En recherche de livres anciens proposés par une librairie qui vend des vieux "bouquins", il m'est arrivé de mettre la main sur de vraies pépites; c'est le cas avec ce livre passionnant qui raconte le quotidien de cette Légion qui appartient déjà au passé et qui n'est pas si lointaine au point de provoquer encore et encore de vilaines nostalgies mais aussi de bien jolis rêves.
Mis à la retraite officiellement le 20 décembre 1935, le général Rollet, rendu à la vie civile ne peut se résoudre à l’inactivité et consacre ses dernières années de sa vie à l’amélioration de celles des autres. Il accepte en 1938, la présidence de la « Fédération Nationale des Blessés de la Tête et de la Face » (Les Gueules cassées). Jusque sa mort à Paris le 16 avril 1941, le Général sera très actif.
Preuve irréfutable de son intérêt porté par le Général à ses chers légionnaires, la seule préface qu’il a accordé pour un livre est celui écrit par Jean Martin en 1938 pour la librairie Arthème Fayard : « Je suis un légionnaire ».
A votre lecture :
La Légion étrangère ! La mystérieuse et légendaire Légion, est-il chose qui ait entendu plus de sottises racontées sur elle ?
La campagne menée par l’Allemagne avant la Guerre, tellement odieuse et mensongère qu’elle amena la protestation indignée de légionnaires allemands, a laissé en France des traces indélébiles, difficiles à effacer.
Combien mettent encore sur le même plan la Légion et les bataillons d’Afrique, sans réfléchir que la Légion n’est composée que d’engagés volontaires, exclusivement ? N’y vient que celui qui le veut bien. Le fait qu’aucune pièce justificative d’identité n’est exigée du candidat légionnaire n’entraîne pas que celui-ci soit un criminel. Il y a deux raisons pour que ces derniers s’en abstiennent : ils y seraient d’abord immédiatement cueillis, puis la Légion demande une somme de travail et de courage constant qui n’est pas le fait de ces gens-là !
La Légion étrangère est une arme comme les autres, soumise aux mêmes réglements avec cette différence qu’on y admet des étrangers. Elle y ajoute avec une forte discipline, un admirable esprit de corps aidé par une tradition glorieuse et la volonté de toujours accomplir ce qu’on lui demande. Bien entendu ce ne sont pas de petits saints que les légionnaires ; ce sont des hommes rudes, rompus au dur métier que l’on exige d’eux, francs jusqu’à la brutalité parfois ; sûrs et admirablement disciplinés dans tous les actes, et pourtant rouspéteurs, mais, comme les grognards de l’Empire, ils rouspètent mais ils marchents !
Et puis, enfin, leurs détracteurs songent-ils que chaque légionnaire tombé épargne la vie d’un français ? Leurs pertes sont souvent cruelles, et personne n’en parle, ce sont les morts anonymes et que l’on ignore : Ils ont beau s’être engagés pour çà, dit-on, on doit respecter leur sacrifice, et leur dévouement à la devise de leur drapeau : « Honneur et Fidélité ».
Demandez aux officiers qui ont eu l’honneur de les commander ce qu’ils pensent d’eux ! Ceux qui y ont goûté veulent y rester, car ils savent bien, s’ils ont su gagner l’estime et le cœur de ces hommes, que l’on peut demander tout à un légionnaire, qu’il vous suivra partout et ne vous abandonnera jamais, même mort, et que s’il échoue quelque part, c’est que la chose est impossible.
On leur reprochera, quand ils viennent au repos, de manquer de discrétion dans leur détente, de faire des bringues et de prendre des cuites sensationnelles : et pourquoi pas ? Il faudrait avant de critiquer songer à la vie qu’ils ont menée pendant des mois, en alerte constante, couchant sous la tente sans se déshabiller jamais, combattant ou faisant comme les Légions romaines les travaux les plus divers et les plus rudes, et n’ayant le soir d’autre distraction que de se coucher au plus vite pour, après un sommeil pesant, être prêts à recommencer le lendemain… Et des esprits chagrins ou timorés qu’offusque le moindre écart voudraient empêcher ces braves gens, une fois au repos, de mettre à s’amuser la même ardeur qu’ils mettaient au travail ? Et puis, cette halte dans leur vie dangereuse est peut-être la dernière ; ils en profitent, et largement, mais s’ils vont parfois un peu loin, peut-on le leur reprocher ?
