"Antoine surprend, vieux garçon, ce célibataire endurci prend ici la défense de la femme? Le connaissant, je ne suis absolument pas surpris. Par ailleurs, j'ai toujours été interrogatif quand à l' extrême politesse et le respect qu'affichait en général le légionnaire vis à vis des femmes. Ce billet est particulièrement intéressant, il parle d'un phénomène aussi vieux que le monde, il nous concerne tous, plus ou moins. Peut-être que les choses décrites ci-après devraient changer, mais encore  faudrait-il tout simplement s'entendre sur ce que veulent dire les mots: civilisation, humanité et Amour ! Je laisse Antoine développer ses pensées à ce sujet" - CM

"Un entrefilet dans un journal et un reportage télé m’ont donné des envies de meurtre.

L’amour existe. Cela devrait être le b, a, ba de l’éducation, la première chose à enseigner aux enfants dès la crèche infantile.

Il existe et doit se manifester avant et après tout, par le respect. Respect pour les idées de l’autre, pour le corps de l’autre, pour la liberté de l’autre. Le corps d’une femme vaut autant que celui d’un homme. Cette idée d’égalité, effective, est très importante, parce que la sacralisation de la femme au travers de la maternité, a augmenté, renforcé, les violences qui leur sont faites: celles qui ne sont pas des saintes seront inévitablement des trainées, et il suffit qu’une femme sourie vers le côté pour la déséquilibrer de son piédestal de sainteté. Ce concept traverse pratiquement tous les discours, même les plus prétendument démocratiques et éclairés : ceux qui défendent la parité dans les entreprises, en politique, pour élever le niveau éthique de la société –   les femmes seraient plus sensibles, plus humaines ou  autres billevesées du même genre -  admettent, implicitement, que le devoir est différent quand il s’agit d’hommes ou de femmes. Ceux qui disaient que Margaret Thatcher (allez voir le film « La dame de fer » qui a valu un Oscar a Merryl Streep) était un « homme en  jupons » ou ceux qui définissent affectueusement leurs filles comme des « garçons manqués », contribuent à l’entretien de la violence faite aux femmes. Parce que le paternalisme en est le premier  et le dernier degré. Il s’infiltre dans la tête des gens et les diminue en les classant en deux catégories : agresseurs et victimes. La condescendance, avec ces principes, sous prétexte que le changement de mentalités est lent, est la principale responsable de la situation tragique de certaines femmes. Dans l’ailleurs où je vis,  pourtant un pays paisible, en une année, quarante femmes qui  avaient remis leur amour entre les mains de leurs compagnons, ont été tuées par eux.

Chacune de ces femmes mortes, doit représenter dix fois plus d’autres qui, si elles n’ont pas péri, sont battues, maltraitées, surveillées, humiliées, terrorisées quotidiennement. Beaucoup d’entre elles n’ont pas vingt ans, selon des informations révélées par la presse. Certaines, entre 11 et 18 ans ont déjà subi une quelconque forme de violence. « Si tu n’es pas à moi tu n’es à personne » s’est exclamé le petit copain de Stéphanie avant de la larder de coups de couteau. Pour quelle raison de jeunes femmes acceptent-elles cette toute-puissance ? Parce qu’elles ont appris à se dévaloriser et s’extasient d’étonnement quand un garçon   paraît avoir fait d’elles l’épicentre de sa vie. Parce qu’on leur a appris à pardonner, parce qu’un rien les émeut. Parce qu’on leur a appris à se contenter de peu. Beaucoup de femmes sont éduquées ainsi. Les femmes qui prennent la décision de demander la séparation entendent fréquemment leurs maris dire : «De quoi te plains-tu ? Je ne t’ai même pas frappée». Que ce soient les femmes à prendre l’initiative du divorce, dit beaucoup sur l’état de discrimination dans lequel nous vivons ici ou là. Pour quelle raison un homme voudrait se séparer alors qu’il peut tout et a tout ?

Je  crois que les campagnes d’alerte, pour très intelligentes et bien intentionnées qu’elles soient, ne résolvent pas le drame,   au contraire : c’est comme du sang dans une mer truffée de requins. La prévention ? Oui mais comment ? Des femmes portent bien plainte auprès des services de police, mais la police ne peut être l’ombre de ces femmes. Leur compagnon aura toujours la possibilité de mettre en œuvre ses desseins dévastateurs. Beaucoup, devant cette inaction ou impossibilité policière, se lassent et ne portent pas plainte ; d’autres, ne le font pas uniquement par peur des représailles que le conjoint ne manquera pas d’exercer. La quasi-totalité des femmes tuées avaient porté plainte en Justice. Ces plaintes ont probablement accéléré leur mort, car leurs compagnons, même pris par la police, sont relaxés immédiatement par les tribunaux avec quelques admonestations, bons conseils et obligation de présentations périodiques. Dans nos sociétés, nous apprenons aux femmes à aimer et à souffrir à fond  perdu. Et nous les abandonnons, purement et simplement, dans les mains  de sales types qui les détruisent comme des jouets usés. Dans ce billet je parlais des femmes et des hommes. Mais ceux-ci méritent-ils d’être appelés ainsi ? En tout cas ils me révulsent, je ne les considère pas mes égaux et je leur refuse le droit d’être appelés comme moi : Homme.

AM