«Je croyais que mon dégoût du monde avait atteint le maximum mais il s’est encore accru. Je ne peux plus jeter un regard sur les journaux. La stupidité, la veulerie, la méchanceté qui s’y étalent me font souhaiter un nouveau déluge pour engloutir tous ces médiocres coquins. Il n’y a de bon que les plantes sauvages, les montagnes, le ciel et les nuages ». Alexandra David-Néel.
Pour moi, un nouvel horizon se dessinait avec la perspective immédiate de quitter Paris et sa banlieue du « neuf trois » (93).
En fait, j’espère me sentir un petit peu plus en France, ici, les esprits des jeunes gens, en manque de repères, se soumettent trop à un discours ambiant de détestation du pays où ils vivent et où, pour l’immense majorité d’entre eux, ils sont nés.
C’est un peu aussi cela les conséquences de ma niaise espérance à trouver un village qui fait pitié, de ceux qui ferment leurs cafés-tabac, au moment où s’estompent et s’érodent les traditions ancestrales. J’ai le souci de me retrouver retraité dans une de ces petites villes, dans une de ces régions que l’on nomme le « ventre mou » de la France ou la » diagonale du vide ».
C’est ainsi que j’aspirait à faire partie de cette population nouvelle appelée « rurbains », pas vraiment urbaine et très peu rurale qui transporte la ville à la campagne. De ceux qui ne s’accoudent plus au comptoir du café et transforment la vision de ce que devrait être le monde, de ceux qui pratiquent une vie de relation équilibrée entre l’homme, la terre et le monde animal, dont le village constituait le foyer de rayonnement.
Heureusement ou peut-être malheureusement, les jeunes eux sont ailleurs, la campagne, les collines sont les pays de la vieillesse. Ainsi, j’aspire, à quelques années du dernier quart de mon existence, à un cadre de vie anonyme, à l’aspiration de plus d’espace, de silence et de sérénité.
Toute ma vie a été semblable à cette plage que de hautes vagues balayaient sans cesse… toujours le calme revenait le soir, à l’image de ce que devrait être l’existence des hommes. Aujourd’hui, je souhaite une mer calme permanente, de celle qui fait avancer très doucement les bateaux des marins. Rassurez vous, je sais trop bien que la solitude n’est bonne que pour les ermites, ce qui ne saurait être bon pour moi tant l’isolement me semble horrible et pénible. Imprégné de ces décisions incorruptibles il me faut, cependant faire une confession révélatrice et avouer avoir un besoin impératif des autres et je ne saurait vivre trop loin d’une grande ville, l’homme existe aussi par les faiblesses que révélent ses propres contradictions…
La bourrasque d’un nouveau déménagement s’amorcait comme une tempête dans un verre d’eau. Installé dans la région parisienne, je n’ai rencontré autour de moi ou dans la rue, que des visages fermés, maussades, le regard éteint qui parfois semble s’éveiller en donnant l’impression de fouiller dans les pensées et dans les cœurs mais qui, en fait, n’est que le reflet d’une pensée intime et non un intérêt soudain pour ces hommes invisibles qu’il regarde sans les voir...
Aucune réponse à un « bonjour » lancé comme un message en l’air sans besoin de réception… Tickets pour ceci SVP, cartes pour cela SVP, contrôle pour tout, la France des grandes villes est devenue le pays des hommes tristes à l'image des passagers du métro...
Je reviens à Alexandra David-Néel qui disait en 1926 : « Sur la cote d’Azur comme dans les environs de Paris, on voit des affiches de lotissement partout, c’est hideux… La mentalité qui doit se développer dans ces cabanons nous promet une jolie race ». Bien entendu, le mot « race » reste à définir, mais la vision du futur, notre futur, celui qui est le nôtre aujourd’hui, ne pouvait mieux se définir…
CM