Je découvre un artiste méconnu : Andréas Rosenberg.
Paradoxe, incompréhension, Rosenberg, est pourtant très connu ! Je vous propose de découvrir cet immense artiste, peintre, décorateur, dessinateur. A la rencontre d’un homme qui disait que « vivre de la peinture et des dessins c’était 20% de talent et 80% de travail…
C’est mon Ami PyC qui en parle le mieux :
« Me sachant admirateur d’Andréas, Christian m’envoi cet article.
Je suis tout d’abord scotché puis très ému en découvrant les illustrations au lavis* du roman « Sa vie était écrite dans le ciel ». Evidemment cela tient à une histoire personnelle, non pas le roman mais l’illustrateur.
Ces lavis d’Andréas me transportent quelques décennies en arrière. A Cette année si particulière ou au printemps la jeunesse manifestait bruyamment son envie d’être libre et dont le slogan était « il est interdit d’interdire » et à l’automne j’entrais dans ce monde très fermé de la légion, à la citadelle de Bonifacio ou le mot d’ordre était « Ici tout est interdit et même pour pisser un coup il faut demander l’autorisation ». Contraste saisissant d’autant que ma formation de dessinateur au lavis pour les réclames (les Pub) me poussait à être curieux de tout et a ne jamais limiter mon imagination. Ici c’était le contraire « chercher à comprendre c’est commencer à désobéir ». Achtung ! Qu’on se le dise. Pour moi c’était un univers « oppressif », mais j’en avais fait le choix, un choix du style la peste ou le choléra, certes, mais un choix tout de même.
C’est dans ce contexte qu’intervient Andréas Rosenberg.
Quinze jours après notre arrivée nous avions l’autorisation d’aller 1 heure au foyer par semaine et en section, pour acheter cirage et nécessaires de toilettes.
Là, je découvre 6 copies d’illustrations en noir et blanc représentant des têtes de légionnaires d’époques différentes, œuvres d’Andréas Rosenberg, artiste inconnu pour moi. Enfin quelque chose qui m’attirait vraiment. Je n’arrivais pas à définir si c’était des imprimés de lavis ou des aquarelles imprimée en noir et blanc. Chaque fois que j’allais au foyer j’interrogeais cet artiste inconnu, lavis ou aquarelle ? Dans cette citadelle c’était le seul élément qui me reliait à un univers que j’aimais.
2 mois plus tard, au rapport du capitaine, j’apercevais dans son bureau une copie d’une des têtes de Rosenberg en couleurs : c’était donc des aquarelles. J’avais devant moi mon commandant d’unité qui me parlait, mais surtout une magnifique aquarelle que j’observais du coin de l’œil et qui retenait toute mon attention.
Plus tard à Aubagne j’ai découvert les aquarelles d’Andréas et pas seulement les têtes de légionnaires. Les émotions que m’ont procurées ses œuvres m’ont amenées à peindre à l’aquarelle. Et bien plus tard au 2°REI à Nîmes je rencontre brièvement cet artiste. Bien plus tard encore, à la CTLE au fort de Nogent je deviens ami avec Andréas et j’ai eu l’occasion, avec mon ami Christian de visiter son atelier, et par la suite bénéficier de ses précieux conseils en matière d’arts.
Je croyais tout savoir sur Andréas, dessins de mode, aquarelles etc.
C’est là que je suis scotché. Car je découvre à travers cet article qu’il est passé durant des années par la BD. Mais pas seulement la BD en dessin au trait mais la BD au lavis et là je découvre l’ampleur de son travaille. L’aquarelle ne pardonne pas trop l’erreur, mais le lavis pas du tout.
Faire un article sur Andréas Rosenberg, c’est rendre hommage à un grand artiste.
Merci pour lui Christian.
PYC
*Lavis : Technique de peinture à l’eau qui consiste à peindre en monochrome : une seule couleur, le blanc est obtenu par la couleur du papier.
En noir, avec de l’encre de chine diluée dans l’eau. Mais au lieu du noir on peut choisir une couleur aquarelle.
A votre lecture :
Andréas Rosenberg, né en 1906 à Czernowitz, dans l'Empire austro-hongrois, et décédé le 14 juin 2002, est un peintre aquarelliste français d'origine austro-ukrainienne.
Biographie : Ayant rapidement quitté sa ville natale, Andréas Rosenberg a étudié le droit civil et canonique à Vienne où il fréquente aussi l'Académie des beaux-arts. Contraint de fuir son pays à l'issue de l'Anschluss en raison de sa confession juive, il se réfugie à Paris où il travaille comme modiste. Lors de la déclaration de guerre, il est, comme de nombreux Autrichiens et Allemands résidant en France, arrêté et interné.
