Aucune prétention d’écrits vains dans ce conte de Noêl insolite et particulier, seulement un témoignage vécu sans aucune recherche de provoquer une quelconque émotion,  rien de plus qu’une anecdote, un ancien souvenir qui ranime, chaque année  au moment de Noël, le retour systématique d’une pensée chaleureuse et fraternelle pour tous mes compagnons d’autrefois éparpillés de par le monde… et qui regardent, peut-être au même moment que moi  l’étoile du berger, celle des rois mages.

Joyeux Noël !

« Un soleil pâle fuyait à l’horizon, il diffusait une lumière sans chaleur.

Coiffé d’un bonnet de marin, tout en mangeant avidement un bout de pain sans goût, il regardait son ombre étendue sur un sol ensablé. Prenant brutalement conscience de l'image insolite projetée, son sang ne fit qu’un tour, il se disait: "comment diable, en était-il arrivé là ?". L’image projetée ne lui plaisait pas. Il lui devenait incontournable et indispensable de rapidement « changer d’air ».

C’est ainsi que quelques années plus tard il regardait satisfait, sa nouvelle ombre de jeune légionnaire à Madagascar. Voilà présenté, pour le moins, un bien curieux motif pour s'engager à la Légion ? Pourtant, rien de plus qu’un parmi tant d'autres, malheureusement tout n'est pas si simple et trop de vilaines choses viennent s'accumuler en vous, inconsciemment, jusqu’à atteindre un trop plein de médiocrité et il arrive parfois que tout explose...

Lors d’une faction, un jour de garde, il regardait cette ombre nouvelle qui l’accompagnait inlassablement, en silence elle lui racontait en noir et blanc ce qu’était devenu sa nouvelle vie. Il compris que son ombre n’était qu’un prêt, qu’elle appartenait au temps et que parfois elle s’en allait un moment, ailleurs pour nulle part et revenait telle une femme infidèle pour s’éclipsait à nouveau, il lui arrivait d’être accompagnée … Compagne de vie dépendante et libre, sa présence fréquentait la lumière; certain soir elle apparaissait ensorcelante et se dédoublait selon les fantaisies que lui offrait, séducteur, un éclairage artificiel pour une scéance émotion qui se voyait souvent lors de  nos marches légionnaires de nuit, quand le lampadaire naturelle de la terre illuminait nos routes, nos chemins, nos paysages, spectacle angoissant d’une danse inquiétante où les ombres  s’entremélaient les unes aux autres. Un groupe de légionnaires se déplaçait, il regardait le sol que piétinaient, d’un bruit sourd, leurs brodequins cloutés, leurs ombres s’alignaient au rythme de leurs pas cadencés. Envahit d’un sentiment insupportable, il expliquait au caporal qui venait le relever, au cours du chemin de leur retour au poste de police, que lui aussi avait une ombre. Ses yeux s’écarquillaient à mourir de rire, il ne pouvait comprendre, c’est à partir de ce moment là, que le caporal le classa définitivement parmi les illuminés à surveiller. Il avait instinctivement le sentiment animal et réconfortant de lui faire un petit peu peur...

Louis, un de ses compagnons arrivait à la fin de son séjour sur l’ile rouge après les 30 mois de présence réglementaire. Avant son départ il lui dit: “Tu sais, je crois bien avoir compris ce que tu voulais dire concernant nos ombres. Je sais surtout, que désormais, je ne serai plus jamais complétement seul, j’aurais toujours avec moi, mon ombre.

 “L’ombre est quelque chose d’inférieur, de primitive et de malencontreux mais non absolument mauvais. La vie nécessite pour son épanouissement non pas de la protection mais de la plénitude. Sans imperfection, il n’y a ni progression, ni ascension”. Carl Gustav Jung.

Le soir de Noël, mes chers Compagnons de route, pensez à vos ombres, ces reflets de la lumière du sapin et prenez le temps de regarder l’étoile du berger, peut être la regarderons-nous au même moment ?

Ombre de lune, ombre de soleil, ombre d’étoile, que serions-nous sans nos ombres, que serait la lumière sans les ombres...

Joyeux Noël !

CM