A partir de 1890, l’augmentation des effectifs et leur dispersion sur les territoires de nos campagnes coloniales changèrent la face des choses. Beaucoup de légionnaires, sans doute attirés par le Paris de la belle époque, cherchèrent à rejoindre la capitale. Les amicales d’Anciens légionnaires s’en occupèrent par le truchement de la Société de Secours Mutuel aux Anciens Militaires des régiments étrangers: « la Légion ». Créée en 1898, selon la loi du 1er avril 1898. Peu après, la Société française de secours aux blessés militaires, en liaison avec la Légion, créait le 27 octobre 1908. Le Bastion 84: œuvre d’assistance aux militaires coloniaux et légionnaires, dont le siège se trouvait au 84-86 boulevard Kellermann ».
Voici comment il est décrit par le comte Jean de Castellermann:
« Le 27 octobre 1908, le Ministre de la guerre mit à la disposition de la Société française de secours aux blessés militaires un des bâtiments situés sur les fortifications au fond du quartier de la Maison blanche, sur le terre-plein qui domine Gentilly, le bastion 86, boulevard Kellermann, inhabité depuis 1886 : il fut rapidement aménagé. Le matériel de couchage fut fourni par l’administration de la guerre. Le matériel de cuisine et de table et la lingerie furent installés par les soins de la Société. Le dévouement des hôtes du lieu eut tôt fait de donner à cet antique magasin d’accessoires un petit air de villégiature à l’usage d’une famille nombreuse où on accède par la classique allée plantée d’arbres. Entrons. Au rez de chaussée se trouvent les services annexes, le bureau des entrées, le logement du planton, le cabinet des membres du Conseil d’Administration, la bibliothèque, la cuisine, la salle de bains-douches. Au premier étage sont installées les chambres et le réfectoire, le magasin d’habillement et le logement du gérant, au deuxième, des chambres encore, l’infirmerie et la salle de visite. Le bastion est entouré d’une palissade de deux mètres de haut. Dans cet enclos, u potager, un verger ont été plantés et produisent déjà des fruits et des légumes en quantité presque suffisante pour les besoins de la maison. Dans les basse-cour on élève des poules dont les œufs sont réservés aux malades ; des lapins pour célébrer les fêtes carillonnées ; des porcs dont on fume les jambons selon succulentes méthodes transmises par les légionnaires originaires du pays où on excelle dans cet art. Les repas sont abondants et les menus variés : au petit déjeuner, du café et du pain. A midi et le soir une soupe ou un potage, un plat de viande , un légume, un dessert et vingt-cinq centilitres de vin.
Faire vivre avec des ressources restreintes des hommes dont il faut restaurer les forces et qui se succèdent par escouades nombreuses à la table du Bastion, c’est le secret des fourriers de la charité. Ces vieux soldats libérés ou convalescents sont admis sans aucune rétribution. En entrant, ils sont tenus de tirer de leur musette que le certificat de bonne conduite ou une lettre de leur capitaine attestant qu’ils sont dignes d’intérêt.
L’œuvre est administrée par un comité composé de personnes appartenant à l’élite de la Société et les membres de la Croix rouge. Elles se sont groupées autour de leur président, le général Dodds, qui retrouve d’anciens compagnons d’armes auprès desquels le nom d’un chef qui les conduisit à la victoire est resté populaire. L’œuvre est devenue une institution dont les services rendus démontrent la justesse de vue des organisateurs et établissent la nécessité. Les résultats obtenus en feront voir le sens patriotique et social. Ils constituent en outre, croyons-nous, la meilleure réponse qu’on puisse faire à certaines affirmations mensongères émises sur le sort réservé à nos légionnaires quand ils ont quitté le régiment. Le bastion ouvrit ses portes le 1er décembre 1908.
L’œuvre fonctionne comme une sorte d’office du travail où l’on s’efforce de faire la balance quotidienne entre l’offre et la demande de main d’œuvre.
1 305 ont été pourvus d’emplois. Un coup d’œil sur la diversité des occupations dans lesquelles ils ont été répartis donnera une idée de l’activité de ce bureau de placement et jettera un jour curieux sur l’origine des éléments de ce microcosme social en perpétuelle formation et changement incessant, boulevard Kellermann. Toutes les professions les ont acceptés, accueillis. Les légionnaires entrés au bastion avec le bagage léger des coureurs de brousse, sont sortis habillés et munis de ce qui leur était nécessaire."
Le bastion durera jusqu’au début de la Première guerre mondiale.
D’autres centres sont apparus par la suite :
1918 - 1977: Centre d'hébergement de Salé.
1930 - 1936: Centre d'entr'aide aux réformés et libérés de la Légion Etrangère de Marseille.
1933 : Maison du légionnaire au domaine de Vède à Auriol.
1935 - 1986: Maison de retraite de Casablanca.
1946 - 1978: Maison des Invalides de Crémieu, puis de la Balme les Grottes (MIL).
1947: Centre d'Hébergement des anciens légionnaires de la Ciotat.
1957 - 1998: Centre de retraite et d'accueil de Strasbourg.
1957 - 1962: Maison des anciens légionnaires de Sidi-Bel-Abbès.
1953: Institution des Invalides de la Légion étrangère à Puyloubier.
1958 - 1975: Maison des anciens légionnaires de Paris - 12, rue de la Mouzaïa.
1962 - 1974: Centre d'accueil et de reclassement de la Malmousque devint en 1974: le centre des permissionnaires.
"Il est certain que nous n'avons pas le droit de planer au-dessus des contingences, que notre bon droit et nos mérites ne nous tiennent pas hors de la Mêlée; qu'on nous critique, qu'on nous exècre plus qu'on nous aime. En vérité on nous craint souvent, on nous jalouse encore plus; on cherche à nous abattre. Et pour être un mole inébranlable, une forteresse inexpugnable, il faut que notre bloc ne présente aucune fissure, il faut que notre solidarité soit totale."
Général Louis Gaultier, président fédéral de 1966 à 1969.