La vie au quotidien de la Légion
Le choix lui est alors donné de retourner dans son pays ou de s'engager à la Légion étrangère. Affecté à Sidi Bel Abbès au sein de l'unité de pionniers, il est employé à des tâches d'imprimerie au sein de la presse régimentaire. C'est à cette occasion qu'il fait la rencontre d'Hans Hartung, peintre allemand engagé dans les mêmes circonstances que lui. Lorsqu'il quitte le service actif, au bout de 5 années de service, il est nommé Peintre aux armées et reprend son activité de modiste, devient aussi illustrateur de bandes dessinées. Dans France-Soir, il compose aussi les vignettes des bandes dessinées de Paul Gordeaux.
Ses aquarelles, ses dessins, ornent tous les mess, les popotes, les salles de réunions de ceux qui servent ou ont servi à la Légion Etrangère.
Un sens des volumes exceptionnel !
«Il n’était pas facile de devenir légionnaire en 1939 ou les débuts difficiles d’Andréas Rosenberg.»
Andréas reçut le matricule 80609. Dans l’avenir, il perdra 17 kilos pendant l’instruction et sera plus tard nommé caporal-chef. Le Colonel Lambert qui prendra le commandement du Dépôt Commun des Régiments Etrangers en 1943 étant aussi un aquarelliste distingué remarquera rapidement les qualités d’Andréas et en fera par au Général Koeltz, commandant le 19ème Corps d’Armée d’Alger.
L’idée d’une exposition de tableaux sur la Légion commença à prendre forme. L’image de la Légion était également extrêmement forte auprès des états-majors américains présents en Afrique du Nord. Ceci était dû à des succès littéraires et cinématographiques d’avant guerre mais aussi et surtout à son attitude au feu lors des épreuves de 1939-1940, de Norvège, de Syrie, de Tunisie et lors de la campagne de France et d’Allemagne.
En 1944, notre artiste sera donc chargé par le Commandement et par les Alliés de peindre une série de tableaux représentant la vie de la Légion pour une grande exposition à Alger.
Il passera du grade de caporal-chef au statut de peintre de l’armée après cinq ans de services honnêtes et fidèles qui sont encore une autre histoire.
Portrait des "COMLE" ici le général Jean-Claude Coullon
Andréas Rosenberg n’est pas un auteur de bandes dessinées comme les autres.
Au fil de sa longue vie, il a longtemps mené de front trois disciplines artistiques : dessinateur de mode masculine, peintre officiel de l’armée française et dessinateur de bandes dessinées. Aujourd’hui, rares sont ceux qui aujourd’hui se souviennent de son nom. En 1992, c’est grâce à Alain Beyrand, fondateur des Dossiers Pressibus qui l’a rencontré, qu’Andréas Rosenberg est enfin sorti de l’anonymat.
Il travaille principalement pour l’étranger : l’Italie, puis la France. C’est dans ce pays où il réside depuis le milieu des années 1930 qu’il collabore au luxueux magazine « L’Homme », tout en dessinant pour « Vestire » en Italie. Lorsque la guerre éclate, ayant de bonnes raisons pour ne pas revenir en Allemagne ni en Autriche, il s’engage en 1939 pour cinq ans dans la Légion étrangère.
Basé en Algérie à Sidi Bel Abbes, grâce à un colonel aquarelliste amateur, il peut organiser une première exposition de ses œuvres à Alger. Dès 1944, il obtient un contrat officiel de peintre aux armées : fonction qu’il conservera jusqu’à sa disparition. Après avoir réalisé de nombreuses aquarelles sur l’armée d’Afrique, démobilisé, il poursuit cette activité après-guerre, doté d’une belle notoriété. Ses œuvres sont exposées dans toutes les galeries et les salons de réception de l’armée française. Il se déplace dans les régiments, assiste aux manifestations militaires, visite les unités en guerre qu’il met en scène dans ses aquarelles plus parlantes qu’une banale photo.
Doté d’un excellent coup de crayon, il est attiré depuis toujours par l’illustration et la bande dessinée. Ces plus de 50 années d’activité au sein de l’armée lui vaudront d’être appelé « Maître » par les plus hauts gradés. Il n’en poursuit pas moins ses travaux pour le dessin de mode jusqu’au milieu des années 1970, même si ce domaine est en voie d’extinction, car victime de l’utilisation à outrance de la photo. Il dessine pour des journaux suisses, allemands, autrichiens, italiens et, en France.
