Ah, si les morts pouvaient entendre, voir, lire… probablement notre défunt camarade de La Réunion se réjouirait d’avoir au moins, post mortem, soulevé un intéressant débat d’idées. Je reconnais totalement le bien-fondé de la position de notre camarade Christian, d’autant plus qu’il a souvent été confronté à la mort de nos anciens dans les organismes qu’il a dirigés. Je ne veux pas écrire de bêtises mais je pense qu’il a rédigé quelque 133 éloges funèbres pour ceux qu’il accompagnait jusqu’au « dernier bivouac ». C’est dire qu’il a de l’expérience en matière de comportements humains dans de telles circonstances et que son point de vue doit être reconnu comme légitime. Je savais aussi, par son entremise, l’action dévouée de nombreux Anciens au profit de ceux des nôtres égarés, volontairement ou non, dans la vie. C’est pourquoi je précise que le propos de ma lettre n’est pas de distribuer de bons ou mauvais points à untel ou à tel autre, mais simplement d’attirer l’attention sur un cas particulier. Dans un tout autre domaine, pour illustrer ma position, il me vient à l’esprit un assez vieux souvenir qui, à mon sens, présente une certaine analogie avec le cas présent.
Commandant d’unité dans un régiment outre-mer où j’avais, quelques années auparavant demandé et obtenu qu’il n’y ait plus de kermesse à l’occasion de Camerone pour diminuer les charges du personnel, tous faisaient un effort pour que la tombola du même nom soit un succès, et remplace financièrement la kermesse. J’avais décidé que les légionnaires et caporaux devaient acheter un carnet de tickets, les caporaux-chefs deux, les sous-officiers trois et les officiers cinq, y compris ceux de l’état-major. La solde OM et le petit prix des tickets justifiaient cette décision. Mon adjudant de compagnie est venu me voir pour me dire que le sergent-chef X refusait d’acheter quoi que ce soit car aucun règlement ne l’y obligeait... Soit. Je l’ai fait convoquer au rapport pour le lendemain. Sûr de son fait, il s’est pavané quelque peu à la popote, conscient et certain, à juste titre, que je ne pouvais le sanctionner.
Après sa présentation réglementaire, je l’ai laissé au garde-à-vous pour lui poser cette simple question : - Le jour où tu t’es engagé à la Légion combien t’a-t-on fait payer le premier repas ? Il m’a répondu : « Rien mon capitaine ». – "Tu peux disposer". Dans l’après-midi l’adjudant de compagnie me rendait compte que le sous-officier en question avait acheté les trois carnets de tickets. Une simple phrase lui avait fait comprendre le devoir moral d’être solidaire de ses camarades.
AM
Bien entendu que je suis en accord parfait avec les propos d’Antoine, je pense, pour répondre à ce message lancé sur le net, que c’est avant tout un problème de société et de manque de communication. Nous connaissons bien ce rejet de notre communauté pour ceux qui ne sont pas dans la moule qu’impose à l’imagerie populaire l’ancien légionnaire en blaser bleu marine et béret vert vissé sur la tête. Personne, à priori, ne saurait accepter le rejet et le mépris pour un ancien légionnaire par l’amicale implantée dans le secteur géographique decelui-ci. C’est contraire à notre discours de solidarité qui fait la force de notre honorable famille d’anciens légionnaires où dit-on la Fidélité est une devise immuable. Mais où se situe cette « Fidélité » quand l’actualité met en avant, « un clochard » (pour certains SdF) qui dernièrement est décédé à Paris, mort seul et sans secours, évènement ignoré de l’Amicale parisienne… Cet ancien légionnaire, déserteur, affublé de ses deux chiens dont il ne voulait absolument pas se séparer, avait fait le choix d’une bascule définitive quant à sa manière de vivre et ne souhaitait aucun secours. Dans ce cas reste à maitriser un fort sentiment d’impuissance et de frustration devant cette misérable situation. Une évidence s’impose, aucune solution ne se présente, la force ne saurait être de mise.
