Mon cher Maurice,
Je reste sur notre dernière rencontre qui ma fait énormément plaisir, mais je ne t’ai pas trouvé dans le meilleure de ta forme, tu m’expliquais maladroitement que te retrouver sans rien faire ne te donnait aucun goût à vivre, que tu te sentais soudain devenu vieux…
Que te dire ?
Porté, balloté sur le grand fleuve des mots, dans leur mouvance sans fin, un silence soudain s’est imposé entre-nous, une sorte de cri silencieux, nous hurlions dans nos têtes, les mots manquaient…
S’imposait à nous “Etre ou ne pas être”, le choix se posait aspiré par un sombre vertige, celui de disparaître sans laissé de trace… A peine né à la vie que nous voila mortels. Comment donc nous éloigner de la mortelle accolade ?
Une solution éphémère existe, celle de prétendre que la pensée est immortelle et nous donne à jamais une identité, mais ce n’est, hélas, que pour un temps, juste le temps de réfléchir sur le “qui sommes-nous ?” qui revient en force et donne un coup de balai aux pensées inutiles.
En fait, la réponse est peut-être dans la perception relative du temps qu’il nous reste à vivre. C’est plus l’espérance de vie que la vie elle-même qui détermine la vie. Je peux vivre encore dix jours et j’ai l’impression d’être en vie. Je peux vivre encore trente ans et je suis déjà mort. Pourtant les éphémères vivent un jour, vivent-ils ? Souvent nos pensées sont très répétitives et en trente ou quarante ans, il n’est pas sûr que nous ayons plus de pensées qu’en dix jours. Pourquoi ne nous adapterions nous pas au temps supposé qu’il nous reste à vivre ? Pourquoi avons-nous cette perception relative de la vie, du temps à vivre quand l’important n’est pas de vivre longtemps mais de vivre. Une certitude: quelle que soit la durée de cette vie, elle finira par s’arrêter et nous n’emporterons avec nous, aucune marque de notre vie passée. La vie n’existe pas au passé, pas plus qu’au futur, elle n’existe qu’au présent et peut importe la durée de ce présent, c’est l’instant qui nous fait prendre conscience qu’on est en vie.
Alors, profitons de cet instant et vivons avec la promesse d’être encore en vie demain. Le sentiment de vie ne serait pas l’expérience du présent, mais la probabilité du lendemain, une sorte de vie virtuelle, toujours en devenir, ce qui expliquerait l’incroyable succès du monde virtuel aujourd’hui.
J’ai été tellement content de te retrouver, nous avons encore tant et tant de choses à nous dire et à partager, rencontrons-nous à nouveau et pourquoi pas au sein d’une amicale légionnaire entourés des nôtres.
Amitié légionnaire.
CM