La guerre terminée, Andréas Rosenberg publie des illustrations dans les hebdomadaires qui ne manquent pas à l’époque : France-Dimanche, Point de vue, Images du monde, Confidences, Le Journal du dimanche… tout en réalisant des jaquettes de livres et des travaux publicitaires, entre autres pour la Mc Cann Company. Sauf erreur, c’est dans le premier numéro de l’hebdomadaire au format géant Radar (sous-titré Le Tour du monde en 150 images) du 8 février 1949 que paraît sa première bande dessinée : « Sa vie était écrite dans le ciel ». Adapté d’un roman de Paul Alpérine, ce récit réalisé au lavis évoque la recherche par des agents secrets d’un ingénieur américain mystérieusement disparu en Chine. Une histoire exotique peuplée de jolies filles présentée sur des pages au format impressionnant de 45 x 39 cm. La même année, il met en images « La Dame de Maracaibo » : un roman d’amour et d’aventures écrit par Maxime Aubert. Ce récit, lui aussi réalisé au lavis, est publié par l’hebdomadaire féminin « Votre cœur ».
Restons dans la presse féminine avec l’adaptation en 1953 de « La Folie Mac Leod » : un roman de Louis Bromfield proposé par l’hebdomadaire belge « Lectures d’aujourd’hui ». Pour le même journal, il illustre « Une vie de reine : Élisabeth II ». Andréas Rosenberg n’évoquant pas ces travaux dans son entretien avec Alain Beyrand, il est possible d’imaginer qu’il en a dessiné d’autres, tant la production était importante à l’époque… et souvent anonyme.
Rencontré à la revue « L’Homme », Michel Bongrand, connu pour ses activités dans la publicité, lui propose de contacter Hélène Gordon Lazareff : fondatrice de « Elle » et épouse de Pierre le patron de France-Soir. C’est parce qu’elle n’a pas de travail pour un modiste spécialisé dans le dessin masculin dans son hebdomadaire qu’elle l’oriente vers son époux. Il est aussitôt embauché par Pierrot les bretelles : c’est ainsi qu’était surnommé le bouillant patron du quotidien qui vendait alors à plus d’un million d’exemplaires. « France-Soir » propose, depuis peu, une page entière de bandes dessinées à ses lecteurs et recherche des dessinateurs. En 1951, il démarre une collaboration de plus de dix années, se spécialisant dans la mise en images de romans dessinés en bandes horizontales proposées avec les textes placés sous les images. Sous la direction éditoriale de Vania Beauvais qui plus tard fera travailler Jean-Claude Forest, Julio Ribera, Hugo Pratt, Paul Gillon, Georges Pichard… il commence par adapter « Fortune carrée » : un roman de Joseph Kessel.
Pendant près de dix ans il réalise avec une belle régularité : « La Corde de sable » de Walter Deniger en 1951
À ces travaux quotidiens s’ajoutent des bandes verticales, elles aussi présentées avec le texte placé sous les dessins : « La Vie héroïque de De Lattre de Tassigny » en 1952, les rubriques « Le Livre dont on parle raconté en images », « Le Livre du jour » où les ouvrages sélectionnés sont résumés par Marc Andry,
On ignore pourquoi il quitte « France-Soir », au début des années 1960, pour rejoindre la célèbre agence « Opera Mundi » de Paul Winkler où les salaires sont moins généreux.
Bien que n’étant pas un adepte de l’utilisation des ballons, il crée « Commissaire Gilles » : un strip policier publié en avant-première par « L’Aurore » en 1962 et 1963. Un format plus grand, inhabituel pour une bande quotidienne, lui permet d’audacieuses mises en images.
Seulement quatre enquêtes sur une trentaine résolues par le célèbre commissaire imaginé en 1933 par Jacques Decrest (Jacques Biguet, 1893-1954) sont adaptées en 408 bandes. La série se termine avec le mariage du policier qui épouse la charmante Françoise qui l’assiste dans ses enquêtes. Quelques quotidiens de province ont repris la série : « Presse-Océan », « Le Républicain lorrain »…
Toujours dans L’Aurore, en 1967, on lui doit les 119 bandes des « Mal Aimés de Fercombe » : histoire présentée de nouveau avec les textes placés sous les images. C’est une adaptation d’un roman de Thérésa Charles (pseudonyme commun du couple britannique Irène et Charles John Swatridge) dont la signature est souvent présente dans les bandes quotidiennes.
Il signe aussi quelques récits destinés à la série verticale « Les Histoires mystérieuses ». Au milieu des années 1960, il commence une collaboration régulière avec « Sélection du Reader Digest », pour lequel il illustre la rubrique « L’Aventure de la vie ». Il y présente, en images muettes sur trois strips, le thème d’un article proposé par le magazine. Il en réalise 34 : « Prisonniers du désert », « La Terreur frappe à la porte », « La Trêve de Noël », « Le Magicien volant », « J’ai descendu Yamamoto »… Des reprises de ces travaux sont présentées par « L’Écho républicain », « Le Nouveau Méridional », « L’Écho de Nice »… Avec les années 1970, commence une collaboration sans interruption de plus de 15 ans avec l’agence Inter monde Presse parfois simplement appelée « I.M.P ». Plus volontiers orientée vers la presse régionale, elle est fondée en 1959 par Jacques Bloch-Morhange, Gilbert Gensac et François Gratier : un ancien chef de rubriques chez « Opera Mundi », puis « Mondial Presse ». Une solide équipe de dessinateurs y collabore :
Robert Rigot (« Maître Dominique »), Ferdinando Fusco (« An 2000 »), Roland Garel (« Chère Pauline »), Daniel Billon… Odile Reynaud qui gère les droits de Simenon et François Gratier en sont les principaux scénaristes et adaptateurs.
