Chapitre 4 : Histoire d’une photo :
Situation particulière.
Djibouti mai 1994.
La guerre fait rage au Yémen et les ressortissants occidentaux sont en danger
La Marine française (et peut-être des navires d’autres nationalités) les évacuent sur Djibouti, port situé à quelques encablures d’Aden
Les forces françaises sont chargées de les accueillir : le 5ème RIAOM et la 13ème DBLE.
Mais en raison de leurs différentes nationalités, la 13 qui possède en son sein des légionnaires nés dans différents pays d’Europe de l’Est (Russie, Etats baltes, Pologne etc…, tous parlant russe) accueillera les ressortissants principalement issus de cette région du globe, les autres allant au 5.
L’affaire:
L’évacuation se fit selon les modalités arrêtées par l’Etat-Major des FFDj, avec le concours de l’Etat-Major des forces armées djiboutiennes : les réfugiés étaient récupérés sur les bateaux et acheminés vers les quartiers du 5 et de la 13 où ils étaient pris en charge, après être passés au contrôle de l’administration locale : identité, composition des familles etc…
Le 5 alla récupérer sur les bateaux les Français et autres nationaux européens, la 13 les autres d’Europe de l’Est etc… selon la composition des « passagers » donnée par les pachas des bâtiments de la Royale.
MAIS, c’était sans compter sur les journalistes et/ou photographes qui, arrivés en masse à Djibouti, mitraillaient le débarquement pour le compte de leurs journaux respectifs.
Les familles furent accueillies, les enfants en bas âge portés par les coloniaux et les légionnaires.
ET C’EST LÀ qu’intervint l’INCIDENT : un photographe eut l’outrecuidance de prendre la photo d’un légionnaire protégeant du soleil la peau du crâne fragile d’un nourrisson.
Celle-ci, reproduite ci-dessus, fit la Une du Figaro, journal qui arriva à Djibouti par avion le lendemain ou le surlendemain.
Fureur indescriptible du COM Terre qui vit là une offense à son Arme, protégée comme chacun sait par le Tout-Puissant, la légion ne se prévalant que de l’égide d’un simple saint, mais oh combien important, Antoine, dit le Grand, fondateur de la vie monastique au 3ème siècle après Jésus Christ (ce qui n’est pas rien) et que la légende affublait d’un cochon… donc sans aucune comparaison possible.
La colère lui monta au nez, le rouge aux joues, la rage le piqua au vif : un légionnaire à la Une d’un des plus grands quotidiens français ? et la coloniale passée aux oubliettes ?
Que nenni, messire !
Les ordres ne tardèrent pas à tomber : seuls, les coloniaux du BCS monteront sur les bateaux et répartiront les évacués dans les corps, en catimini, à la sauvette, à l’abri des regards indiscrets de cette engeance maléfique qu’est la presse…
La 13 continua à accueillir les Slaves, logés dans les bâtiments de la 3ème compagnie installée pour la circonstance dans un camp de toile.
Les avions russes vinrent récupérer leurs ressortissants quelques jours plus tard et une vidéo fut diffusée peu de temps après sur la télévision djiboutienne : c’était l’interview, dans les avions, des évacués qui remerciaient la légion de les avoir si bien accueillis…
Le COM terre but le calice jusqu’à la lie.
PS : Celui-ci, lorsqu’il était en poste au SIRPA Terre, avait été le conseiller militaire de Raoul Coutard lors de son tournage du film « La légion saute sur Kolwezi ».
Ce dut être un calvaire pour lui…
Simon Terrasson