Quant à notre camarade réunionnais, le problème est tout autre. Il s’agit de ne pas être concerné quant à rendre un dernier hommage à un ancien légionnaire qui n’avait pas sa “carte du parti”… J'ai en mémoire qu'une amicale était indisponible pour les cérémonies funéraires de ses propres membres les jours des vacances d’été… pensez donc, personne de disponible pour porter le drapeau … Heureusement, ce n’est pas la règle, loin s’en faut, et je rends ici hommage à l’amicale d’Aubagne et à son Président qui bougent dès qu’il s’agit d’un ancien légionnaire qu'il soit inscrit ou non à l’amicale. Il fut un temps, je disais aux pensionnaires de Puyloubier puis à ceux d’Auriol, que “je ne saurais les imposer de venir à l’inhumation d’un de leur camarade décédé dès l’instant où ils ne le souhaitez pas; participer par obligations à une cérémonie mortuaire n’est tout simplement pas acceptable, personnellement, si je devais rester seul devant le cercueil d'un camarade, je le ferais avec honneur et beaucoup de fidélité»...
Un homme qui a servi à la Légion aurait-il des droits à sépultures réglementées ? Je considère que dès l’instant où il a été légionnaire, nous ne pouvons pas ne pas réagir, mais il est vrai que souvent l’information arrive trop tard. Il n’y a pas si longtemps, une note précisait qu’un ancien directeur du Foyer d’Entraide et de Puyloubier décédé avait droit à un piquet d’honneurs pour ses obsèques. Mais encore aujourd’hui si ce dernier vit assez vieux, qui se souviendra de lui comme Directeur ? Donner un commandement par note de service permanente, ne peut qu’être concrétisé par l’inutilité de cet ordre écrit voué à l’oubli.
Notre ancien de la Réunion avait fait un choix en refusant tout contact de son vivant avec l’Amicale réunionnaise, de ce fait, à quel titre cette dernière, devrait-elle s’imposer des obligations pour éviter le regard réprobateur de gens qui pour la plupart devrait plutôt s’inquiéter des cérémonies destinées à leurs propres morts et dont le déroulement offre, trop souvent, un triste spectacle.
Les amicales d’anciens légionnaires n’ont d’autres devoirs que celui du but inscrit dans leur propre statut et sont de ce fait indépendantes et responsables conformément aux règles de la loi de 1901 concernant les associations.
Quant à L’amitié proprement dite, quelle soit légionnaire ou autre, elle ne saurait se réaliser sans échange réciproque et ne saurait se contenter d’une seule direction, un sens unique en amitié ne peut qu’être une incontournable impasse à tout épanouissement durable.
Le débat ne saurait être clos, chacun détient sa vérité et proclamer avec force et autorité ses convictions sur un sujet aussi délicat n’est pas toujours des plus raisonnables. Il ne faudrait pas que les convictions et les idées sur ce sujet s’animent autour d’impulsions incontrôlées, conséquences passionnées de l’absence d'un recul indispensable à toute salutaire réflexion.
Pour l’heure, il n’y a aucune leçon à recevoir, ni à donner, seul existe un fait incontournable : « on n’abandonne pas les siens, un point, c'est tout ! ». Le reste ... tout le reste, les sautes d’humeur, les interprétations, les colères, ne peuvent être que verbiages inutiles, tout être humain mérite considération et celà ne se négocie pas !
C’est ce message que le président de l'Amicale d'Aubagne le capitaine (er) José Gil a souhaité transmettre en plaçant sous les feux de la rampe cette lettre qui lui était adressée par l’ancien légionnaire Daniel Sageot:
"Mon Capitaine
Les photos des obsèques de notre ancien Jacques Maineult, n'ayant pas d'amical ,tristes obsèques j'étais le seul Légionnaire présent pour l'accompagner, mon épouse et moi avons présenter nos sincères condoléance au nom de l'Amicale des anciens légionnaires d'Aubagne et avons apporté une gerbe. Nous avions 14 portes drapeaux présents, un très bel hommage lui a été rendu, ses médailles la familles les a mise dans le cercueil, il avait fait l'Indochine et l'Algérie et s'était engagé 6 ans à la Légion étrangère. Je n'en sais pas plus... La famille remercie l'Amicale.
toute notre amitié"
CM