Constantine est située sur les hauts plateaux à 694 m d’altitude, au point où le Rummel coule entre les gorges profondes qui encerclent presque totalement la ville.
6 octobre 1837 : les troupes françaises prennent position sur les plateaux de Koudiat-Aty et de Mansourah. La forteresse de Constantine, bâtie sur un rocher, n’est abordable que d’un seul côté. Les légionnaires arrivent devant Constantine après une longue marche. Les montagnards kabyles qui la défendent sont particulièrement combatifs.
Le 7 octobre au matin, près de 1 500 Kabyles s’élancent contre les positions tenues par les légionnaires sur ce plateau. Leur premier choc est repoussé par les feux de deux rangs. Ils reviennent à la charge, entraînés par un chef qui plante un drapeau rouge sur une ruine, à dix pas du retranchement. Le sergent-major Doze à la tête de sa section se précipite à la baïonnette et enlève le drapeau. Au cours des combats, il s’empare d’un deuxième drapeau.
Le 9 octobre, l’attaque commence. Pendant les jours suivants, les souffrances et les inquiétudes, qui avaient accaparé les troupes du premier siège, recommencent au milieu d’un duel de canons et de violentes sorties.
Le 11 octobre, vers quinze heures, les pièces d’artillerie du lieutenant-général Valée ouvrent dans la muraille d’enceinte une brèche qu’un feu continu ne cesse d’élargir.
13 octobre 1837 : prise de Constantine par l’armée française.
- Le général Charles Denys Damrémont prend lui-même le commandement des troupes ; le duc de Nemours, fils du Roi, participe à l’opération en dirigeant une brigade d’infanterie. Les colonnes d’assaut se rassemblent à Koudiat-Aty et le duc de Nemours donne le signal. La deuxième colonne forte de 600 hommes, compte une centaine de légionnaires.
- Les généraux Charles Denys Damrémont et François de Perrégaux sont tués ; l’assaut doit donc être lancé par le général Sylvain Charles Valée, commandant de l’artillerie.
- Après sept jours d’un siège particulièrement meurtrier, le nouveau commandant en chef prévoit trois colonnes d’attaque : le colonel Lamoricière doit conduite la première avec ses Zouaves, le colonel Combes, l’ancien patron de la Légion, la seconde avec, entre autres, cent légionnaires du chef de bataillon Bedeau,
- La prise est faite par les zouaves du colonel Christophe Louis Juchault de Lamoricière, toujours en première ligne, et les légionnaires du 1er Bataillon ; le combat est sévère, chaque maison étant transformée en fortin ; chaque maison, chaque barricade doivent être enlevées à l’arme blanche ; le Bataillon de la Légion du commandant Marie-Alphonse Bedeau s’illustre lors de la prise de Constantine, notamment l’un des pelotons, commandé par le capitaine de Saint-Arnaud. A maintes reprises, les deux officiers crient : ‘’A moi la Légion ! A la baïonnette ! ‘’. En tête des troupes d’assaut, les légionnaires s’élancent à travers une brèche pratiquée dans la muraille. Ils se battent toute la journée dans les ruelles de la ville, âprement défendue.
- Chaque créneau, chaque maison, chaque muraille sont garnis de turbans ; les légionnaires tombent mais ne reculent pas.
- Toutes les armes rivalisent de zèle et de courage menant l’action avec une audace et une énergie incomparable. Partout officiers et sous-officiers s’élancent à la pointe du combat pour entraîner les hommes. La moitié des morts de l’assaut seront gradés. Les légionnaires peuvent rivaliser avec les Zouaves et ils sont dignes de l’élite de l’Armée d’Afrique.
- La Légion Etrangère perd deux officiers, Delacotte et Morland.
- Une compagnie des B.I.L.A. fait partie de l’une des trois colonnes d’attaque et pénètre de vive force dans la place, laissant sur le rempart un capitaine et 75 hommes tués.
- La défense débordée finit par céder et se rendre. La victoire est acquise en trois heures de combats. Le colonel Combes, ancien colonel de la Vieille Légion voit la victoire mais, très grièvement blessé, il succombe dans la nuit.
- Le bey Ahmed, qui s’est enfui vers le Sud, poursuit la guérilla dans l’Aurès mais finit par se rendre ; il meurt libre à Alger en 1850.
- Le capitaine de Saint-Arnaud gagne la récompense à laquelle il aspire : la Légion d’honneur.
- La prise de Constantine restera longtemps une action mémorable pour les légionnaires.
