Souvenirs, souvenirs,
« Je vous retrouve dans mon cœur,
Et vous faites refleurir
Tous mes rêves de bonheur… »
C’était à l’époque de la saison des pluies à Madagascar, une éclaircie dans le ciel nous permettait, un instant , de savourer une pause offerte par une trouée dans le ciel nuageux au dessus du lac « Tritiva » près d’Ansirabe. Nous étions en attente de faire mouvement vers Diégo Suarez après une manœuvre régimentaire, une belle occasion qui nous offrait à regarder, hypnotisés, le spectacle agréable de la baignade de jeunes gens au bord du lac…
Mon binôme "compagnon de misère" me disait qu’un jour, je « tomberais » amoureux d’un seul visage, un seul parmi des centaines, des milliers et plus. Proust, me dit-il écrivait : « la beauté était avant tout le charme individuel , celui qui te surprend par sa singularité… » « Tu vois ce visage pour la première fois et c’est comme si tu le revoyais après une longue séparation. Sans explication, tu l’aimes tant que tu en est amoureux, c’est un frémissement d’une tendresse infinie qui te fais défaillir. Cela n’arrive pas souvent dans notre courte existence. Vois-tu, je suis d’origine pondichérienne et je crois à la réincarnation. Je crois qu’à chaque âge de tes multiples vies, de tes réincarnations, s’opère une sorte d’amnésie des existences passées. Une certitude demeure, celle que le bonheur n’est jamais garanti. C’est un jeu au cours duquel se joue ton existence du moment, c’est oui ou non, tout ou rien, c’est toi qui est maître et qui choisi. Baudelaire croisait à Paris une inconnue endeuillée. C’est aussi ce peintre qui descend d’un tramway et qui suit une jolie femme aux cheveux courts et au corps juvénil. Ensorcelé, il la peindra sans cesse … jusqu’à ce que mort s’en suive … »
On tombe amoureux ou pas. Et une fois épris, on continue de l’être ou on perd ses illusions. Le temps efface l’amour ou le fortifie. A chaque étape de l’intimité, le danger que le charme se dissipe, menace. Si d’aventure, le mystère du désir persiste, alors c’est pareil que si tu l’as vue un jour pour la première fois et aussitôt il t’a semblé que tu l’avais toujours connue. »
Inconsciemment je gardais en mémoire cet épisode de ma vie malgache de légionnaire, quelques années plus tard, aujourd’hui, je me retrouve retraité, aggressé par une pandémie mondiale qui ne m’autorise aucune rêverie, est-il encore possible que je puisse rêver, au secours, souvenirs, souvenirs !
Tout parait déborder dans la ville à mesure que février progresse dans les rues de Marseille, le flot des gens masqués sur les trottoirs dérègle les précautions d’usage indispensables aux gestes barrières de survie, les poubelles sont pleines ainsi que les caniveaux, les tris sélectifs regorgent, les déblais des travaux contiennent ce dont les gens se débarassent : portes, cuvettes de toilettes, bidets, meubles cassés, tuyaux, robinets, sacs poubelles eventrés. Les grilles qui entourent les arbres sont des cendriers couverts de mégots.
Ouf, je me réveille, je rêvais… je mélange tout !
CM