L’article proposé par monsieur Jean Balazuc concernant la Légion au combat dans le Maroc de Lyautey de 1921 à 1922 est particulièrement intéressant. Pour compléter celui-ci, nous vous proposons ces écrits du « Manchot magnifique » Zinovi Pechkoff qui a très récemment fait l’objet d’un article sur le site.
Mise en ambiance, bonne lecture, extraits du livre « La Légion Etrangère au Maroc par Zinovi Pechkoff : « La menace d’Abd-el-Krim » :
Depuis longtemps, on s’attendait à des troubles sur la frontière de la zone espagnole, car si les relations entre indigènes et français étaient parfaites, la zone espagnole était toujours agitée. Cette agitation doit être imputée principalement au caractère guerrier des Riffains qui habitent les hautes montagnes de la région. Ces tribus de la montagne, perpétuellement en guerre les unes contre les autres, eurent toujours des chefs ambitieux, jaloux d’imposer leur autorité aux pays voisins.
Mohamed ben Abdelkrim El Khattabi est né vers 1882 à Ajdir au Maroc, mort le 6 février 1963 au Caire en Égypte, est un résistant marocain, du Rif. Il est devenu le chef du mouvement de résistance contre la France et l'Espagne au Maroc, lors de la Guerre du Rif, puis l'icône des mouvements indépendantistes luttant contre le colonialisme.
Abd-el-Krim fut un de ceux-là. Ses succès dans des guerillas sur les postes avancés des espagnols assurèrent son prestige parmi les indigènes. Ses forces augmentèrent. Il cerna quelques détachements esâgnols et réussit à s’emparer de leurs armes, de munitions et de mitrailleuses.
Ces nouveaux succès fortifièrent son influence sur les chefs des tribus de la montagne et, quand en 1923, il eut capturé une armée espagnole, il devint le grand homme du Riff.
Il ne relâcha les prisonniers qu’après voir exigé une lourde rançon. Il garda les canons et les mitrailleuses, des milliers de fusils, des millions de cartouches, des provisions et tout le matériel de téléphone et de télégraphz de campagne. Alors il conçut l’idée de pénétrer dans le Protectorat français où les tribus vivaient pacifiquement depuis ces quinze dernièrs années.
Naturellement, ces tribus indigènes vivant sur la limite de la zone espagnole et du protectorat français, connaissaient les succès d’Abd-el-Krim. Elles savaient exactement combien d’hommes il avait sous les armes et quelle forces la France lui opposait pour les protéger.
Dans l’hiver 1924, avant de commencer son mouvement sur la zone française, Abd-el-Krim envoya constamment des émissaires aux tribus-frontières du côté français, afin de les inciter à se joindre à lui, sous peine d’être exterminées. Ses forces le lui permettaient, disait-il. Que si on ne le croyait pas, on vînt voir combien d’hommes armés étaient assemblés pou envahir la région marocaine.
Les marocains y allèrent. Ils virent. Ils virent réellement des centaines et des centaines d’hommes armés et un grand déploiement de forces et du matériel de guerre. Ils virent des guerriers prêts à balayer tout devant eux au moindre signal. De retour dans leurs villages, ils dirent ce qu’ils avaient vu, et naturellement, ce fut une consternation générale parmi les tribus de la frontière.
Leurs chefs épouvantés s’adressèrent aux commandants des postes français.
« Amis, leur disaient-ils, connaissez-vous le danger qui nous menace ? savez-vous combien d’hommes sont armés contre vous ? De quelles forces disposez-vous ? Nous sommes effrayés. Pourrez-vous nous défendre ? Nos femmes sont affolées. Les vieillards prétendent que si vous ne nous protégez pas, ils ne savent pas ce qu'il adviendra de nous; Nous serons massacrés. Tout sera massacré. Les Riffains mettront tout en flammes. Qu’allez-vous faire ? Quelles mesures allez-vous prendre ?
Les officiers des postes connaissaient bien le danger. Mais que povaient-ils faire ? Non seulement, le nombre des troupes au Maroc n’avait pas été augmenté après la défaite des armées espagnoles, mais encore, par économie, pour ne pas apparaître une nation militariste, avait réduit, d’année en année, l’importance des effectifs. Et bien que les officiers isolés, enfermés dans leurs postes avancés, eussent notifié la situation au haut commandement, celui-ci ne pouvait rien faire pour les aider. Pour un motif ou pour un autre, raisonnable ou non, ou sans explication, on n’envoya pas de renforts aux postes.
Encore et encore, les chefs de tribus amies venaient et répétaient :
« Mais le temps passe ! Ils arrivent ! Ils arrivent ! Qu’allez-vous faire ? Comment nous aiderez-vous ? Où sont vos troupes ? Envoyez seulement quelques centaines d’hommes dans nos villages ; ils se montreront et rassureront nos paysans. Si les tribus sont rassurées, elles aideront vos troupes. Ne pouvez-vous pas nous envoyer des armes ? Nous pourrons nous défendre nous-êmes si vous nous aidiez.
Alors, une nuit sombre, puis une autre, et finalement presque toutes les nuits, sur un point quelconque de la frontière nord, ici à un kilomètre d’un poste, là à deux kilomètres, sans être découverts par la petite garnison, des bandes armées de cinquante ou soixante Riffains pénétrèrent entre les postes, incendiant les villages, les maisons et les tentes des indigènes.
Ils dévastaient tout, enflammaient tout ce qui pouvait brûler, s’emparaient du bétail et parfois enlevaient les femmes et les enfants.
Avant que l’alarme pût être sonnée, avant que les postes pussent mettre en œuvre canons et mitrailleuses, avant que les indigènes eux-mêmes pussent prendre les armes, les brigands s’étaient enfuis. Même si nous avions eu les troupes nécessaires, nous n’aurions pu les poursuivre, les traités internationaux interdisant aux troupes françaises de dépasser la zone.
Les indigènes ne comprenaient pas. Ils n’attribuaient pas nos hésitations aux lois internationales, mais à la crainte. Personne au monde n’aurait pu leur faire entendre que des brigands dussent rester impunis à cause d’un traité passé entre différentes nations.
Cette soumission, cette fidélité de civilisés à une parole donnée ne pouvait pas être admise par des hommes qui ne connaissent d’autres puissances que la force. Cette force, nous ne l’avions pas !
Après des mois de pillage, après des actes et des actes de brigandage impunis, non réprimés, la rebellion éclata dans les tribus de la frontière.
La plupart des chefs avaient décidé de rejoindre les Riffains…
Une nouvelle migration commençait. Une migration comme on n’en avait pas vu depuis des années et des années…
Les vieillards retrouvaient le désordre qui fut si familier à leur jeunesse et ils n’en auguraient rien de bon. Cependant, ils partaient. Ils s’en allaient plus loin, encore plus loin faire leur soumission à des chefs pour lesquels ils n’avaient ni estime, ni attachement.