- La marche vers Constantine, sous un déluge peut-être jamais vu en Europe, les hommes pleurant de découragement sous les injures des sous-officiers, alors qu’ils se tuaient, arc-boutés, pour dégager l’artillerie embourbée jusqu’aux essieux ; au terme de ce calvaire boueux, la citadelle fantastique, assise sur un rocher taillé à pic, bourrée de canons et de poudre. Gibraltar des Arabes ; l’assaut en avait eu raison.
Jean Balazuc P.P.P.P.
4 octobre 2021
Sources principales:
L’Algérie, œuvre française – Pierre Goinard – Editions Robert Laffont 1984
L’Algérie – J.H. Lemonnier – Libraire Centrale des Publications Populaires – Paris 1881.
Histoire de la France en Algérie – Pierre Laffont – Plon 1980.
La guerre d’Algérie – capitaine Pierre Montagnon – Editions Pygmalion 1984.
La Légion Etrangère 50e anniversaire – N° spécial Historia 2e trimestre.1967.
La Légion, Grandeur et Servitude – N° spécial Historama 11.1967.
Mémoire et vérité des combattants d’A.F.N. – Cercle de défense des A.C. d’A.F.N. 2000.
Pieds-Noirs d’Hier et d’Aujourd’hui.
France Horizon.
Histoire de l’Afrique du Nord – Général E. Jouhaud – Editions des 2 Coqs d’Or 1968.
Quand l’Algérie était française – Le Point – 22.05.2008.
La Légion Etrangère -Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite – John Robert Young & Erwan Bergot – Editions Robert Laffont 1984.
Le 1er Etranger – Philippe Cart-Tanneur & Tibor Szecsko – Branding Iron Production 1986.
Histoire de la Légion de 1831 à nos jours – Capitaine Pierre Montagnon – Pygmalion 1999.
Français par le sang versé – Képi Blanc & E.C.P.A.D. – Editions du Coteau 2011.
Site du Mémorial de Puyloubier.
Bedeau Marie-Alphonse, né à Vertou dans la Seine-Inférieure le 09.08.1804 ; sorti de Saint-Cyr en 1820 ; il fait toute sa carrière en Algérie ; officier de valeur sous les ordres du général Robert Bugeaud en Algérie ; commandant, à la tête du 1er Bataillon de la deuxième Légion Etrangère, formé à Pau en décembre 1836 ; il s’illustre lors de la prise de Constantine en octobre 1837 ; il est cité à l’ordre et nommé lieutenant-colonel de la Légion ; il enlève Nédromah en janvier 1842 ; il bat de nouveau l’émir Abd el-Kader à Bab-Taza ; fondateur de Sidi-Bel-Abbès en 1843 ; maréchal de camp en mai 1841 ; commandant d’une colonne mobile de la province d’Oran, constituée à Mostaganem ; mais aussi commandant supérieur de la zone maritime de la province ; général de division le 16.07.1844 ; il s’illustre lors de la bataille d’Isly le 12.08.1844 ; commandant de la province de Constantine en octobre 1844 jusqu’en novembre 1847 ; Grand Officier de la Légion d’Honneur le 08.08 1847 ; Gouverneur Général par intérim du 29 juin au 6 octobre 1847 ; député de la Loire-Inférieure le 23.04.1848 ; général, il participe à l’écrasement de l’insurrection ouvrière, avec le général Louis Cavaignac à Paris en 1848 ; ministre des Affaires Etrangères du 29 juin au 17 juillet 1848 ; chef du pouvoir exécutif en 1848 ; député de la Seine le 13.05.1849 avant d’être exilé en janvier 1852 par Louis Napoléon-Bonaparte jusqu’en 1859 ; à peu près oublié sauf de ses soldats d’Afrique. Décédé le 30.10.1863 à Nantes dans la Loire-Inférieure.
Combes, colonel, commandant la Légion Etrangère ; arrivé à Alger le 24.06.1832, avec le premier drapeau de la Légion Etrangère ; le 09.04.1833, il laisse la Légion au colonel Bernelle ; commandant une des trois colonnes d’assaut de la brigade du duc de Nemours ; tué lors de la prise de Constantine le 12.10.1837.
Damrémont Charles Denys de, comte, officier pendant la Guerre d’Espagne ; maréchal de camp commandant une brigade de la 2e division lors du débarquement à Sidi-Ferruch en juin 1830 ; général commandant l’expédition à Bône en juillet 1830 ; lieutenant-général, Gouverneur Général des possessions françaises du Nord de l’Afrique du 12.02 au 12.10.1837 ; tué lors du siège de Constantine.
Delacotte, officier de la Légion Etrangère, tué le 13.10.1837 à Constantine.
Doze, sergent-major de la Légion Etrangère ; le 07.10.1837, lors de la prise de Constantine, il s’empare d’un drapeau rouge planté par l’ennemi à dix pas du retranchement. Au cours des combats du 13, il réussit l’exploit de s’emparer d’un deuxième drapeau.
