Il fut un temps où AM et moi-même, invitions à déjeuner des différentes personnes, ainsi ce professeur, ce maçon, cet ouvrier spécialisé, ce "sans domicile fixe, ce curé et bien d’autres encore.
C’était toujours un improbable déjeuner des plus intéressants.
Pour la Saga de l’été, nous reprenons ces épisodes, le plat peut sembler réchauffé, il n’en est pas moins très savoureux et nous commençons avec l'entrée en bouche: le professeur écrit en 2013:
Comme vous devez vous en souvenir je m’appelle Françoise, je suis professeur de français et ne me dites surtout pas que je suis professeure car je déteste cette féminisation du nom des fonctions que je trouve particulièrement idiote. Imagine-t-on appeler un médecin féminin médecine ? Non, bien sûr, alors je reste professeur et ne me sens pas moins féminine pour cela. Ceci dit en guise de présentation, et après avoir écouté avec beaucoup d’attention vos propos, je ne vais pas vous parler de l’éducation nationale, il y aurait trop à dire et je ne veux pas faire de peine à mes collègues, dont certaines sont des amies, bien qu’elles votent grosso modo comme les populations du 9-3 ! Non, je vais vous parler de la Légion, des légionnaires, selon ma perception de cette institution sans équivalent dans le monde. A ce titre je trouve qu’elle devrait être classée comme patrimoine de l’humanité par l’Unesco.
J’ai toujours été fascinée par ces hommes, dont certains d’entre vous, qui abandonnent tout, famille, amis, patrie pour, se lovant dans les plis du drapeau français, servir la France. Une grande partie de ceux qui viennent à nous ne viennent pas pour servir la France mais pour se servir d’elle, alors le désintéressement légionnaire est déjà un facteur qui me fait adhérer d’emblée à leur cause même si, je ne suis pas tout à fait naïve, je sais que certains et surtout par les temps qui courent, s’engagent aussi pour des motifs économiques, pour obtenir plus rapidement la nationalité française… n’empêche que pendant la durée de leur contrat ils sont prêts à sacrifier tout, jusqu’à leur vie, pour les armes de la France.
Ce quatorze juillet, comme beaucoup de jours de fête nationale j’ai une nouvelle fois vibré en voyant défiler nos chers légionnaires, les seuls à défiler tous les ans depuis nombre d’années, alors que d’autres régiments, français, qui ne déméritent pas, n’ont cet honneur que de temps en temps. Il est vrai que pour la beauté du spectacle les régiments de Légion qui défilent derrière leur musique et leurs pionniers donnent une allure toute particulière à la manifestation, sans que cela ait le côté « montreur d’ours » que l’on pourrait craindre. Cette année, particulièrement, j’ai été surprise de voir défiler le général qui la commande devant les drapeaux des régiments de la Légion et là, ô surprise, le compte n’y était pas… Où sont passés les drapeaux de certains d’entre eux ? Je comprends que celui de la Demi-Brigade soit probablement enlisé dans les sables du désert des Emirats où il est stationné, me donnant la désagréable impression d’une sorte de « location-mercenaire »… je me trompe sûrement mais après tout ce n’est qu’une impression… mais les autres ?
Alors, m’a-t-on appris, les drapeaux défilaient pour marquer l’année de la commémoration du 150ème anniversaire du combat de Camerone qui a eu lieu le 30 avril 1863. Ça je le savais, je suis tout cela de près – je suis abonnée à Képi Blanc, moi ( !) – et je m’étais même rendue à Aubagne pour assister aux cérémonies. Je n’ai pas été déçue, je ne peux pas dire ça, mais pour une telle occasion je m’attendais à plus. En fait, c’était un Camerone comme d’habitude. Rêveuse et devant arriver la veille, j’espérais, je m’y attendais même bien que rien ne soit précisé sur l’invitation, à ce qu’une veillée ait lieu ; au quartier Viénot ou pourquoi pas, cela s’est déjà fait, au théâtre de verdure de Gémenos… j’ai réfléchi et suis arrivée à la conclusion que les budgets ont dû être diablement serrés… Peut-être qu’en 2031 pour le bicentenaire de sa création, la Légion pourra se permettre ce luxe… O tempora o mores… nous ne sommes plus à l’époque des souscriptions nationales pour construire des monuments… hélas ! Et puis, c’est vrai aussi, n’est pas Paul-Frédéric qui veut ! Et la Française des Jeux n’autoriserait pas madame Rollet à refaire une loterie. Bel Abbès et la Légion à papa c’est fini, fi…ni ! Mais tout de même, un événement connexe, important, a eu lieu ce trente avril qui marquait cette date d’une pierre blanche. L’inauguration (encore partielle) du grand musée. Un aboutissement des efforts d’une dizaine d’années. Là encore, j’ai été un peu déçue. Ne m’en veuillez pas mais nous nous sommes astreints à révéler, sans faux-fuyants, le fond de notre pensée. J’appartiens aussi à la société des amis du musée plus connue sous l’acronyme SAMLE. Je participe aux assemblées et, même modestement, je verse mon écot. Je sais qu’une équipe resserrée autour d’un général en 2ème section - c’est comme cela que vous dites n’est-ce pas ? - s’est dévouée sous l’action permanente de son chef pour faire aboutir ce projet qui n’était pas gagné d’avance. De nos jours, réunir trois millions d’euros pour une telle cause n’est pas donné au premier venu et ce n’était que la partie financière d’un vaste programme. Le général dont le nom à consonance bretonne laisse d’emblée imaginer la persévérance, la pugnacité, a mené à bien cet immense pari. Mais qui en a parlé ? Je n’ai rien entendu… un éloge, un remerciement, une reconnaissance… J’ai pensé que dans les circonstances d’accueil des autorités qui présidaient l’ensemble des cérémonies, peut-être un discours de remerciement de cette fameuse société et de son mentor aurait été déplacé ou que ce ne soit que par manque de temps… alors je me suis dit que peut-être plus tard, le 13 juillet au Sénat par exemple, quelqu’un aurait pris la peine de dire un mot sur le nouveau musée, que je compare plutôt à un endroit où les légionnaires ou la famille de ceux-ci quand disparus, déposent pieusement leurs souvenirs glanés sur tous les champs de bataille, sur tous les lieux de combat. Rien. Aucune voix ne s’est élevée pour louer publiquement les mérites de ces opiniâtres bâtisseurs de musée. Cela m’a fait de la peine… mais je sais qu’ils continueront leur œuvre encore et encore.
Moi je continuerai à lire Képi Blanc, en espérant voir un jour un article de fond rendre hommage à tous ces braves. Et je continuerai à verser ma contribution, modeste certes, mais qui va mieux aux légionnaires qui défendent les intérêts supérieurs de la France, qu’à l’effacement des dettes de l’UMP ou du NPA qui, eux aussi, demandent des sous !
- Chère Françoise nous ne pensions pas que de « simples » civils, de surcroît une femme, puissent déceler et observer pour construire un tel argumentaire, alors que la plupart de vos semblables se cantonnent à voir le défilé, à apprécier la Légion dans ses actions, à la conspuer parfois lorsque l’un de ses membres vient à s’égarer, et à l’aimer globalement en somme. Merci.
Nous arrivons au dessert et je vous suppose gourmande… prendrez-vous du café après ?
Demain: l'ouvrier...
AM & CM