Cela faisait presque deux ans que j’avais pris les fonctions de directeur de l’Institution des Invalides de la Légion Etrangère à Puyloubier. Fort de cette fonction, je rendais souvent visite aux ateliers et ce jour là était noté au programme de mon emploi du temps celle de la relieure à la tête de laquelle s’exercait avec beaucoup de succès monsieur Housiaux. Homme original vivant un peu en marge de notre société,  un des civils recrutés par la Légion, au même titre que monsieur Paris pour la céramique:

Monsieur Housiaux apportait un savoir faire indispensable et rendait rentable l‘atelier, non seulement au plan financier mais surtout occupationnel, une sorte de reconversion pour nos pensionnaires en leur donnant le précieux et indispensable sentiment de servir encore pour le plus grand bien de leur Institution légionnaire… Cet homme se présentait relieur exceptionnel, doté d’une qualité professionnelle qui malheureusement disparait petit à petit pour laisser la place aux reliures industrielles. Mais c’est un tout autre sujet que je ne saurais entamer tant il véhicule de passion et surtout fait montre d’une évolution inévitable qui change considérablement notre vision de ce qui est pompeusement appelé Progrès !

Monsieur Housiaux me disait que les livres qu’il reliait étaient en majorité des missels et des bibles, heureusement,  parfois quelques livres  valaient systématiquement une reliure de belle qualité. C’est ainsi qu’il m’offrait le livre relié de Pierre Mac Orlan : « La Légion étrangère ».

Intrigué et particulièrement intéressé, je reçois en cadeau ce livre. Dès après la lecture de la première page, le livre m’enchante par la manière très originale adoptée par l’auteur pour parler de la Légion et du légionnaire.

La préface amorce ma lecture :

« La plupart des aventuriers de notre temps sont des irréguliers en marge de la société. Le premier pas vers l’aventure romanesque, c’est de rompre avec les lois sociales. La plupart des héros de l’aventure illégale se créent d’assez jolies situations, mais en qualité de personnage de roman. L’aventuremilitaire occupe un champ plus restreint parce qu’elle est honorable et que l’honneur social s’allie de moins en moins avec la fantaisie. Le légionnaire représente assez bien le type de l’aventurier militaire. Il connaît la grandeur et la servitude militaires, mais il connaît également la contre-partie des vertus dont il est le gardien fidèle. Pour cette raison, bien des gens se font une idée trop définitive et trop rigide de ce que peut être un soldat de la Légion étrangère.

Que ceux qui croient qu’on s’engage à la Légion pour le délicat plaisir de travailler comme un mulet se trompent.

On va à la Légion pour des causes qui appartiennent à la renommée farouche de l’aventure et parce que l’attrait d’une poésie, souvent créée par des personnages inquiétants et dessiné selon les désirs secrets des aventuriers, plus puissant que l’intérêt estimé selon les lois de la vie civile. »

Livre très intéressant et sans concession de quel ordre que ce soit sur la Légion, l’aventure espagnol, le Mexique, l’Extrême Orient, le Dahomey, le Soudan et Madagascar, la guerre 14-18, le Maroc, la Syrie pour terminer avec un chapitre sur le 1er Régiment Etranger de Cavalerie.

La conclusion note que l’auteur aurait aimé : « faire mieux connaître la Légion, toujours aussi mal connue, en dépit des efforts qui ont été tentés par tous ceux qui écrivirent sur ce sujet. Qu’on sache bien qu’un homme qui s’engage à la Légion n’est pas un homme perdu ». Précision oblige, ce livre est écrit dans les années 30, il rapporte une pensée de l’auteur qui mérite encore aujourd’hui, une réflexion : « La Légion, au lieu d’être un prétexte à des discussions enfantines et stériles, devrait constituer l’origine d’un principe d’entente entre des peuples que les évènements et l’intérêt contraindront à s’allier dans un  avenir peut-être peu éloigné ». Peu éloigné ? quelques années plus tard après la parution du livre s’impose au monde la guerre 39-45, la plus meutrière de tous les temps…

CM

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