Le général Georges Anne Marie Victor, comte de Villebois-Mareuil est ce que l’on peut appeler un personnage “haut en couleur”, qui marqua les légionnaires qu’il avait sous son commandement.
Singulier, volontaire, pour lui, l’armée signifiait action, engagement, un combat de tous les jours. Mais c’est avant tout un idéologue qui ne supportait pas la routine militaire en temps de paix. L’état-major lui ayant refusé de prendre part à la conquête de Madagascar, il démissionna de l’armée et, devenu civil, fonda l’association “Union des Sociétés Régimentaires d’Anciens Militaires” qui compta 500 000 membres.
Dans l’esprit, cette amicale devait tisser à travers toute la France: “Un réseau d’esprit nationaliste pour lutter contre l’individualisme et le principe bourgeois dans tout son égoïsme intransigeant et démoralisant”…
En septembre 1899, la guerre éclate entre les paysans afrikaners (Boers) et les anglais d’Afrique du Sud, l’ex-colonel trouva son heure venue…
Bien accueilli par les Boers, ils le nommèrent général, cet étrange mercenaire français refusa toute solde et toute rétribution.
Le 5 avril 1900, cerné et pratiquement abandonné par les troupes Boers en déroute, il fut tué à Boshof.
Les Britanniques, ses ennemis, lui rendirent les honneurs militaires.
Georges de Villebois-Mareuil connaissait parfaitement la psychologie du légionnaire et a su fixer ce qu’il appelait: “le mystère de cette humanité étrange”, impressionnants écrits où la justesse des mots ne laisse place à aucune concession…
“La Légion se présente avec un double caractère: on s’y engage jusqu’à quarante ans, elle est composée de soldats de métier pour qui la carrière des armes est un refuge, le pain assuré, souvent un titre de naturalisation, parfois une réhabilitation, c’est-à-dire, pour un temps au moins, une véritable profession… le légionnaire vit dans son rêve. Quel est ce rêve ? Nul ne le précisera, pas même lui; mais il le rendra responsable de ses mésaventures, il lui a donné un nom, c’est le «cafard. Est-iI étonnant que de sombres nuages des trop lourds souvenirs d’un passé en rupture avec son présent pèse parfois, en l’obscurcissant, sur son intelligence; peut-on sourire à la navrante fiction de l’insecte rongeur, enfanté dans les vétustés et les ruines de la vie, promenant sa silhouette d’ombre sur cette âme éteinte au bonheur, s’y attaquant aux dernières espérances ? De même que la vie normale n’est pas le fait du légionnaire, il lui répugne d’accepter les événements dans la monotonie de leur forme et de leur cause ordinaire.
Sa tendance est à dramatiser, à tout draper de légendes; à la vérité plate qui l’ennuie, il préfère son invention qui l’amuse, il s’y passionne et n’en démord jusqu’à ce que, pris à son propre roman, il arrive, par une inconscience progressive, à lui attribuer une part de réalité, et non la moindre, dans sa propre histoire. Cela principalement rend l’investigation difficile dans son existence antérieure, qu’il est loin de dissimuler, à moins de raisons très spéciales, et dont, au contraire, il aimerait à faire parade, en l’enjolivant, pour y gagner du relief. Il a surtout besoin de s’affirmer comme un être pas ordinaire, et, certes il ne l’est pas; c’est un outlaw qui a sauté par-dessus les barrières d’une société où il se sentait mal à l’aise, qui a soif des risques mortels, pour y jouer une vie, seul bien qui lui reste et dont il fait bon marché et qui se donne, quand il le faut, avec l’élan du soldat des grandes époques.”
Les corps dans l’Armée ont une existence intellectuelle et morale indépendante des hommes qui la composent et les mutations aussi nombreuses qu’on les suppose, sont impuissantes à modifier les traditions de leur berceau.
Statue du colonel Villebois-Mareuil élévée à Grez-en-Rouère (Mayenne).
E. Wasteels en 1907 à Béchar, 7 ans après la mort du général de Villebois-Mareuil écrivait ce poème dédié à son ancien colonel:
Le cafard
Ton âme, à butiner les fleurs de notre histoire,
S’enivra de notre âme, aux temps où, fier et beau,
Sans aigrette au képi, tu clamais: « Au Drapeau ! »
En traçant de l’épée un éclair de victoire.
La mort dans un bon lit te parut vexatoire,
Et, comme on avait l’air de ménager ta peau,
Tu brisas ton épée et coiffas le chapeau
Pour t’en aller mourir dans les bras de la Gloire !
La beauté de ta fin te rend cher à nos cœurs.
Dans notre livre d’or, parmi les noms vainqueurs,
Quand ils lisent le tien, les vieux coureurs de brousse
Disent dans leur franchise et leur argot sans fard:
“La Rosse ! mais quand même… il n’avait pas la frousse,
Il osa tout plaquer dans un coup de Cafard.”
Source poésie: “Légion notre mère” Anthologie de la poésie légionnaire
réalisée par le lieutenant-colonel (er) Antoine Marquet
pour les éditions “Italiques”.
CM