La Moricière Louis-Christophe Juchault de, né à Nantes dans la Loire-Inférieure le 05.02.1806 ; polytechnicien ; jeune officier du Génie en 1830 ; saint-simonien ; capitaine, premier titulaire du Bureau particulier des Affaires Arabes en Algérie ; il s’illustre dans la prise de Bougie en novembre 1833 ; lieutenant-colonel, il lutte contre les Hadjoutes dans la Mitidja, en 1834-1835, avec ses deux Bataillons du corps des Zouaves ; le 12.10.1837, il monte le premier à l’assaut de Constantine ; héros de la journée, il est promu colonel ; fait maréchal-de camp en 1840, il est nommé commandant de la province d’Oran ; il commande une colonne lors de l’expédition sur Miliana en mai 1840 ; il s’empare de la place forte de Tagdempt en mai 1841 ; il fait reculer les troupes d’Abd el-Kader vers le désert en 1842 ; général le 09.04.1843 ; il s’illustre lors de la bataille d’Isly le 12.08.1844 ; général commandant la division d’Oran en 1845-1847 ; député de la Sarthe du 10.10.1846 au 02.12.1851 ; il reçoit en Algérie la soumission d’Abd el-Kader le 23.12.1847 ; Grand Officier de la Légion d’Honneur le 14.01.1848 ; il participe à l’écrasement de l’insurrection ouvrière, avec le général Louis Cavaignac, à Paris en 1848 ; député, ministre de la Guerre du 28 juin au 19 décembre 1848 ; exilé en janvier 1852 par Louis Napoléon-Bonaparte pour son opposition à l’Empire ; il commande les troupes pontificales en 1860 ; décédé à Prouzel dans la Somme le 11.09.1865.
Morland, officier de la Légion Etrangère, tué le 13.10.1837 à Constantine.
de Nemours duc, Louis-Charles-Philippe-Raphaël d’Orléans, fils du roi Louis Philippe d’Orléans ; né le 25.10.1814 à Paris ; Grand-Croix de la Légion d’Honneur le 03.08.1830 ; il accompagne le général Bertrand comte de Clauzel lors de la 1ère expédition sur Constantine en 1836 ; maréchal de camp, commandant une brigade lors de l’expédition de Constantine en octobre 1837 ; il commande l’infanterie pendant le siège après les morts des généraux Desmichels et Perrégaux. Il est promu lieutenant-général le 11.11.1937 après Constantine ; pour son 3e séjour, il commande une division lors de l’expédition sur Mascara en mai 1841. Décédé à Versailles le 26.06.1896.
François de Perrégaux, général commandant la division d’Oran en 1835-1836 ; tué à Constantine le 12.10.1837 aux côtés du général Damrémont.
Saint-Arnaud Achille comte, né Jacques Achille Leroy, né le 20.08.1801 ; petit-fils de pâtissier ; roturier, il s’invente un patronyme ; sous-lieutenant à 32 ans ; capitaine de la Légion Etrangère, il participe à l’assaut sur Constantine en octobre 1837 ; il se distingue lors de l’expédition sur Miliana en 1840 ; officier de valeur sous les ordres du général Robert Bugeaud en Algérie ; colonel, il reçoit la reddition de Bou-Mâaza en avril 1847 ; général avec deux étoiles en 1850 ; après la campagne de Kabylie, il reçoit sa troisième étoile ; commandant les troupes de Paris en 1850-1851 ; ministre de la Guerre le 26.10.1851 ; il organise le coup d’état du 02.12.1851 ; il fait arrêter ses anciens supérieurs, Bedeau, Cavaignac, Changarnier, Charras, Lamoricière et Leflô ; Maréchal de France en 1854, il est nommé commandant en chef de l’expédition de Crimée ;vainqueur des Russes à l’Alma le 20.09.1854 ; mort du choléra sur la Mer Noire le 29.09.1854.
Valée Sylvain Charles comte, né à Brienne-le-Château en 1773 ; officier pendant la Guerre d’Espagne ; il réorganise l’artillerie en 1882 ; il participe à la prise de Constantine en octobre 1837 où il doit prendre le commandement au milieu des combats après la mort des généraux Damrémont et Perrégaux ; Gouverneur Général intérimaire, élevé à la dignité de Maréchal de France, il est nommé Gouverneur Général de l’Algérie et commandant en chef de l’Armée d’Afrique du 25.10.1837 à juillet 1840 ; l’ordonnance du 31.10.1838 renforce ses pouvoirs ; en février 1840, sa contre-offensive contre l’émir Abd el-Kader piétine ; il distingue en Algérie les territoires militaires, arabes et civils ; mort en 1846.