Un de mes amis vient de partir après un vrai combat, cauchemar d'une fin de vie sans dignité...


Il y avait chez lui un retrait, presque un dédain, celui des pauvres pour les riches, des maigres pour les gras, des subalternes pour les supérieurs. Il avait un don, celui de donner sa chance à chaque mot, en les choisissant de telle sorte qu'ils puissent exprimer, là où ils les avaient placés, leur sens plein, charnel, il rendait invisible l'art d'écrire et faisait voir les choses derrière les phrases. Il disait que ses lectures l’avaient amené à comprendre que le spectacle de la nature culminait dans la joie de disparaître, dans la vision de ces choses d’autant plus belles qu’elles se passent de nous, ne se soucient pas de nous et possèdent le pouvoir de nous anéantir, puissance de destruction qui nous voue à l’anéantissement.

Il était classé "ancien combattant" de ceux qui restent fidèles à leur passé, cette obstination à témoigner dans une société qui ne prête plus qu'une attention ennuyée et où les gloires officielles ouvrent le chemin de l'oubli. Ce n'est pas à la guerre qu'il a montré le plus de courage, c'est le jour où il a dit la vérité contre lui-même, non pour y trouver un impossible apaisement, mais parce qu'elle était la vérité et qu'il avait été formé à la dire.

Il manque dans le décor, nous nous voyons si peu que je reste persuadé qu'il est encore là…

CM