L’ancien règlement de discipline générale de l’armée française ne commençait-il pas par la phrase « La discipline est la force principale des armées. Il importe que le subordonné… ». Ses rédacteurs avaient bien situé cette discipline comme force principale, avant même la force des armes. Bien entendu, des générations entières de « bidasses » en ont souffert et l’image courtelinesque de l’adjudant vachard, ou du caporal abruti, dictateur de chambrée, restent des images tenaces dans l’esprit des citoyens, même ceux qui ne voient de l’armée que le défilé du 14 juillet.
Nous avons déjà évoqué dans un précédent billet, l’homme libre grâce à l’observation de règles, donc d’une forme de discipline. Christian, pourrait nous faire croire que sans soumission à une discipline il serait libre de tout. Au contraire, conscient que c’est en se pliant aux règles et aux lois que l’homme peut être libre, notre ami nous livre une heureuse réflexion sur la discipline du légionnaire, sur laquelle tant de fantasmes ont circulé ou circulent encore.
AM
On dit la discipline du légionnaire empreinte de tristesse et que celle-ci est ressentie jusque dans les chants…
Pour lui, la dent de la discipline fait mal, c’est un des points sensibles qui font, dit-on, la force de la Légion.
Cette discipline mérite quelques réflexions et interprétations et, pour commencer, un constat: elle est toujours formée dans l’espace fermé des casernes et n’explique pas le courage sur les champs de bataille ; le courage distingue, la discipline uniformise. Acte de valeur dans le premier cas, c’est un élément égalisateur dans le second. La rébellion à cette règle fait montre indiscutablement, d’une conscience immature.
“C’est une chose d’importance, la discipline à la Légion”, dure, admise, imposée, injuste, elle sait cependant s’adapter aux hommes tant il est évident que seul un commandement prévenant et souple peut dominer.
Il se disait au temps des guerres napoléoniennes qu’il existait une discipline des caporaux et une autre, celle des généraux. A la Légion, la discipline doit-être à la fois celle des caporaux et celle des généraux, fine, subtile, riche des contacts quotidiens, vibrante de cette sympathie qui nait des moments partagés. Dans le “Mémorial de Sainte Hélène » de Las Cases, Napoléon disait: “Une bataille est toujours une chose sérieuse, mais la victoire dépend quelquefois d’une vétille”.
A la Légion, au moment où la prédominance des germaniques avait imposé un formalisme obstiné, s’y opposait généreusement un caractère latin qui présentait un rapport direct de chef à subordonné qui offrait à la discipline légionnaire une possible discussion, un raisonnement sous-entendu entre égaux dans l’expérience de la vie.
Le mot est lâché, une discipline raisonnée… pas toujours raisonnable. Une discipline qui tire dans un sens et qui donne aux hommes la force et la douceur de se supporter.
Le légionnaire possède la réputation de savoir encaisser les coups et sa sensibilité laisse toujours de la place pour de nouvelles angoisses. La discipline n’est pas un règlement, mais une technique, une règle de sauvegarde et de liberté. Le légionnaire, cet homme volontaire, est toujours projeté au-delà du simple devoir, car il est réduit au métier des armes par un destin plus fort que lui. C’est pourquoi il semble expéditif de définir le légionnaire comme “soldat de métier”, d’une réalité à l’autre, de la guerre des princes à celle des principes.
En 1831, concrétisant une décision de Charles X, Louis Philippe ne s’est pas trompé en résorbant les derniers vestiges des anciennes troupes étrangères, en substituant la Légion étrangère aux régiments étrangers mercenaires, issus de la Légion Royale étrangère qui existait sous l’appellation de régiment de Hohenlohe depuis 1821.
Une Légion sans discipline n’aurait aucune possibilité d’exister, mais il reste tellement vrai qu’il est toujours difficile d’obéir à un imbécile, même s’il ne fait que transmettre un ordre !
CM