ralentir le cours des heures sans voir le temps passer, j’avais l’impression de « voler du temps à la mort ».

C’est un peu pour tout cela que j’écris ces articles « d’Ecrits vains » à la surface du papier, je laisse traîner les lignes de récits avec une lenteur silencieuse, avec âpreté et la liberté d’orienter mon texte, en vrac, comme je l’entends.

J’impose à mon esprit une forme de conseil de guerre au-dessus de la feuille blanche, rendez-vous avec moi-même, m’imposer l’effort de tenir mon âme en haleine et reprendre à mon compte la belle expression de Montaigne, bref à vivre mieux, à vivre plus, jusqu’à quand ?

Mais surtout, ce message à tous ceux qui peuvent nous faire part des évènements qui ont marqué leur vie de légionnaire, leur mémoire vivante ne doit pas disparaître avec eux, il y a tant de choses à raconter et à faire partager.

CM