Une intéressante réflexion d'actualité à votre appréciation.
L’armée française professionnelle risque la dénationalisation:
L’armée française n’agit presque plus que dans le cadre de coalitions, en Afghanistan au sein de l’OTAN, ailleurs avec les Nations Unies ou de l’Union Européenne.
Ainsi, notre armée professionnelle court un risque de dénationalisation. Tout semble se conjuguer pour distendre les liens entre l’armée et le pays. Faut-il se satisfaire de cette transformation, les militaires peuvent-ils, aujourd’hui cultiver leur spécificité et comment pourraient-ils ne pas penser que les Français ne les comprennent plus et par conséquence, qu’ils ne les méritent pas ?
L’homme soldé:
Le général Henri Poncet écrivait : «Force est de constater que, dans les engagements actuels, les temps ne sont plus où on peut faire accepter le sacrifice suprême par le combattant, en invoquant la terre charnelle de Péguy. Aussi, il est peut-être judicieux de se tourner à nouveau vers Alfred de Vigny et son gladiateur, «l’homme soldé», qui exécute ce qu’un César, un pouvoir, un gouvernement lui commande, le suivant, voire le même, pouvant lui demander son contraire un peu plus tard: «Ave, Caesar, morituri te salutant». La seule règle qui vaille pour une armée professionnelle, règle que la Légion étrangère a parfaitement intégré dans sa devise « Légio Patria Nostra » : c’est pour elle que vous mourrez. Au bilan, si l’on ne veut pas créer le trouble dans l’esprit des combattants, il importe qu'en professionnels du métier des armes, ils ne se posent pas de questions sur le sens de leur mission du moment. »
Legio Patria Nostra:
Le légionnaire a érigé la Légion en patrie. En servant jusqu’à l’éventuel don de sa vie, il se donne à la France au travers du lien quasi charnel qu’il a avec elle : la Légion. Le texte du général peut laisser croire que le soldat de la Légion meurt pour celle-ci et non pour la France. Cette interprétation seule, ne saurait être acceptée. Elle ne le pourra, que si l’on étend la notion de Patria Nostra à la défense de sa propre patrie. Ainsi, l’armée professionnelle doit être prête à s’engager sans restrictions pour France Patria Nostra. Comme peuvent aussi le laisser supposer les écrits de ce général, visionnaire d’une grande lucidité.
Déclaration de demi-allégeance:
Curieusement, la France a toléré l’existence d’un corps plaçant sa fidélité au-dessus de celle qu’il devait au pays, et dont la devise «Legio Patria Nostra» est une déclaration de demi-allégeance.
Cet état de chose a cependant permis, à différentes époques, d’attirer des officiers et des hommes plus ou moins hostiles à la France républicaine.
Le général Rollet en développant, voire en créant des traditions, a provoqué l’isolement, le sentiment d’autosuffisance de la Légion et la glorification de ses mythes.
Ainsi, trop attachée à sa géographie morale, la Légion s’est faite prisonnière de ses propres contradictions et ne peut garder en mémoire que son rôle principal qui est de seulement mettre en œuvre la politique décidée par le gouvernement, sa mission fût-elle déplaisante, elle reste toujours une sorte de monastère d’incompris. Mais comment «Legio Patria Nostra» justifierait-il la révolte d’Alger en 1961 ?
L’esprit de Camerone:
L’imagerie populaire de la Légion repose sur l’esprit de Camerone qui précise, exemple à l’appui, que le légionnaire reste toujours fidèle à la parole donnée et que de ce fait, il accomplira la mission jusqu’au bout faudra-t-il pour y parvenir, mourir. C’est cette maxime, « Legion Patria Nostra » qui donne à l’institution légionnaire un panache exceptionnel qui a favorisé, en son temps, son existence menacée. Elle est tellement vraie que si la Légion est parvenue à s’imposer Française par le sang versé, sa force reste très attachée aux préjugés et à la vanité des Français, par des liens très forts où se mélangent les sentiments les plus divers, de la fierté au mythe, en passant par l’admiration, l’inquiétude et la conviction d’exposer aux yeux du monde, l’exemple indiscutable d’une intégration réussie de l’étranger, au pays des droits de l’homme et du devoir des citoyens.
La main articulée du capitaine Danjou:
Le musée des gloires passées où, dans la crypte, repose la main articulée du capitaine Danjou, incarne un besoin essentiel de l’âme légionnaire: «celui de pouvoir recommencer une vie brisée, où est possible une forme de rédemption par le danger et la souffrance. »
La main du capitaine Danjou, relique fétiche, est la représentation même de la parole donnée. Devant un tel symbole, la Légion ne peut que perdurer, avec cet état d’esprit depuis longtemps disparu des armées des nations.
La Légion aura, à ne point douter, un avenir aussi brillant que son passé. Mais le légionnaire ne sera jamais « incommandable » s’il est commandé par une autorité légionnaire, et la Légion incontrôlable.
De ce fait, il semble évident que les engagements auxquels tout légionnaire est confronté, doivent rester légitimes devant le tribunal des opinions publiques. C’est à ce prix qu’il sera possible à la France de l’accepter dans son Armée. C’est aussi à cette condition, sans autre interprétation, que la Légion doit agir avec honneur et fidélité.
La Légion est bien vivante et elle a de l’allure.
CM