À la fin des années 1960, Andréas Rosenberg met en images deux romans de Guy de Maupassant : « Une Vie » et « La Guerre des femmes ». Ces bandes proposées avec les textes placés sous les dessins sont publiées par divers quotidiens de province : « La République du Centre », « Le Maine libre », « La Montagne », « Le Courrier de l’Ouest », « La Voix du Nord »… et certaines éditions de province du « Parisien libéré ». Il aborde le strip classique avec ballons, en 1973, pour ne plus l’abandonner. Entre 1973 et 1978, il met en images huit aventures d’Imogène totalisant 2 002 bandes divisées en trois parties : « Cette chère Imogène », « Imogène est de retour » et « Notre Imogène ». Il s’agit d’une adaptation réussie des romans policiers de Charles Exbrayat (1906-1989) publiés à partir de 1959 aux éditions du « Masque ». Imogène Mac Carthery est une solide Écossaise travaillant pour l’Intelligence Department de l’amirauté. Proche de la retraite, surnommée The Red Bull (le taureau rouge), elle est l’héroïne d’aventures policières cocasses. Elle déteste tout ce qui n’est pas écossais et vit dans le petit village typique de Callander.
Andréas Rosenberg prend visiblement plaisir à illustrer cette parodie du polar britannique. Il adapte aussi deux autres romans de Charles Exbrayat, auteur à l’époque fort prisé par les lecteurs : « Et que ça saute ! » en 1974-1975 (310 bandes)
En 1981, Andréas Rosenberg s’attaque à un autre monument de la littérature policière : Georges Simenon (1903-1989). La série baptisée par le diffuseur « Les Introuvables », adaptée par Odile Reynaud, ambitionne de proposer en bandes quotidiennes les romans méconnus du créateur de « Maigret », à l’époque de leur parution souvent publiés sous divers pseudonymes. Sept ouvrages sont ainsi mis en images de 1981 à 1986 : « Chair de beauté » (1928 chez Fayard) en 1981-1982 en 228 bandes, L’ensemble de ces strips est proposé, en avant-première par Le Parisien libéré, mais seulement dans son édition parisienne, remplacés en province par les « Pieds nickelés » de René Pellos. Les provinciaux peuvent savourer ces histoires dans Le Républicain lorrain, La Montagne, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Le Courrier de l’Ouest… et certains récits sont au sommaire de « Bonnes Soirées ». « La Panthère borgne » est la dernière bande dessinée réalisée par Andréas Rosenberg qui se consacre ensuite uniquement aux peintures destinées à l’armée. Il décède à 96 ans, le 14 juin 2002 à Paris accidenté sur un trottoir par une voiture conduite par un homme drogué. Contrairement à de nombreux autres dessinateurs de cette époque, il n’a pas souffert de l’arrivée de nouvelles générations d’auteurs, ayant toujours considéré la bande dessinée comme un appoint à ses autres revenus. Son dessin aux noirs et blancs précis, mais aussi la finesse de son trait soignant décors et personnages, en fait un des plus dignes représentants des auteurs de bande dessinée ayant travaillé pour la grande presse. Il n’était pas un adepte des phylactères expliquant à Alain Beyrand « Je préfère le texte sous l’image, c’est mieux pour quelqu’un qui aime bien dessiner. Moi, personnellement, je n’étais pas un fan de bande dessinée. Je n’ai jamais essayé de faire des albums. C’était un moyen agréable jusqu’à un certain point de gagner de l’argent. Ce que je fais maintenant (note : l’aquarelle), je le préfère de loin, parce que j’ai beaucoup plus de liberté, je ne suis pas obligé de faire des ressemblances… La bande dessinée est astreignante, mais j’ai eu assez de succès pour que l’on me demande de continuer ». Curieux bonhomme qui, pendant 35 ans, a fait un métier en solitaire sans connaître la passion de l’exercer que l’on trouve chez la plupart de ses confrères. En 1997, les éditions « Addim » ont publié « Armée de terre, un demi-siècle (1944-1997) » : ouvrage richement illustré retraçant quarante années de dessinateur officiel aux armées d’Andréas Rosenberg.
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Un très grand merci à monsieur Francisco Alvarez Tejada.