Fiche 132. La 13e D.B.L.E. en Indochine en 1946. 19 juin 1946 : le combat de Mat Cat.


La 13e D.B.L.E. débarque à Saïgon le 10 mars 1946.
• La 13e D.B.L.E. est engagée des frontières du Siam jusqu’à Tourane, en passant par la plaine des Joncs. Ses bataillons sont éparpillés.
• Le 1er bataillon au Cambodge, poursuit les Khmers issarak, qui se réfugient au Siam.
• Le 2e bataillon au Centre Annam, défend Tourane, dégage Hué et installe une série de postes autour de Quang Nam.
• Le 3e bataillon affronte les durs combats de Cochinchine, où les embuscades quotidiennes alternent avec des actions de force.
• Au cours de ces innombrables opérations de nettoyage, le premier combat sérieux a lieu à Mat Cat. A la suite d’un renseignement selon lequel la bande rebelle d’Aubert-Man, responsable de Saïgon, serait regroupée au nord de Tay Ninh, le commandant Charton déclenche une opération avec la compagnie antichar et la section de reconnaissance et d’observation.
• Transportés en camions, ces éléments opérationnels parviennent dans l’après-midi à la piste de Mat Cat et débarquent un peu plus loin ; à deux cents mètres de Ranh Vinh.


• Tandis que les véhicules restent sur place, confiés à la garde de quatorze légionnaires sous les ordres de l’adjudant-chef Bedrich, les autres progressent à pied vers leur objectif. La C.A.C. que commande le capitaine Faucon ne compte que cinquante légionnaires répartis en trois sections, aux ordres des sous-lieutenants Dufour et Rigot et de l’adjudant Struszina.
• Vers 15 heures, le détachement traverse une clairière couverte d’herbes hautes. Le terrain est marécageux. La 1ère section, qui avance le long de la lisière sud, trouve un cantonnement abandonné depuis peu de temps. Des assiettes encore chaudes, des musettes de munitions semblent indiquer que les occupants viennent de partir en hâte. Cependant, un paysan sans arme se trouve encore sur les lieux. Son interrogatoire est à peine commencé qu’un tir violent se déclenche de tous les côtés à la fois, mais surtout des buissons qui se trouvent non loin du bivouac ? Aussitôt, de nombreux rebelles surgissent et foncent sur la section, obligeant celle-ci à se replier vers la lisière nord-ouest, seule direction libre pour éviter l’encerclement.


• Alerté par radio, le capitaine ordonne à la 2e section, qui se trouve plus en avant, de se porter sur le lieu de l’accrochage. L’ordre est exécuté immédiatement, mais un tir formidable d’armes automatiques cloue le renfort sur place. Néanmoins, les légionnaires continuent à avancer en rampant jusqu’à deux cents mètres de la section Dufour. L’ennemi se déploie et avance en tirailleurs, manœuvrant au sifflet, comme une troupe bien entraînée. Son tir devient plus puissant, des grenades V.B. tombent sur les sections. Une mitrailleuse Hotchkiss prend le milieu de la clairière en enfilade ; des snippers tirent du haut des arbres ; à quelque distance, des femmes – attirées par les coups de feu – encouragent les hommes en hurlant. Bientôt, l’adversaire est à distance d’assaut. Au même moment, une partie des rebelles se détache pour venir encercler les éléments groupés autour du capitaine. Le capitaine juge de la situation pour sauver sa compagnie : il lui faut gagner au plus vite les véhicules porteurs d’armes lourdes. Au milieu du déchaînement, il appelle chacun à la radio d’une voix claire ; avec un calme impressionnant ; il ordre ses ordres. Puis il enjoint à l’adjudant-chef Bedrich de pousser ses véhicules le plus loin possible, afin de former une base de feu nécessaire au mouvement de la colonne. Quant à lui, il reste sur place : ‘’Je suis légionnaire, dit-il, je fais Camerone !’’.

