Du 23 janvier au 3 mars 1885, à Tuyen Quang, la Légion donne la mesure de sa valeur. Placées sous les ordres d’un chef de valeur, le commandant Dominé, les 1ère et 2e compagnies du 1er Etranger, commandées respectivement par les capitaines Moulinay et de Borélli, sont l’âme de la résistance.
Elles sont renforcées par une compagnie de tirailleurs tonkinois, d’un détachement d’artillerie de marine et d’un détachement du génie. Les 13 officiers et 597 soldats et marins, dont 398 légionnaires, que compte cette citadelle, sont l’objet d’une attaque en règle, menée par environ 20 000 réguliers chinois, braves, bien armés et pratiquant avec art la guerre des sapes et des mines.
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La garnison est soutenue par la canonnière La Mitrailleuse à l’ancre sur la rivière Claire.
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Le 26 janvier, les Chinois bombardent et incendient Tuyen Quang, lançant trois colonnes contre un blockhaus extérieur défendu par le sergent Lehr. Ils sont repoussés partout.
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Le 30 janvier, le blockhaus, trop exposé, doit être évacué.
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La garnison n’attend aucun secours de l’extérieur. Les travaux d’approche des Chinois sont menés bon train tandis que leur bombardement d’artillerie ne faiblit guère. Des pans de muraille s’effondrent que les sapeurs du sergent Bobillot ou les légionnaires réparent avec des palissades de bois. Les Chinois les démantèlent à l’aide de grappins, lancés de leurs tranchées.
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Le 10 février, les Chinois atteignent l’angle sud-est qu’ils font sauter le 11 février.
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Désormais, les ennemis sont face à face mais, prévoyant d’autres brèches, le commandant Dominé a fait édifier une seconde ligne de défense, soixante mètres en arrière.
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Le 17 février, le capitaine Dia, chef de la compagnie de supplétifs tonkinois, est tué.
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Le 18 février, le sergent Bobillot est tué. Il devient une des plus hautes figures de la Légion.
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Le 22 février, le mur d’enceinte saute ; les Chinois se précipitent. Les légionnaires contre-attaquent malgré l’explosion d’une sape dans les sous-sols. Douze hommes sont tués mais l’assaut est repoussé. La situation des défenseurs devient de plus en plus critique.
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Le 24 février, nouvelle offensive. Un assaut inouï, lancé par une nuit d’encre. Toute l’armée chinoise y participe. En face, les capitaines Cattelin et de Borelli, à la tête de leurs légionnaires, contre-attaquent au clairon. Au matin, l’ennemi est repoussé.
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Le 25 février, nouvelle mine.
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Le 28 février, plus de cent kilos d’explosifs font sauter les derniers pans de mur à plus de soixante mètres de haut. Pendant quatre heures, Chinois et Français se fusillent à bout portant. Ce sera pourtant la dernière action ennemie.
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Depuis Yuoc, arrive enfin la colonne de secours du général Giovaninelli.
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Délogés des collines de Hoa Moc par les troupes de secours dont la 3e compagnie du 1er bataillon de Légion Etrangère, les Chinois se retranchent sur la berge droite de la rivière Claire et il faut aux troupes françaises près de 48 heures pour réduire leur résistance.
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Le 3 mars, devant les ruines de leur citadelle, les survivants de la garnison présentent les armes à leurs sauveteurs. Ils innovent. En Indochine, cette tradition se perpétuera.
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Au cours du nettoyage des fortins, voyant des Chinois mettre en joue le capitaine de Borélli, le légionnaire Thiebald Streibler se jette devant son capitaine pour lui faire un rempart de son corps et tombe au pied de son capitaine, tué par plusieurs balles.
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La Légion reste victorieuse et la bataille de Tuyen-Quang mérite sa place dans le Boudin.
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Au cours de la bataille, le capitaine de Borelli arrache un drapeau des Pavillons noirs et déclare ‘’ce pavillon ne devra jamais quitter Bel Abbès. Si la Légion en part, il faudra le brûler. Vœu exaucé le 24 octobre 1962.
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Les deux compagnies de Légion ont perdu le tiers de leur effectif : 32 tués dont un capitaine, et 126 blessés parmi lesquels les 6 autres officiers du détachement.
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Les 1ère et 2e compagnies du 1er Bataillon du Régiment étranger résistent pendant quatre mois à 20 000 Chinois bien armés, dans une citadelle en ruine. Comme ceux de Camerone.
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Après cette bataille, deux nouveaux bataillons de légionnaires arrivent au Tonkin.
Jean BALAZUC P.P.P.
Sources principales :
Le Spectacle du Monde : Legio Patria Nostra – Septembre 2012
La Légion Etrangère : Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite – John Robert Young et Erwan Bergot – Editions Robert Laffont - 1984.
Le 1er Etranger – Philippe Cart-Tanneur et Tibor Szecsko– Branding Iron Production – 1986.
Légion – La légende du 2e R.E.I. – Jean-Pierre Biot – Editions Lincoln – 1991.
Le 4e Etranger – Philippe Cart-Tanneur et Tibor Szecsko - Branding Iron Production- 1987.
Bobillot, sergent de la Légion Etrangère, chef de l’équipe des sapeurs ; il s’illustre lors du siège de la citadelle de Tuyen Quang par les Chinois ; tué le 18.02.1885 lors de la bataille de Tuyen Quang, au Tonkin. Une des plus hautes figures de la Légion Etrangère.
de Borélli, capitaine, commandant une compagnie du 1er Bataillon de la Légion Etrangère au Tonkin en 1885 ; il s’illustre lors de la bataille de Tuyen Quang de janvier à mars 1885. Il laisse au Musée de La Légion un drapeau des Pavillons Noirs pris à l’ennemi. Auteur du fameux poème "A mes hommes qui sont morts", écrit en 1885 après le combat.
Cattelin, commandant une compagnie du 1er Bataillon de la Légion Etrangère au Tonkin en 1885 ; il s’illustre lors de la bataille de Tuyen Quang.
Dia, capitaine, commandant la compagnie de supplétifs laotiens ; tué le 17.02.1885 lors de la bataille de Tuyen Quang, au Tonkin.
Dominé Marc Edmond, né en 1848 ; officier de Zouaves en Algérie ; chef de bataillon, commandant le 1er Bataillon de la Légion Etrangère au Tonkin après la guerre de 1870 ; il se distingue en défendant Tuyên Quang assiégé par des milliers de Chinois et de Pavillons Noirs, de décembre 1884 à mars 1885, avec 631 soldats et marins dont 398 légionnaires ; décédé en 1921.
Giovaninelli, général commandant la colonne de secours vers Tuyen Quang en mars 1885.
Moulinay, capitaine, commandant une compagnie du 1er Bataillon de la Légion Etrangère au Tonkin en 1885 ; il s’illustre lors de la bataille de Tuyen Quang.
Streibler Thiebald, légionnaire au 1er bataillon de la Légion Etrangère au Tonkin ; au cours du nettoyage des fortins, le 3 mars 1885, voyant des Chinois mettre en joue le capitaine de Borélli, le légionnaire Thiebald Streibler se jette devant son capitaine pour lui faire un rempart de son corps et tombe au pied de son capitaine, tué par plusieurs balles.