F131. La Légion et l’expansion coloniale:
Dès les années 1880, Jules Ferry donne un certain essor à l’expansion coloniale, persuadé qu’elle devait apporter aux populations conquises les bienfaits inappréciables de la paix, de la sécurité et du progrès.
Cette politique de Jules Ferry provoquera sa chute, face à l’opposition de Jules Grévy, Jules Simon et Georges Clémenceau en 1885.
La IIIe République entame ce qui sera dénommé l’expansion coloniale.
Soucieuse de retrouver un peu de la grandeur perdue en 1870 et de compenser la perte de l’Alsace-Lorraine, elle se lance – à l’instar des autres puissances occidentales – dans les conquêtes coloniales. Formidable entreprise qui en moins d’un demi-siècle procure à la France un empire de 12 millions de kilomètres carrés (vingt fois la superficie de la France) peuplé de 70 millions d’habitants. La Légion est présente presque partout où se plante le drapeau tricolore.
Aux côtés des légionnaires, la IIIe République fait appel aux Troupes Indigènes de l’Armée d’Afrique : tirailleurs, zouaves, spahis, qui viennent de s’illustrer pendant la campagne d’Italie en 1859 aux côtés des deux régiments de la Légion Etrangère puis dans la guerre franco-prussienne de 1870-1871 : le 1er R.T.A. à Wissembourg ; le 2e R.T.A. à Frœschwiller. Pour la première fois depuis la création de la Légion Etrangère, des unités formées d’étrangers, engagés volontaires pour la durée de la guerre combattent en Métropole ; Les légionnaires combattent avec courage et acharnement ; par deux fois, la Légion couvre le décrochage d’autres unités et donne ; en France, la preuve de sa valeur.
Que ce soit au Tonkin (1883-1886 avec des Chasseurs d’Afrique), au Laos (1893), au Soudan (en 1894-1895, une compagnie de chaque régiment de Légion Etrangère, un bataillon de Tirailleurs Soudanais, un escadron de Spahis soudanais), au Dahomey (1892-1893, deux compagnies de chaque Régiment de Légion Etrangère et un bataillon de tirailleurs sénégalais), à Madagascar (1895-1897, un bataillon de légionnaires et deux bataillons de tirailleurs algériens), au Levant (après la chute de l’empire turc en 1919), au Sahara (en 1900-1902 avec une colonne comprenant des légionnaires, des spahis et des tirailleurs algériens, en Tunisie (avec le 4e Zouaves en 1881 puis le 4e Régiment de Spahis Tunisiens) et au Maroc (1907-1912 avec le 2e Zouaves, le 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens et des escadrons de Chasseurs d’Afrique), des unités de la Légion Etrangère sont présentes. Elle est même en Chine (en 1900-1901 avec le 6e Régiment de Chasseurs d’Afrique) et un Régiment de marche de Zouaves), à Formose (en 1885 avec le 1er R.T.A.) et au Siam (1893).
Ses soldats de métier trouvent en ces contrées lointaines des théâtres à la mesure de leurs talents et de leurs rêves. Ils affrontent les Pavillons noirs du Tonkin, les Amazones de Béhanzin, les Javalos de Madagascar, les méhallas marocaines, les révoltés druzes. Toujours aux premiers rangs, fiers et stoïques, ils passent là où tant d’autres ne passent pas. Ils découvrent des immensités de cailloux et de sable, sous des cieux embrasés, des paysages mouillés enveloppés d’un épais tissu de végétation, de djebels pelés truffés de ravines et d’éboulis, des sous-bois obscurs noyés dans la moiteur tropicale, des savanes au sol rougeâtre que piquètent de loin en loin une termitière ou un baobab.
Au hasard de leurs périples, dans une ville, dans un village, devant une case, un gourbi ou une paillotte, ils côtoient des congaïes au sourire enjôleur, des moukhères effarouchées drapées dans leurs voiles, des faciès d’ébène que l’âge n’a pas encore altérés, des hétaïres négociant leurs charmes à vil prix.
Pour ces légionnaires soldats de l’ère coloniale ‘’il leur faut du soleil, de l’espace pour redorer leurs carcasses’’. Sur le bateau qui les mène au loin, ils chantent leurs chansons préférées. Il n’en faut pas plus pour façonner le mythe : le passé mystérieux, les amours perdus, les prouesses héroïques, les visages parfois à peine entrevus, les chaudes soirées en fin de campagne. Tournant résolument le dos à son existence, le héros s’est éloigné en quête de renouveau. Quelque part là-bas sur une terre africaine ou asiatique, il tombe pour son chef, ses camarades et son drapeau. Dans cette allégorie, nul ne saura jamais – hormis ceux qui l’ont vécue – où la réalité rejoint la fiction.
Jean BALAZUC P.P.P.P.
Janvier 2022
Sources :
Histoire de la Légion par le capitaine Pierre Montagnon.
Les Troupes indigènes : ils sont morts pour la France par Jean Balazuc.