L’adjudant Struszina suit son exemple. • Quand l’ennemi n’est plus qu’à soixante-dix mètres de sa position, le sous-officier ouvre le feu avec un fusil-mitrailleur, puis se met debout pour mieux viser. Son chargeur épuisé, il continue le tir avec son pistolet. Enfin, blessé par trois balles, il se brûle la cervelle avec sa dernière cartouche, pour ne pas tomber vivant entre les mains de l’ennemi.
• Les rebelles envahissent l’emplacement où le capitaine résiste avec deux ou trois légionnaires ; puis ils harcèlent des sections en retraite.
• Vers 16 heures 45, les sections repliées arrivent près des véhicules. L’adjudant-chef Bedrich a poussé ses camions aussi loin que possible, jusqu’à ce qu‘ils s’embourbent.
• Immédiatement, le sous-lieutenant Dufour installe une base de feu avec les armes lourdes qui se trouvent sur les véhicules. Il ouvre le feu sur les lisières, tandis que l’adjudant-chef, à la tête d’une vingtaine de légionnaires, se dirige vers le nord, espérant trouver l’endroit où sont demeurés le capitaine et ses fidèles légionnaires.
• Après avoir essuyé une rafale de mortiers, cette section parvient à atteindre, sans un coup de fusil, les lieux mêmes où se sont déroulés les combats. Tout est calme. Il ne reste aucune trace de la lutte. Malheureusement, il n’y a aucune trace du capitaine Faucon.
• Son P.C. submergé, blessé, le capitaine Faucon a été capturé. Amené à Ta Hup, en charrette à bœufs, il y séjourne quatre jours et sa blessure est soignée. Durant deux semaines, il est transféré successivement à la charbonnière de Huyn Cam Sum, dans la forêt de Trai Bi, enfin dans une paillotte située à l’embranchement des routes de Kompong Cham et Xom Vinh. Une bande, directement aux ordres du chef rebelle, assure sa garde et lui construit une sorte de cage en guise de prison.
• Le 5 juillet, un bûcheron dénommé Ma prévient l’officier de renseignements de Tay Ninh du lieu de la détention, mais l’opération qui est montée échoue : les rebelles parviennent à emmener leur prisonnier avant l’arrivée des troupes.
• Devenu prisonnier de la 5e chambre (comité d’assassinat), le capitaine Faucon et cinq autres captifs, dont quatre légionnaires, sont condamnés à mort. Il est alors enfermé dans une fosse souterraine avant d’être exécuté.
• Ayant réussi à prendre la fuite à l’aide d’un Annamite, il est poursuivi pendant trois jours.
• Le 10 juillet, les rebelles les rattrapent près de Ben Co Noi, à l’ouest de Tay Ninh.


• Selon un témoin, le capitaine Faucon, seul, sans arme, tient tête farouchement à ses nombreux poursuivants. Devant sa résistance, ceux-ci tirent sur lui au révolver. Atteint à bout portant, il tombe. Les rebelles tentent alors de le saisir mais il se défend toujours, jusqu’à ce qu’il soit achevé à coups de coupe-coupe. Enterrés sur place, ses restes sont retrouvés par un détachement du I/13e D.B.L.E. grâce aux renseignements d’un informateur.


Jean Balazuc P.P.P.P.
16 Février 2022


Sources :
La Légion Etrangère – Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite de John Robert Young et Erwan Bergot – Editions Robert Laffont – 1984.
La 13e D.B.L.E. de Tibor Szecsko – Editions du Fer à marquer – 1989.
Livre d’Or de la Légion Etrangère – 1958.
Site du S.G.A. Mémoire des hommes.
Site du Mémorial de Puyloubier.


Betrich: adjudant-chef légionnaire de la 2e section de la compagnie antichars du I/13e D.B.L.E. Il se distingue lors des combats de Mat Cat en Cochinchine, le 19.06.1946.

Charton Pierre: né en 1903 ; sorti de Saint-Cyr en 1925 ; officier de la Légion depuis 1928 ; il participe à la conquête du Maroc ; commandant, premier chef du 2e bataillon du R.M.L.E. affecté au C.C.4 de la 5e D.B. ; grièvement blessé à Hachimette lors des combats du 13.12.1944 ; campagne d’Indochine de 1946 à 1950 avec la 13e D.B.L.E. ; lieutenant-colonel, adjoint au colonel Constans, chef de corps du 3e R.E.I. en 1949-1950 ; commandant de Cao-Bang en octobre 1950 ; pour la retraite de Cao-Bang, il dispose de trois bataillons : le III/3e R.E.I. du commandant Forget, un bataillon de partisans et un Tabor en renfort. Vieux légionnaire, il admet mal l’évacuation de la ville sans combat. Blessé, sauvé par ses galons, fait prisonnier par les Viets. Quatre ans de captivité. Libéré le 05.09.1954. Il revient vieilli avant l’âge, sa carrière de glorieux soldat terminée. Décédé en 1987.

Dufour: sous-lieutenant légionnaire ; chef de la 1ère section de la compagnie antichars du I/13e D.B.L.E. Il se distingue lors des combats de Mat Cat en Cochinchine, le 19.06.1946.

Faucon Henri Lucien: né le 17.04.1917 à Sézanne dans la Marne ; capitaine légionnaire, chef de la compagnie antichars du I/13e D.B.L.E. Il se sacrifie pour sauver ses camarades lors des combats de Mat Cat en Cochinchine, le 19.06.1946. Disparu au combat. Selon des témoignages, blessé, il est capturé ; soigné, enfermé dans une cage ; il est condamné à mort le 5 juillet et jeté dans une fosse souterraine ; il arrive à s’évader avec un Annamite ; après trois jours de poursuite, il est rattrapé le 10 juillet. Seul, sans arme, il résiste et il est blessé par les rebelles qui tirent sur lieu à bout portant avant d’être achevé à coups de coupe-coupe.

Rigot: sous-lieutenant légionnaire ; chef de la 2e section de la compagnie antichars du I/13e D.B.L.E. Il participe aux combats de Mat Cat en Cochinchine, le 19.06.1946.

Struszina: adjudant légionnaire, chef de la 3e section de la compagnie antichars du I/13e D.B.L.E. Il se sacrifie pour sauver ses camarades lors des combats de Mat Cat en Cochinchine, le 19.06.1946.