Je terminerai en citant ce qu’écrivit sur la Légion un jeune engagé de 1914, un de ceux qui crurent que leur devoir était de défendre la France où ils vivaient Il est aujourd’hui professeur agrégé dans un de nos grands lycées, le premier peut-être, et son témoignage, désintéressé, est à retenir.
« Un cloître, il n’est peut-être pas de terme plus exact pour définir ce qu’est vraiment la Légion. Un cloître, car c’est un abri pour les désemparés, un refuge pour ceux qui ne peuvent vivre la vie du siècle, mais dont le cœur est trop droit pour chercher à en troubler l’ordre ; un milieu d’abnégation, de renoncement, où l’on pratique les vertus du chrétien et celles du soldat : foi, espérance, solidarité, vaillance ; un prieuré, un ordre militaire laïc, où il y a un « supérieur », le chef, une « règle », la discipline, un « culte », celui du drapeau. Pourtant ce n’est pas la vie cloïtrée, la cellule solitaire, que trouve le légionnaire ; ni dans les grandes casernes blanches de Bel-Abbès, ni quand il s’en va courir le bled saharien, affronter les Berbères de l’Atlas, le tigre ou la sagaie dans la brousse tropicale, les fatigues et les dangers de la guerre, les marmites et les mitrailleuses. Mais c’est précisément parce que la Légion n’est pas un couvent comme tous les couvents, c’est parce qu’elle répond à d’autres besoins, qu’elle est nécessaire. Sa création, son entretien, sont de la part de la France non point « l’intolérable manifestation d’impérialisme » que veulent y voir ses ennemis, mais une bonne action, une « institution charitable ».
« Le pays qui a ouvert ce « lieu d’asile » a bien mérité de l’humanité.
« On entre à la Légion, bien souvent, comme on entre au couvent, par désespoir d’argent, désespoir d’amour, désespoir d’honneur… On y entre par dégoût de la vie, par dégoût des hommes ou de soi-même… On y entre pour disparaître, pour oublier, pour être oublié.
« Mais il y vient aussi des hommes épris d’aventures, gênés dans leur passion d’activité par les règles, les nécessités de la civilisation. Rebut des nations ? Que non pas ! Les légionnaires, dans leur ensemble, représentent tout ce qu’il y a de bon, de plein de cœur, dans l’élément indépendant que comporte toute société. Certains ont, il est vrai, des fautes à racheter, mais pour le plus grand nombre, la faute essentielle, si c’en est une ! est de n’avoir su se plier à quelque mesquinerie de la vie moderne.
« Oh ! sans doute il y a des motifs classiques dans les engagements à la Légion : en première ligne le « cafard », le coup de tête, le désir de voir du pays. Il y a les sans travail et les meurt-de-faim, avec la certitude de la gamelle. Encore cet argument ne décide-t’il que ceux qui ont du cœur. Il y a enfin pour tous ceux que poursuivrait chez eux le ressentiment des passions politiques un asile inviolable.
« N’oublions pas que de 1870 à 1914 la Légion a été le refuge de ceux qui gardaient au cœur l’amour de la Patrie perdue. Maintenant, grâce au ciel, les Alsaciens et les Lorrains n’ont plus besoin de venir à la Légion pour servir la France, mais quels fiers légionnaires ils ont été !
« Quel qu’en soit le mobile, ce n’est pas une conduite banale, ni blamâble, que celle de l’homme qui, volontairement, réclame et accepte le devoir militaire, s’attache à son drapeau, s’engage à le défendre jusqu’à la mort… et qui tient son serment !
« Qu’importe, quand la Légion passe, que les chiens viennent aboyer après elle... »
Général Rollet.